Accueil > Relocalisons…

Relocalisons…

Publie le lundi 12 avril 2010 par Open-Publishing
2 commentaires

de Michel MENGNEAU

Si on admet qu’une relocalisation totale n’est ni possible ni souhaitable, ainsi que veulent le laisser penser ceux qui ont encore dans l’esprit les bribes inconscientes du système capitaliste, à partir de là on aura sans nul doute vite refermé la porte de l’imaginaire.

Mais comme il n’y a aucune raison à ce que l’on ait des barrières intellectuelles figées, on peut sans à priori y réfléchir pour aller encore plus loin dans la déconstruction du système. En partant du principe que nulle utopie n’est à rejeter, rien n’empêche d’imaginer une relocalisation de base qui permettrait d’associer des initiatives de petites envergures permettant de tisser un réseau de démocratie horizontale. La somme des contre-pouvoirs pourrait ainsi se mettre en place pour tendre vers la masse critique…

La mondialisation nous fait consommer des chaussures dont on ne sait d’où elles viennent. On pourrait se dire, à la limite, peu importe, quelle différence y a-t-il entre un pied Tibétain et un pied maraîchin. Sans s’aventurer en terrain mouvant on ne peut que constater que la taille des pieds n’est pas la même…Ah, bon, il n’y a pas néanmoins que cela, le Marais Poitevin est baigné par le Gulf-Stream et la température au Tibet est en générale beaucoup moins clémente, donc à priori les chaussures ne devraient pas avoir la même épaisseur, et imager un peu plus la réflexion, on voit mal comment on pourrait aller dans le marais avec des bottes en peau poilue de yacks.

Rien ne pouvant arrêter la bêtise humaine quelques bobos inconséquents vont donc se balader avec les chaussures en poils de yack pour défendre le féodalisme religieux tibétain, tandis que les autres vont porter des chaussures en matière synthétique fabriquées à Taïwan avec un label connu et répandu, c’est vrai, les secondes seront moins chères et moins folkloriques mais monsieur tout le monde y trouvera son content, peut-être, en apparence….

Le système capitaliste va alors gueuler haro sur la contrefaçon, mais n’en fera pas plus de cas dans la mesure où c’est une entreprise multinationale qui fabrique ces chaussures en exploitant les femmes et enfants d’un pays en voie de développement. Ce qui en plus lui permet de les expédier en Europe dans des containers sur des bateaux pollueurs et surchargés ; containers aux conditionnements de contreplaqués autrefois fournis par des entreprises françaises, et maintenant par les multinationales en place au Gabon dont quelques unes sont d’ailleurs d’anciennes installées naguère sur notre territoire…. Tout un programme qui n’a aucunement réglé le problème des forêts tropicales tout en y a rajoutant aussi la continuité de l’exploitation de la main-d’œuvre locale ; le colonialisme n’ayant pas quitté l’esprit des exploiteurs !

La question est toute simple, est-ce que chez nous on ne sait plus faire de chaussures ?

En effet, à partir d’un raisonnement simple on pourrait déjà penser que les dites chaussures seraient encore moins chères en les fabriquant sur place puisque l’on aura considérablement réduit le transport, réduit aussi la pollution inhérente en ne faisant pas venir de la marchandise des antipodes. C’est raisonner en tout bon sens ce qui n’est cependant pas le fonctionnement intellectuel d’un capitaliste. Pour lui, le seul concept, c’est le profit qu’il va tirer des intérêts du capital, et comme la main-d’œuvre en est la principale variable d’ajustement il va chercher où elle est la moins coûteuse ; résultat, des chaussures à base de matière synthétique produites en grande série par des travailleurs sous-payés reléguant ainsi le prix du transport à un infirme pourcentage de la valeur sur l’étiquette du supermarché distributeur.

Godasses pas chères, uniformisation des modèles, produits renouvelables dans un temps très court par le fait d’une usure relativement rapide, pas réparable, l’exemple même de ce que nous offre la société de consommation. Consumérisme capitaliste auquel on accole l’expression « pouvoir d’achat » tel un leitmotiv incontournable, et autour de ces principes, on mondialise, on pollue, on déstructure industriellement des pays trop évolués socialement pour en favoriser momentanément d’autres, jusqu’à ce que ceux-ci ayant atteint un certain niveau on inverse le système, tout ceci avec un seul et unique but, une seule constante, le maximum de profit pour une oligarchie dominante. Parfois, un semblant d’attention sur le bien-être des peuples, la préservation de la planète, en réalité que des faire-valoir pour endormir les velléités car eux n’en ont cure. Donc, si l’on ne veut plus être ballotté au gré des désidératas des multinationales nous devons relocaliser.

On pourrait extrapoler sur le problème de la chaussure, mais pour démonter les possibilités qui s’ouvrent on va s’intéresser à un territoire particulier avec des spécificités propres, le Marais Poitevin. Pour une démonstration rapide et significative prenons des exemples très précis comme les toitures des maisons.

Ici, c’est le pays de la tige de botte que l’on devrait aux Romains qui auraient moulé les tuiles sur leurs cuisses. A la limite peut importe, on ne peut simplement constater que si ces tuiles ont la fâcheuse tendance à glisser, elles sont cependant remarquable dans les tempêtes car il est rare de voir les toitures traditionnelles du Marais s’envoler. Toitures que l’on devait aussi à la matière première locale, le « bri » (argile grise). Ce qui fait que le Marais avait encore au début du XXéme siècle des petites tuileries qui fournissaient la région. Lors de la grande mécanisation, on a délocalisé ces tuileries et fabriquée la tige de botte plus industriellement, de moins bonne qualité d’ailleurs.

Ne pourrait-on pas dans le cadre de subventions allouées par la région remettre en route ou créer de petites entités de fabrication et non en faire un musée comme de l’ancienne tuilerie de la Grève-sur-le-Mignon….

Le support des tuiles était autrefois en volige de peuplier qui a été remplacé peu à peu par le sapin sans qu’il y ait de raisons véritablement valables, si ce n’est que celles des facilités commerciales. On sait pourtant que le peuplier est l’un des arbres qui poussent le plus aisément dans les Marais Mouillés et que son exploitation va être réduite avec la diminution de la fabrication des contreplaqués pour les raisons que nous avons déjà évoquées. Par conséquence rien n’empêche que l’on remette des petites scieries en marche pour faire de la volige, voire pour augmenter l’utilisation de l’emballage léger naturel qui remplacerait de belle manière l’ensachage plastic issu du pétrole.

Et puis, nous allons isoler notre couverture, là, certains prétendront qu’il s’agit d’une innovation, ce serait cependant une erreur car l’utilisation du chanvre (le roseau aussi) comme isolant n’est pas nouvelle. Mais surtout, c’est que la culture du chanvre, qui y pousse aussi à l’état naturel, est dans ce Marais une longue tradition. Il était courant d’ailleurs, au milieu du XIXéme siècle de recenser dans certains villages une dizaine de tisserands occasionnels ou continus. Chanvre qui aussi était source de pollution importante des cours d’eau lors du rouissage. Bref, en autorisant la culture du chanvre en Marais Mouillé, qui ne demandera que peu gourmand en eau, pas d’arrosage, contrairement au maïs, on redonnera ainsi une activité, et évitera le non-sens du « tout » prairie humide.

Une nouvelle fois on peut imaginer de petites entreprises locales, autogérées, coopératives qui vont pérenniser l’emploi, limiter les transports, et à fortiori préserver la planète…

On ne peut que constater à travers ces exemples qu’il ne s’agit pas d’utopie, mais de volonté politique !

Relocalisons, là est notre avenir….

 [1]

Messages

  • Oui et si on ne relocalise pas d’urgence, c’est des centaines de milliers de personnes qui seront encore jetées sur le pavé après "leurs fins de droits", c’est des jeunes qui ne trouveront jamais du boulot, c’est la fin des savoirs ouvriers de ceux sans qui les ingénieurs ne sont rien pour la mise en pratique de leurs recherches (relire "L’établi" de Linhaert paru il y a des décennies , qui décrivait comment Citroën exploitait les idées de fonctionnement et astuces de fabrication de ses ouvriers) la dépendance totale, le royaume des ventres pleins de mal-bouffe et des maladies qui en sont les conséquences, la réduction de l’espérance de vie sauf pour les bourgeois ? Relocaliser c’est vital.