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De Davos a Evian, une tentative de bilan

Publie le lundi 5 mai 2003 par Open-Publishing

De Davos à Evian, une tentative de bilan
Reflexion sur les contre-sommets

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Le texte de ce groupe de discussion est une petite tentative de bilan
de Davos 2003, qui a pour vocation de servir de point de départ à une
discussion sur la façon dont fonctionnent les contre-sommets.

Cette discussion est particulièrement importante dans la perspective
du sommet du G8 qui se tiendra à Evian en juin 2003.

Texte anonyme diffusé sur les groupes de discussion du site under.ch
 squats et agitation à genève (http://www.under.ch)

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La premier sentiment qui ressort de Davos 2003 est une grande
frustration. Frustration de ne pas avoir pu, une seule fois, déjouer
les nombreux pièges mis en place par la police. Frustration d’avoir
été condamnés, heures après heures, à faire ce qui avait été prévu
que l’on fasse par les autorités. Le groupe principal de manifestants
n’est jamais arrivé à Davos, les conditions inacceptables de l’ « 
autorisation de manifester » ne pouvaient laisser présager autre
chose. Pourtant, il restait la curiosité de savoir si nous serions
capables d’improviser, dans des conditions particulièrement
difficiles, des actions susceptibles de nuire au forum.

La police est parvenue à maîtriser les quelques milliers de
manifestants grâce à d’énormes moyens (effectifs prêtés par tous les
cantons, matériel anti-émeute loué à l’allemagne) et à une stratégie
simple mais efficace : feindre d’accepter des négociations. De cette
façon, il lui a été possible de faire attendre la foule durant des
heures à Landquart, poussant aux échauffourées qui justifieraient le
dégagement de la zone et permettraient de différencier, au yeux du
publique, les « bons » manifestants (ceux qui croyaient encore et
toujours aux négociations) des « mauvais » (ceux qui en avaient assez
de se faire ballader et qui ont vainement tenté de casser le
périmètre de sécurité). La situation géographique particulière de
Davos et le fait que le train ait été retenu comme principal moyen de
transport par les manifestants rendaient simplissime la mise en place
d’un dispositif de sécurité. Toutes les gares, et en particulier
Landquart, seul point de départ des train pour Davos, avaient été
transformées en forteresses. Nulle part la manifestation ne parvint à
ouvrir une brèche dans ces dispositifs. On ne combat pas, sur son
terrain et sans organisation, une armée nombreuse, suréquipée et bien
organisée.

Ce qui est inquiétant dans tout ceci, ce n’est pas notre faiblesse
dans les affrontements avec la police. Personne ne serait assez fou,
dans la situation actuelle, pour prétendre pouvoir gagner des
engagements frontaux comme ceux-ci. Ce qui est inquiétant, c’est
notre manque d’inventivité, l’incapacité que nous avons à imaginer
d’autres moyens de manifester, sur notre terrain et à notre manière.
L’erreur de Davos 2003, c’était de vouloir aller à Davos, et de ce
fait de rendre totalement prévisibles toutes nos actions. Dès qu’ils
sont entrés dans le premier train de la journée, les manifestants se
sont engagés dans un processus totalement linéaire. Plus une seule
fois ils n’ont eu le choix de leurs actes, jusqu’au moment où un
autre train les redéposait dans leur ville. Est-ce la faute de
l’alliance d’Olten, autoproclamée organisatrice de l’anti-Davos ?
Evidemment, leur propension à négocier avec la police a simplifié la
tâche de cette dernière. Pourtant, la seule perspective d’aller
manifester à Davos impliquait de tomber dans le piège, et cette
perspective était dûe à une dynamique dépassant les organisateurs.
Auraient-ils pu influencer le cours des choses et dévier la
manifestation vers un lieu offrant de meilleurs conditions ? C’est
possible, mais loin d’être certain, et de toutes façons cela aurait
certainement créé de violentes réactions de personnes et de groupes
qui se seraient sentis manipulés (comme s’ils ne l’avaient pas été de
toutes façons).

Mais la question va plus loin. Le contre-sommet est déjà un concept à
remettre en question. N’est-il pas absurde, en effet, de ne montrer
son mécontentement sur le fonctionnement du système que lorsque
qu’une poignée de décideurs font leur petite démonstration
d’arrogance ? Pourtant, les mobilisations ne sont que très peu
suivies quand elles ne sont pas liées à un Davos, un G8 ou un sommet
de l’OMC, bref, à un évènement fortement médiatique dont la presse et
la télévision nous aura gavés plusieurs semaines à l’avance. Des
générations nourries au tube cathodique qui ne daignent pas se
déplacer si le petit écran ne leur a pas mis l’eau à la bouche, quoi
de plus normal ? Inverser cette tendance semble difficile à court
terme. Il s’agirait donc, au moins, de parvenir à des actions
efficaces lorsque la grande comédie médiatique fait déplacer les
foules. Apparemment, toutes les personnes et organisations
susceptibles de se déplacer pour de telles occasions ont un but en
commun : empêcher le sommet, ou du moins le rendre si cher et
complexe à gérer pour ses organisateurs qu’il devienne un fléau dont
personne ne veut.

Ce dernier point est particulièrement crucial dans la perspective du
sommet du G8, qui se tiendra début juin à Evian. Comment contrer la
réunion ? Comment continuer une dynamique dont on peine, après Gênes,
à imaginer l’évolution ? Comment sortir des schémas stériles de
confrontation entre « casseurs (terroristes) » et « manifestants
(bons citoyens) », dont abusent les médias et qui divisent les
mouvements contestaires. Une chose semble avoir été particulièrement
éclairée par Davos : il ne faut pas que le contre-sommet de juin se
focalise géographiquement sur Evian. D’autres cibles, bien meilleures
stratégiquement, existent dans la région, qui permettraient d’éviter
le gros du dispositif policier et militaire, et ainsi d’imaginer
profiter d’un champs d’action un peu plus étendu.