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les "syndicats libres" : quelques repères, pour ne pas perdre nos valeurs

Publie le jeudi 25 mars 2010 par Open-Publishing
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Président d’honneur
Georges SÉGUY

Confédération des syndicats libres : quelques repères

« Le bureau confédéral de la Confédération des syndicats libres (CSL) appelle ses candidats sortants à se rapprocher au plus vite des responsables de Force Ouvrière et de négocier leur position en situation d’éligibilité. (…) Les instances nationales de la CSL ont décidé, à compter de ce jour, la mise en sommeil de ses structures. » Extraits du communiqué de la CSL du 4 octobre 2002.

1959 : Création de la Confédération française du travail

En 1947, « des hommes d’origine et de formation différentes se sont trouvés d’accord pour dénoncer la malfaisance de la CGT communisée » (Origines de la CGSI dans Le syndicaliste indépendant, N° spécial mars 1956). En effet, c’est aux racines du syndicalisme indépendant qu’il faut chercher les prémices de la Confédération des syndicats libres (CSL). Ce syndicalisme lui-même héritier des syndicats Jaunes.

Une Confédération du travail indépendant (CTI) est fondée en 1947. On y trouve à la fois d’anciens syndicalistes communistes, des militants du courant Syndicats animé par René Belin, des membres du Rassemblement du peuple français (RPF) le parti créé par le général De Gaulle. De querelles de pouvoir en scissions, cette CTI mute dix ans plus tard, en décembre 1959, en une Confédération française du travail (CFT) qui rassemble les différents rameaux du syndicalisme indépendant à l’exception de la Confédération générale des syndicats indépendants qui rejoint la CFTC en 1975. Pour leur part, les syndicats CFT des grands magasins rallient FO en 1971. (dans R. Mouriaux, Le syndicalisme en France, PUF).

Jacques Simakis est le premier secrétaire général de la CFT. En 1968, cette organisation se distingue par ses « piquets de grève pour organiser la liberté du travail », drapeau tricolore en tête, ses militants tentent de rentrer dans les entreprises occupées.

Au début des années 70, profitant de ses accointances politiques, la CFT cherche à obtenir le statut d’organisation syndicale représentative, elle n’y parviendra pas en dépit du soutien de plusieurs parlementaires de l’UDR.

Au Congrès de septembre 1975, la CFT prétend « changer de cap », Jacques Simakis est évincé, il fonde l’Union française du travail et dénonce les liens existants entre la CFT et le Service d’action civique (SAC).

Le nouveau secrétaire général est Auguste Blanc, fondateur et secrétaire du syndicat CFT de Citroën depuis 1968. N’est-ce pas le signe d’une belle continuité ?

1977 : Adoption du sigle CSL

Dans la nuit du 4 au 5 juin 1977, aux Verreries mécaniques champenoises à Reims, un commando tire sur les grévistes, Pierre Maître, militant CGT meurt le lendemain. Deux autres cégétistes sont gravement blessés. Quatre des cinq hommes du commando arrêtés par la police sont adhérents à la CFT.

Au cours d’un congrès extraordinaire, réuni à Marseille en novembre 1977, Auguste Blanc propose de changer le sigle de la CFT : « il est temps aujourd’hui de changer le sigle de l’organisation qui a été salie par nos adversaires… la marque CFT est lourde, trop lourde à porter ». La Confédération des syndicats libres (CSL) est née.

Au cours de ce congrès, la CSL adopte un « manifeste aux travailleurs de France (…) pour un syndicalisme populaire, authentique et professionnel. Nous refusons le marxisme, le collectivisme et l’autogestion, nous voulons la cogestion ».

Par ailleurs, la CSL condamne « le pouvoir politique qui abandonne la famille et l’entreprise à la formidable machine de guerre civile à deux têtes qui se nomme CGT et PC ». En dehors de l’emballage, rien ne change vraiment.

1978 : Manifeste pour un syndicalisme libre

En juin 1978, la CSL, la Confédération autonome du travail (CAT) et la Confédération nationale des salariés de France signent « un manifeste pour un syndicalisme libre ». Ces trois organisations décident ainsi « de coordonner leur action pour rassembler les salariés écartés du syndicalisme par des confédérations officialisées. (…) Elles répudient la notion stérilisante, décourageante et périmée de la lutte des classes ».

Aux élections prud’homales de décembre 1979, elles constituent des listes communes sous le titre : « L’alliance pour les libertés syndicales » et présentent des candidats dans 219 Conseils. Elles obtiennent 2,86% des voix. En décembre 1982, la CSL recueille 1,71% des suffrages du collège salariés aux prud’hommes.

La CSL n’a jamais révélé le nombre de ses adhérents

Son implantation la plus forte s’est faite dans la métallurgie et notamment dans l’automobile. En 1979, la CSL affirme être implantée aux PTT, dans les transports urbains, la chimie, le bâtiment, l’alimentation, les banques et assurances…

En 1995, la CSL dit avoir « sa majorité d’adhérents chez les taxis, le commerce, les grandes surfaces, la distribution, les gardiens d’immeubles, la restauration, les moyens de transport et de communication … ».

La philosophie et les méthodes de la CFT-CSL

1971, 5e Congrès, rapport de Jacques Simakis : « Le sort de la CFT est lié à celui de la France : si nous échouons, c’est que la France aura sombré dans l’anarchie, la barbarie, le totalitarisme. Si nous réussissons, c’est que nous aurons réussi à entraîner les Français à vouloir enfin l’intérêt général. »

Les textes officiels de la CFT, puis de la CSL, ne sont pas ambigus. Cette officine est pour une collaboration de classe aux accents fascisants.

Novembre 1969 : « 1970 sera l’année de la justice sociale : justice pour les travailleurs engagés sur le chemin de l’association du capital et du travail ». La CGT et le Parti communiste sont ses cibles privilégiées mais les autres confédérations syndicales ne sont pas épargnées.

Dans les années 70, le patronat et le pouvoir politique jouent la division du mouvement ouvrier, les syndicats « maisons », « indépendants », « autonomes » ou encore dits « libres » sont leurs outils privilégiés. Dans une brochure publiée en 1970, la CGT écrit : « de nombreux ministres, députés, maires et préfets ont eu des contacts avec la CFT.

D’autres semblent hésiter. La prudence de certains gêne la réalisation de ce qui apparaît pour les dirigeants de la CFT comme la panacée universelle, l’affirmation qu’elle est représentative afin de lui accorder le droit de présenter des candidats dès le premier tour des élections professionnelles ». En 1971, Robert Galley, ministre des PTT, accorde vingt-cinq permanents à la CFT.

Sur le terrain, les militants de la CFT, puis de la CSL, sont réputés pour leurs interventions musclées.

Le 15 mars 1974, la CGT présente à la presse une étude titrée : « Révélations sur la CFT - Un complot du pouvoir et du patronat contre les travailleurs ». Présentant l’investigation de la Confédération, Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, déclare : « nos propos prouvent que la CFT n’est qu’un instrument de coercition entre les mains du patronat, du pouvoir et des formations politiques réactionnaires, contre les travailleurs. Il n’est pas question ici de polémiquer sur la question de savoir si la CFT a droit ou non à la qualification d’organisation syndicale représentative, mais de lui dénier plus simplement la qualification d’organisation syndicale tout court. »

Suivent les déclarations de Marcel Caille, secrétaire de la CGT, qui s’appuyant sur les aveux d’un ancien militant de la CFT montre la collusion avec patrons, hommes politiques de droite et police. Ainsi, on découvre qu’en 1970 Paul Berliet donne carte blanche à son directeur général du personnel pour distribuer argent et locaux à la CFT. Le renégat précise que le directeur réclamait aussi « des éléments de choc », ainsi poursuit-il, « le directeur du personnel donnait des ordres pour qu’à la demande de la CFT, on embauche ou on mute, ou on donne de l’avancement à telle ou telle personne. On voulait être sûr qu’en cas de coup dur, comme une grève, les gars restent sur place et que pour les élections ils mettent un bulletin CFT dans l’urne ». Le même confie : « pour avoir un renseignement il me suffisait de téléphoner au Commissariat central et à la Préfecture.

Je donnais le nom du gars et tout de suite on me donnait les renseignements ». Il cite aussi les collaborations avec les Renseignements généraux et la DST. Enfin, il explique que dans l’usine ils sont passés d’une personne sur dix qui devait leur donner des renseignements à une sur dix qui soit un véritable bagarreur. Car « pour faire tomber la CGT » comme disent alors les dirigeants de la CFT, ils utilisent l’intimidation, la corruption et la violence. Des hommes de mains, anciens parachutistes ou bandits, sont recrutés pour tabasser ou éliminer les militants CGT. Citant deux secrétaires du syndicat CGT, le témoin confie : « ces gens-là, il fallait leur faire des ponctuels de façon à s’en débarrasser définitivement, qu’ils ne puissent plus venir travailler ».

Dans la même brochure, la CGT révèle également le sort de travailleurs marocains pas assez dociles et qui, en août 1973, ont disparu dans leur pays.

L’exemple type de Citroën

Le 24 mars 1977, à propos des élections chez Citroën, la CGT s’adresse au ministre du Travail en ces termes : « A chaque scrutin, la direction en liaison avec la CFT exerce par des violences physiques, par des procédés illicites, par des mesures discriminatoires, par d’autres et multiples pressions sur les travailleurs, une obligation de fait pour ceux-ci de voter CFT. » Et la Confédération de demander au gouvernement de prendre des mesures pour assurer la libre expression des travailleurs.

Juin 1977, dans la nuit du 4 au 5 c’est l’assassinat de Pierre Maître (voir plus haut).

Deux membres du commando sont des militants CFT-Citroën connus pour leurs violences physiques contre les militants de la CGT.

La CFT s’implante chez Citroën, dès 1968, grâce au soutien actif de la direction générale. Ainsi, elle a organisé l’élection de candidats dits « libres » en recommandant à ses cadres, par note écrite, de faire bénéficier ces candidats d’un soutien efficace. De 1968 à 1975, Auguste Blanc occupe un poste fictif, il est responsable de l’appareil CFT dans l’ensemble des usines Citroën. A ce propos, Marcel Caille écrit : « la direction Citroën paye des dizaines de permanents de la CFT : ce sont les agents de secteur, véritable police privée chargée d’organiser la CFT et d’encadrer les commandos ; chargés de mettre en condition l’encadrement hiérarchique afin de le faire intervenir dans le cadre du système répressif existant. Le nombre des hommes de mains est estimé à deux cents pour les usines de la région parisienne et autant pour l’usine de Rennes. » (Le Peuple, N° 1017, juillet 1977).

Un dispositif identique existe dans plusieurs autres usines comme à Simca-Chrysler, lire à ce sujet Henri Rollin : militant chez Simca-Chrysler (Éditions sociales, 1977).

Ces milices patronales sont très actives : contraintes et violences permanentes sur les travailleurs ; espionnage, délation, chantage, corruption ; agressions physiques ; organisations des licenciements des militants CGT et des syndiqués.

Voici quelques exemples :

14 avril 1970 : brutalités et violences aux portes de l’usine de Rennes. Il y a des blessés.

8 décembre 1971 : Gilbert Lenouvel, agent de maîtrise, militant CFT, est condamné par le TGI de Rennes à quatre mois de prison avec sursis « pour avoir empêché par la violence une distribution de tracts CGT ». Le même personnage, en août 1972, tente de renverser la voiture d’un militant CGT.

De septembre 1975 à avril 1976 : trente et une opérations de commandos ont été recensées à l’usine Citroën-Aulnay contre les ouvriers et les militants de la CGT.

Avril 1976 : Alphonse Camposéo, CGT de Citroën-Levallois, est agressé et défiguré par un commando CFT. Deux cents nervis interviennent violemment pour briser la grève.

A ce propos, lire les deux ouvrages de Marcel Caille Les truands du patronat, (Éditions sociales, 1977), et L’assassin était chez Citroën, (Éditions sociales, 1978) dans lesquels il

réalise un riche travail d’investigation et montre dans les détails les méthodes employées par le patronat et ses milices pour intimider les travailleurs, réduire leurs libertés, et persécuter les militants de la CGT.

Réalisé par Élyane Bressol, secrétaire générale de l’Institut CGT d’histoire sociale.


parmi quelques articles

 F.O. - CSL vers la fusion. Ils veulent devenir majoritaires à Peugeot Poissy (courrier de Nantes 28 octobre 1999)

 Elections chez Peugeot-Poissy : la fusion FO-CSL n’a pas fait l’addition(courrier de Nantes 23 mars 2000 )

 Feu-la CSL, syndicat jaune (libération 10/10/2002)

 La fin de la Confédération des Syndicats libres (CSL) (IST 7 novembre 2002)
 FRANCE : Immigrés, les "orphelins" de la politique française

 Vidéos INA

 A Poissy, PSA perd son syndicat porte-flingue. Lâchée par la direction de Peugeot-Citroën, la CSL se saborde( Libération,17/07/1999)

 PSA Peugeot Poissy (Yvelines) : un militant CGT menacé de licenciement. Avec Farid Borsali !

 Usine de la Barre-Thomas : L’ex-syndicat maison est toujours majoritaire

 Ce n’était qu’un début !

 Citroën (Aulnay sous Bois) : La direction tente de redistribuer les cartes syndicales (Convergences Révolutionnaires,mars-avril 2001 )

 manifestation chez citroën (INA 1982)

 Représentativité Syndicale (En dehors, 17 Avril 2008)

 Dans les boîtes de Saint-Ouen...et d’ailleurs...

 Il y a 32 ans, Pierre Maître était assassiné aux VMC de Reims( Où va la CGT 7 juin 2009)

 Les conflits Talbot, du printemps syndical au tournant de la rigueur (1982-1984)

 Barbouzes au pays des droits de l’Homme

 L’histoire secrète du patronat La bas si j’y suis ( radio, France Inter, Michel Mermet)

 zpajo - Talbot-Poissy article sur la liste des Sans Pap’

quelques références, et encore bien d’autres.....

Mais d’aucuns prétendront "lessiver plus blanc que blanc" les "syndicats libres", ex affiliés de de la CSL, ex CFT

On a vu des tentatives de publier (ici, vainement) des articles de syndicats issus de cette mouvance, ou survivants

 SIA
 CAT
 SOD

etc...

et leurs multiples alliances à la faveur d’alliances, de listes communes, de fusions après la loi sur la représentativité

Messages

  • Ne ps oublier que tout ce beau monde passait aussi chez Georges Albertini,1911-1983 ex PC puis avec Déat dans la collaboration.Condamné a 5 ans de prison ,il en sort en 1948, lapeine ayant été "allégée".
    Il fonde le Bureau d’Études et d’InformationS PolitiqueS et InternationaleS(BEIPI) a la solde du CNPF et son anticommunisme truve aussi de quoi saisfaire ses pensées profondes en s’alliant avec avec Boris Souvarine.
    le BEIPI devient Institut Histoire Sociale qui publie tout ce que l anticommunisme a de plus laid.
    Cette IHS (a ne pas confondre avec celle de la CGT) piblie encore.

    • lire en complément

      "Dans les petits papiers du patronat" : une série d’article publiés dans L’Humanité

      l’ouvrage "Histoire secrète du patronat : De 1945 à nos jours"

      Présentation de l’éditeur

      De la Seconde Guerre mondiale à la crise financière de 2008-2009, chacun croit connaître plus ou moins l’histoire de l’économie française. Mais derrière l’histoire officielle des manuels scolaires s’en cache une autre, secrète : elle met en scène les patrons qui ont réellement façonné le capitalisme français. C’est cette saga que racontent dans ce livre cinq journalistes d’investigation. Elle plonge le lecteur dans les arcanes d’un véritable " système " né dans l’après-guerre et qui, malgré ses mutations, marque encore aujourd’hui la machine patronale. Du recyclage des anciens cadres de Vichy dans la reconstruction jusqu’aux caisses noires des syndicats patronaux, en passant par le financement secret des partis politiques ou les graves dérives du paritarisme, on découvre le rôle central de personnages aussi puissants que discrets. Comme Georges Albertini, éminence grise du patronat liée à l’extrême droite dans les années 1950, ou les " conseillers du prince " qui ont influencé les choix économiques des présidents successifs de la Ve République. On découvre aussi les efficaces lobbyistes d’un patronat capable de se tailler des réglementations sur mesure au mépris de la santé des citoyens. Et qui a su s’appuyer sur des intellectuels et de grands médias pour convertir les élites politiques aux "mérites" de la finance dérégulée.
      Cette somme brosse le vrai portrait de nombreux patrons français, révèle les bonnes affaires des uns dans la " Françafric ", les juteuses opérations des autres dans l’immobilier ou l’industrie. On découvre comment se sont vraiment faites la plupart des grandes fortunes françaises, celles d’hier et d’aujourd’hui : subventions extorquées à l’Etat, entreprises publiques bradées, rachats de sociétés dans des conditions obscures, montages financiers aux marges de la légalité, fraude fiscale, espionnage, coups fourrés, etc. La légende de patrons conquérants, prenant tous les risques pour faire leur fortune à la force du poignet, sort sérieusement écornée de ce magistral livre-enquête.

      Biographie de l’auteur

      Frédéric Charpier est journaliste indépendant. Benoît Collombat est journaliste à France Inter. Martine Orange est journaliste à Mediapart. David Servenay est journaliste à Rue89. Erwan Seznec est journaliste économique.