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CONFÉRENCE MONDIALE DES PEUPLES SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE (COCHABAMBA, BOLIVIE, 20-22 AVRIL 2010) : ACCORD DES PEUPLES

Publie le vendredi 7 mai 2010 par Open-Publishing

Les mouvements sociaux, gouvernements, intellectuels et scientifiques réunis pendant ce sommet se sont mis d’accord sur une déclaration commune : l’Accord des Peuples, en incluant les minorités d’habitude exclues des négociations internationales et notamment les peuples indigènes. Ces populations sont les premières concernées, et par les effets du changement climatique, et par les solutions qui sont mises en place pour l’éviter : mécanismes REDD de gestion des forêts, mécanismes de développement propre, développement des biocarburants, autant de solutions mises en place par les technocrates des pays du Nord qui ne parviennent pas à prendre compte l’avis des populations locales. Positives en apparence, elles ont pour effet le déplacement forcé de peuples indigènes et de petits paysans, renforçant les situations de grande pauvreté, et rendant plus difficile encore la participation de ceux-ci à la mise en place des projets. Pour éviter toute prise de décision qui se ferait à l’encontre des peuples, ceux-ci réclament l’organisation d’un referendum sur le changement climatique. L’"Accord des peuples" issus du Sommet exprime des revendications fortes. La création d’un tribunal international de l’environnement fait partie des plus intéressantes. L’idée de la reconnaissance de la « Dette Climatique » des pays industrialisés doit encore faire son chemin, mais est désormais considérée comme l’un des outils clés de la mobilisation climatique. Enfin, les participants au sommet ont soulevé l’importance des transferts de technologie, en demandant à ce que ceux-ci ne se fassent pas dans un unique objectif de rentabilité pour les multinationales, mais en adéquation avec les réalités et les besoins locaux. La reconnaissance des savoirs traditionnels des peuples indigènes et l’interdiction de la biopiraterie permettront de lutter de manière appropriée contre le réchauffement.

Le plus grand succès du Sommet Alternatif est d’avoir su faire entendre les voix des populations oubliées dans les négociations internationales. Et ces voix sont capables, plus que d’émettre des objections aux projets mis en oeuvre, d’émettre des propositions aussi valables que celles des chefs d’Etat. Voilà qui prouve qu’un autre monde est possible.

Source : http://europeecologie.eu/Cochabamba-Accord-des-peuples

Les médias français ont boudé cette conférence mondiale des peuples sur le changement climatique, qui s’est tenue du 20 au 22 avril. Ayant refusé de valider le faux accord de Copenhague, le président Evo Morales avait invité les mouvements sociaux, les ONG et les scientifiques à se réunir à Cochabamba pour élaborer des propositions alternatives. Près 
de 25 000 délégués de 142 pays ont répondu à son appel.

Dans son intervention inaugurale, Evo Morales a réaffirmé que « le capitalisme est 
la cause du problème ». Selon lui, 
un changement de modèle économique est indispensable, en raison de l’évidente contradiction entre la logique du capitalisme (croissance permanente, avidité de gains à court terme, exploitation sans limites et sans frontières) et la nécessaire austérité à adopter pour éviter le cataclysme climatique.

Deux propositions formulées par ce sommet sont à retenir  : la création d’un tribunal international de justice climatique (sur le modèle de la Cour internationale de justice) pour juger les personnes, les entreprises ou les États accusés de crimes contre l’environnement. Et un référendum mondial, à réaliser 
le 22 avril 2011. Cinq questions seraient posées à tous les habitants de la Terre, concernant, notamment, le « transfert des dépenses de guerre vers la défense de la planète », « l’abandon du modèle capitaliste » et « la limitation de la hausse des températures à 1 degré d’ici à la fin 
du siècle ». Pari d’Evo Morales  : bien plus que les gouvernements, ce sont les gens 
qui veulent vivre dans une planète différente. Ce sont donc eux 
qui doivent changer le monde. 

Ignacio Ramonet

ACCORD DES PEUPLES

Aujourd’hui, notre Terre-Mère est blessée et le futur de l’humanité est en danger.

Avec l’augmentation du réchauffement global de plus de 2° C auquel nous amènerait le dénommé « Accord de Copenhague » existent 50% de probabilités pour que les dommages provoqués à notre Terre-Mère soient totalement irréversibles. Entre 20% et 30% des espèces seraient en voie d’extinction. De grandes extensions de forêts seraient affectées, les sécheresses et les inondations affecteraient différentes régions de la planète, les déserts s’étendraient, et la fonte des pôles et des glaciers des Andes et de l’Himalaya s’aggraverait. Beaucoup d’États insulaires disparaîtraient, et l’Afrique subirait un accroissement de la température de plus de 3º C. De même se réduirait la production d’aliments dans le monde avec des effets catastrophiques pour la survie des habitants de vastes régions de la planète, et augmenterait de manière dramatique le nombre d’affamés dans le monde -qui dépasse déjà le chiffre de 1,02 milliard de personnes.

Les compagnies et les gouvernements des pays appelés « plus développés », en complicité avec un secteur de la communauté scientifique, nous demandent d’examiner le changement climatique comme un problème se résumant à une élévation de température, sans interroger la cause qui est le système capitaliste.

Nous faisons face à la crise terminale d’un modèle de civilisation patriarcal basé sur la soumission et la destruction des êtres humains et de la nature qui s’est accélérée avec la révolution industrielle.

Le système capitaliste nous a imposé une logique de concurrence, de progrès et de croissance illimitée. Ce régime de production et de consommation cherche le profit sans limite, séparant l’être humain de la nature, établissant sur celle-ci une logique de domination, transformant tout en marchandise : l’eau, la terre, le génome humain, les cultures ancestrales, la bio-diversité, la justice, l’éthique, les droits des peuples, la mort et la vie elle-même.

Sous le capitalisme, la Terre-Mère se transforme seulement en source de matières premières, et les êtres humains en moyens de production et de consommation, en personnes qui valent pour ce qu’ils ont et non ce qu’ils sont.

Le capitalisme requiert une industrie militaire puissante pour son processus d’accumulation et le contrôle des territoires et des ressources naturelles, en réprimant la résistance des peuples. Il s’agit d’un système impérialiste de colonisation de la planète.

L’humanité est face à un grand dilemme : continuer sur le chemin du capitalisme, de la déprédation et de la mort, ou s’engager sur la voie de l’harmonie avec la nature et le respect à la vie.

Nous exigeons la construction d’un nouveau système qui reconstitue l’harmonie avec la nature et entre les êtres humains. Il ne peut y avoir équilibre avec la nature que s’il y a équité entre les êtres humains.

Nous proposons aux peuples du monde la récupération, la revalorisation et le renforcement les connaissances, des sagesses et des pratiques ancestrales des Peuples Indigènes, affirmés dans l’expérience et la proposition du « Bien-Vivre », en reconnaissant la Terre-Mère comme un être vivant avec lequel nous avons une relation indivisible, interdépendante, complémentaire et spirituelle.

Pour faire face au changement climatique, nous devons reconnaître la Terre-Mère comme la source de la vie et forger un nouveau système basé sur les principes de :

  • Harmonie et équilibre entre tous et avec tout
  • Complémentarité, solidarité, et équité
  • Bien-être collectif et satisfaction des besoins fondamentaux de tous en harmonie avec la Terre-Mère
  • Respect des Droits de la Terre-Mère et des Droits Humains
  • Reconnaissance de l’être humain pour ce qu’il est et non ce qu’il a
  • Élimination de toute forme de colonialisme, d’impérialisme et d’interventionnisme
  • Paix entre les peuples et avec la Mère Terre

Le modèle que nous préconisons n’en est pas un de développement destructif ou illimité. Les pays ont besoin de produire des biens et des services pour satisfaire les besoins fondamentaux de leur population, mais ils ne peuvent en aucune manière continuer par cette voie de développement dans laquelle les pays plus riches ont une trace écologique 5 fois plus grande de ce que la planète est capable de supporter. Actuellement on a déjà dépassé de plus de 30% la capacité de régénération de la planète. À ce rythme de surexploitation de notre Terre-Mère, on aurait besoin de 2 planètes en 2030.

Dans un système interdépendant dont nous sommes, les êtres humains, une des composantes, il n’est pas possible de reconnaître des droits seulement à la partie humaine sans provoquer un déséquilibre dans tout le système. Pour garantir les droits humains et rétablir l’harmonie avec la nature, il est nécessaire de reconnaître et d’appliquer effectivement les droits de la Terre-Mère.

Pour cela nous proposons en annexe le projet de Déclaration Universelle des Droits de la Terre-Mère dans lequel sont consignés :

  • Droit à la vie et à exister ;
  • Droit à être respectée ;
  • Droit à la régénération de sa biocapacité et à la continuation de ses cycles et processus vitaux libre de modifications humaines ;
  • Droit de maintenir son identité et son intégrité comme êtres différenciés, autorégulés et interreliés ;
  • Droit à l’eau comme source de vie ;
  • Droit à l’air pur ;
  • Droit à la santé intégrale ;
  • Droit à être libre de pollution et contamination, de déchets toxiques et radioactifs ;
  • Droit à ne pas être altérée génétiquement, ni modifiée dans sa structure, ni menaçée dans son intégrité ou son fonctionnement sain et vital.
  • Droit à une restauration pleine et rapide pour les violations des droits reconnus dans cette Déclaration pour cause d’activités humaines.

La vision partagée est de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre pour rendre effectif l’Article 2 de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique [CCNUCC] qui détermine « la stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche des interférences anthropogéniques dangereuses pour le système climatique ». Notre vision est, sur la base du principe des responsabilités historiques communes mais différenciées, d’exiger que les pays développés s’engagent pour des objectifs quantifiés de réduction d’émissions qui permettent de revenir à des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère de 300 ppm, et de limiter ainsi l’accroissement de la température moyenne globale à un niveau maximal de 1°C.

En soulignant la nécessité d’action urgente pour atteindre cette vision, et avec l’appui des peuples, des mouvements et des pays, les pays développés devront s’engager pour des objectifs ambitieux de réduction d’émissions qui permettent d’atteindre des objectifs à court terme, maintenant notre vision en faveur de l’équilibre du système climatique de la Terre en accord avec le dernier objectif de la Convention.

La « vision partagée » pour « l’Action Coopérative à long terme » ne doit pas se réduire dans la négociation sur le changement climatique à définir la limite d’accroissement de la température et de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mais doit comprendre de manière intégrale et équilibrée un ensemble de mesures financières, technologiques, d’adaptation, de développement de capacités, de modèles de production, de consommation et autres modèles essentiels comme la reconnaissance des droits de la Terre-Mère pour rétablir l’harmonie avec la nature.

Les pays responsables développés et principaux du changement climatique, assumant sa responsabilité historique et actuelle, doivent reconnaître et honorer leur dette climatique dans toutes ses dimensions, comme base pour une solution juste, effective et scientifique au changement climatique. Dans ce cadre nous exigeons des pays développés :

  • Qu’ils restituent aux pays en voie de développement l’espace atmosphérique occupé par leurs émissions de gaz à effet de serre. Ceci implique la décolonisation de l’atmosphère par la réduction et l’absorption de leurs émissions ;
  • Qu’ils assument les coûts et les nécessités de transfert de technologie des pays en voie de développement dû à la perte d’opportunités de développement pour vivre dans un espace atmosphérique restreint ;
  • Qu’ils assument la responsabilité des centaines de millions [de personnes] qui devront émigrer pour le changement climatique qu’ils ont provoqué, qu’ils éliminent leurs politiques restrictives de migration et qu’ils offrent aux émigrants une vie digne et avec tous les droits dans leurs pays ;
  • Qu’ils assument la dette d’adaptation liée aux conséquences du changement climatique dans les pays en voie de développement en fournissant les moyens de prévenir, minimiser et traiter les dommages découlant de leurs émissions excessives ;
  • Qu’ils honorent ces dettes comme partie d’une dette plus importante avec la Terre-Mère en adoptant et appliquant la Déclaration Universelle des Droits de la Terre-Mère aux Nations Unies.
  • L’approche ne doit seulement se faire au niveau de la compensation économique, mais principalement sur la justice de restauration –c’est à dire en restituant la totalité aux personnes et aux membres qui forment une organisation de vie sur la Terre.

    Nous déplorons la tentative d’un groupe de pays pour annuler le Protocole de Kyoto, l’unique instrument juridiquement contraignant spécifique pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays développés.

    Nous avertissons le monde qu’en dépit de l’obligation légale pour les pays développés de réduire les émissions, celles-ci ont augmenté de 11,2 % entre 1990 et 2007.

    Les Etats-Unis, en raison de leur consommation illimitée, ont augmenté de 16,8 % leurs émissions de gaz à effet de serre pendant la période 1990 - 2007, émettant en moyenne entre 20 et 23 tonnes annuelles de CO2 par habitant, ce qui représente plus de 9 fois les émissions correspondantes d’un habitant moyen du Tiers- Monde, et plus de 20 fois celles d’un habitant de l’Afrique Subsaharienne.

    Nous rejetons de manière catégorique l’illégitime « Accord de Copenhague » qui permet à ces pays développés de proposer des réductions insuffisantes de gaz à effet de serre basées sur des engagements volontaires et individuels -violant l’intégrité environnementale de la Terre-Mère et nous conduisant à une augmentation d’environ 4° C.

    La prochaine Conférence sur le Changement Climatique qui se tiendra à la fin de l’année au Mexique doit approuver l’amendement au Protocole de Kyoto pour la seconde période d’engagements de 2013 à 2017, lors de laquelle les pays développés doivent engager des réductions domestiques significatives d’au moins 50 % par rapport à l’année de référence 1990, sans y inclure de marchés de carbone ni d’autres systèmes de déviation qui cacheraient la non-exécution des réductions réelles d’émissions de gaz à effet de serre.

    Nous exigeons d’établir d’abord un objectif pour l’ensemble des pays développés, puis de procéder à à un assignation individuelle à chaque pays développé dans le cadre d’une comparaison des efforts de chacun d’eux -maintenant ainsi le système du Protocole de Kyoto pour la réduction des émissions.

    Les Etats-Unis d’Amérique, en leur qualité d’unique pays de la Terre de l’Annexe 1 qui n’a pas ratifié le Protocole de Kyoto, ont une responsabilité significative devant tous les peuples du monde. Ils doivent par conséquent ratifier le Protocole de Kyoto et s’engager à respecter et donner suite aux objectifs de réduction des émissions à l’échelle de toute leur économie.

    Nous autres peuples avons les mêmes droits de protection devant les retombées du changement climatique, et nous rejetons la notion d’adaptation au changement climatique comprise comme une résignation face aux répercussions des émissions historiques des pays développés -qui doivent adapter leurs styles de vie et de consommation face à cette urgence planétaire. Nous nous voyons obligés d’affronter les effets du changement climatique, en considérant l’adaptation comme un processus -et non comme une contrainte- et comme un outil servant à les neutraliser, faisant la démonstration qu’il est possible de vivre en harmonie avec un mode de vie différent.

    Il est nécessaire de construire un Fonds d’Adaptation -un fonds exclusif pour faire face au changement climatique- qui fera partie d’un mécanisme financier contrôlé et dirigé de manière souveraine, transparente et équitable par nos Etats. Sous couvert de ce fonds doivent s’évaluer les effets et leur coût pour les pays en voie de développement ainsi que les besoins que ces effets engendrent, et s’enregistrer et diriger le soutien fourni par les pays développés. Ce fonds doit gérer de plus un mécanisme d’indemnisation de dommages pour des conséquences passées et futures, pour la perte d’occasions et le renouvellement à cause d’événements climatiques extrêmes et progressifs, et des indemnités supplémentaires qui pourraient se présenter si notre planète dépasse les seuils écologiques ainsi que ces effets qui freinent le droit au Bien-Vivre.

    « L’Entente de Copenhague » imposé aux pays en voie de développement par certains Etats, en plus d’offrir des ressources insuffisantes, prétend dans son contenu diviser et confronter les peuples, et prétend extorquer les pays en voie de développement en conditionnant l’accès aux ressources adaptatives en échange de mesures palliatives. On établit en plus comme inacceptable que, dans les processus de négociation internationale, on essaye de catégoriser les pays en voie de développement selon leur vulnérabilité au changement climatique, créant entre eux des disputes, des inégalités et de la ségrégation.

    L’énorme défi que nous affrontons en tant qu’humanité pour arrêter le réchauffement global et refroidir la planète sera seulement atteint en menant à bien une transformation profonde dans le domaine de l’agriculture vers un modèle durable de production agricole paysanne et indigène/originaire, et d’autres modèles et pratiques ancestrales écologiques qui contribuent à solutionner le problème du changement climatique et assurent la Souveraineté Alimentaire, comprise comme le droit des peuples à avoir le contrôle de leurs propres semences, terres, eau et la production d’aliments, garantissant à travers une production en harmonie avec la Terre-Mère, locale et culturellement appropriée, l’accès des peuples à une alimentation suffisante, variée et nutritive en complément avec la Terre-Mère et approfondissant la production autonome (participative, communautaire et partagée) de chaque nation et peuple.

    Le changement climatique provoque déjà de profonds changements sur l’agriculture et sur les modes de vie des peuples indigènes/originaires et paysans du monde, et ces changements s’aggraveront dans le futur.

    Le commerce agro-alimentaire, au travers de son modèle social, économique et culturel de production capitaliste globalisé et sa logique de production d’aliments pour le marché et non pour pallier au droit à l’alimentation, est une des causes principales du changement climatique. Ses outils technologiques, commerciaux et politiques ne font qu’augmenter la crise climatique ainsi que la faim dans le monde. Pour cette raison, nous rejetons les Traités de Libre Echange, les Accords d’Association et toute forme d’application des Droits de Propriété Intellectuelle sur la vie, les paquets technologiques actuels (agrochimiques, transgéniques) et ceux qui s’offrent comme de fausses solutions (agro-combustibles, géo-ingénierie, nanotechnologie, technologie Terminator et similaires) qui ne feront qu’augmenter la crise actuelle.

    Nous dénonçons en même temps la manière dont ce modèle capitaliste impose des mégaprojets d’infrastructure, envahit des territoires avec des projets extractivistes, privatise et marchande l’eau, militarise les territoires en expulsant les peuples indigènes et les paysans de leurs territoires, empêchant ainsi la Souveraineté Alimentaire et approfondisant la crise socio-environnementale.

    Nous exigeons de reconnaître le droit de tous les peuples, des êtres vivants et de la Terre-Mère à avoir accès et à jouir de l’eau, et nous soutenons la proposition du Gouvernement de la Bolivie pour reconnaître l’eau en tant que Droit Humain Fondamental.

    La définition de forêt utilisée dans les négociations de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique [CCNUCC], qui inclue les plantations, est inacceptable. Les monocultures ne sont pas des forêts. En conséquence, nous exigeons une définition à des fins de négociation qui reconnaisse les forêts locales, la jungle et la diversité des écosystèmes de la terre.

    La Déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones doit être pleinement reconnue, appliquée et intégrée dans les négociations sur le changement climatique. La meilleure stratégie et action pour éviter la déforestation, la dégradation et protéger les bois et les forêts est de reconnaître et de garantir les droits collectifs des terres et territoires en considérant tout particulièrement que la majeure partie des bois et forêts sont sur les territoires de peuples et de nations autochtones, de communautés paysannes et traditionnelles.

    Nous condamnons les mécanismes de marchés tel que celui de la REDD (Réduction des émissions pour la déforestation et la dégradation des forêts) ainsi que leurs versions développées + et ++ qui violent la souveraineté des Peuples et leur droit au consentement libre, préalable et éclairé, ainsi que celle des Etats ; qui violent les droits, les us et les coutumes des Peuples ; et qui violent les Droits de la Nature.

    Les pays pollueurs sont contraints de transférer directement les ressources économiques et technologiques pour payer le reboisement et l’entretien des bois et forêts en faveur des peuples et des structures organiques ancestrales indigènes, originaires et paysannes. Ce sera une compensation directe et additionnelle aux sources de financement pour lesquelles les pays développés se sont engagés, en dehors du marché du carbone et ne se substituant en aucun cas aux compensations de carbone (offsets). Nous demandons aux pays d’empêcher les initiatives locales sur les bois et forêts qui sont basées sur des mécanismes de marché et proposent des résultats inexistants et conditionnés. Nous exigeons des gouvernements un programme mondial de restauration des bois et forêts originaires, dirigé et géré par les peuples et mettant en oeuvre des semences d’arbres, de fruits et de flore autochtones. Les gouvernements doivent éliminer les concessions forestières, encourager la conservation du pétrole dans la terre et l’arrêt d’urgence de l’extraction des hydrocarbures dans les forêts.

    Nous exigeons des Etats qu’ils reconnaissent, respectent et garantissent l’application effective des règles internationales en matière de droits humains et de droits des peuples autochtones, en particulier la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Convention 169 de l’OIT (BIT) -entre autres instruments pertinents-, dans le cadre des négociations, des politiques et des mesures de résolution des défis posés par le changement climatique. En particulier, nous demandons aux Etats qu’ils reconnaissent juridiquement la préexistence du droit sur nos territoires, nos terres et ressources naturelles afin de favoriser et fortifier nos modes de vie traditionnels et contribuer de manière effective à la solution au changement climatique.

    Nous demandons l’application pleine et positive du droit à la consultation, à la participation et au consentement préalable, libre et éclairé des Peuples Autochtones dans tous les processus de négociation, ainsi que dans la conception et la mise en oeuvre des mesures relatives au changement climatique.

    La dégradation environnementale et le changement climatique atteignent actuellement des niveaux critiques, étant l’une des principales conséquences de la migration interne et internationale. Selon certaines estimations, il y avait en 1995 environ 25 millions d’émigrants climatiques, on estime aujord’hui leur nombre à 50 millions, et les estimations pour 2050 sont de 200 à 1 milliard de personnes qui seront exilées pour des situations dérivant du changement climatique. Les pays développés doivent assumer la responsabilité des émigrants climatiques en les accueillant sur leur territoire et en reconnaissant leurs droits fondamentaux, par la signature d’accords internationaux qui envisagent la définition d’émigrant climatique afin que tous les Etats respectent leurs décisions.

    Constituer un Tribunal International d’Opinion pour dénoncer, rendre visible, recenser, juger et sanctionner les violations des droits des émigrants réfugiés et déplacés dans leurs pays d’origine, de transit et de destination, en identifiant clairement les responsabilités des Etats, compagnies et autres acteurs.

    Le financement actuel destiné aux pays en voie de développement pour le changement climatique et la proposition de l’Accord de Copenhague sont infimes. Les pays développés doivent s’engager à un nouveau financement annuel additionnel à l’Aide Officielle au Développement et de source publique, d’au moins 6 % de leur PIB pour faire face au changement climatique dans les pays en voie de développement. Ceci est possible si l’on considère qu’ils gaspillent un montant similaire en défense nationale et qu’ils ont dépensé 5 fois plus pour sauver des banques et des spéculateurs en faillite -ce qui remet sérieusement en question leurs priorités mondiales et leur volonté politique. Ce financement doit être direct, sans condition ni préjudice à la souveraineté nationale et à l’autodétermination des communautés et des groupes les plus touchés.

    Étant donné l’inefficacité du système actuel, il doit s’établir, lors de la Conférence du Mexique, un nouveau système de financement qui fonctionne sous l’autorité de la Conférence des Etats Parties de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique, qui lui rend des comptes avec une représentativité significative des pays en voie de développement afin de garantir l’accomplissement des engagements de financement des pays mentionnés dans l’Annexe 1.

    Il a été constaté que les pays développés ont augmenté leurs émissions durant la période 1990-2007, malgré qu’ils aient déclaré que les mécanismes de marché se verraient contribuer substantiellement à leur réduction.

    Le marché du carbone s’est transformé en une affaire lucrative, commercialisant notre Terre-Mère. Ceci ne représente pas une alternative pour affronter le changement climatique, puisque se pillent et se dévastent la terre, l’eau et jusqu’à la vie elle-même.

    La récente crise financière a prouvé que le marché est incapable de maîtriser le système financier, qui est fragile et incertain devant la spéculation et l’apparition d’agents intermédiaires. En conséquence, il serait totalement irresponsable de lui laisser le soin et la protection de l’existence humaine et de notre Terre-Mère.

    Nous considérons qu’il est inadmissible que les négociations en cours cherchent à créer de nouveaux mécanismes qui amplifient et promeuvent le marché du carbone, étant donné que les mécanismes existants n’ont jamais résolu le problème du changement climatique ni ne sont transformés en actions concrètes et directes pour la réduction des gaz à effet de serre.

    Il est indispensable d’exiger l’accomplissement des engagements pris par les pays développés dans la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique en rapport avec le développement et le transfert de technologie, ainsi que de rejeter la « vitrine technologique » proposée par des pays développés qui ne font que commercialiser la technologie. Il est fondamental d’établir des directives pour la création d’un système multilatéral et multidisciplinaire de contrôle participatif, de gestion et d’évaluation continue de l’échange de technologies. Ces technologies doivent être utiles, propres et socialement adéquates. De la même manière, il est fondamental d’établir un fonds de financement et un inventaire des technologies appropriées et libres de droits de propriétés intellectuelles, en particulier de brevets qui doivent passer de monopoles privés au domaine public, d’accès libre et à bas prix.

    La connaissance est universelle, et ne peut en aucun cas être l’objet de propriété privée ni d’utilisation privatisée, de même que ses applications sous forme de technologies. C’est le devoir des pays développés de partager leur technologie avec les pays en voie de développement, de créer des centres de recherche pour la création de technologies et innovations propres, ainsi que d’en défendre et stimuler le développement et l’application pour le Bien-Vivre. Le monde doit retrouver, apprendre, réapprendre les principes et points de vue de l’héritage ancestral de ses peuples originaires afin d’arrêter la destruction de la planète, ainsi que les connaissances, pratiques ancestrales et récupération de la spiritualité pour la réinsertion du Bien-Vivre avec notre Terre-Mère. [Photo : Bien-Vivre, un appel des peuples indigènes à l’humanité]

    Considérant le manque de volonté politique des pays développés pour remplir de manière efficace leurs obligations et engagements pris lors de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique et lors du Protocole de Kyoto, et face à l’inexistence d’une instance juridique internationale qui prévienne et sanctionne tous ces délits et crimes climatiques et environnementaux portant atteinte aux droits de la Terre-Mère et à l’humanité, nous demandons la création d’un Tribunal International de Justice Climatique et Environnemental qui ait la capacité juridique à caractère obligatoire de prévenir, juger et sanctionner les Etats, les entreprises et les personnes qui, par action ou omission, contaminent et provoquent le changement climatique.

    Soutenir les Etats qui présentent des plaintes devant la Cour Internationale de Justice contre les pays développés qui ne s’acquittent pas de leurs engagements pris lors de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique et lors du Protocole de Kyoto en incluant leurs engagements de réduction de gaz à effet de serre.

    Nous prions instamment les peuples de proposer et promouvoir une profonde réforme de l’Organisation des Nations Unies (ONU), afin que tous ses Etats membres respectent les décisions du Tribunal International de Justice Climatique et Environnementale.

    Le futur de l’humanité est en danger, et nous ne pouvons accepter qu’un groupe de dirigeants de pays développés veuillent décider pour tous les pays -comme ils l’ont essayé de manière infructueuse lors du Sommet des Nations de Copenhague. Cette décision nous incombe, à tous les peuples. Il est nécessaire pour cela de réaliser un Référendum Mondial, plébiscite ou consultation populaire sur le Changement Climatique, dans lequel nous serons tous consultés sur :

    • Le niveau de réduction des émissions que doivent atteindre les pays développés et les entreprises multinationales
    • Le financement que les pays développés doivent fournir
    • La création d’un Tribunal International de Justice Climatique
    • La nécessité d’une Déclaration Universelle de Droits de la Terre-Mère
    • La nécessité de changer l’actuel système capitaliste
    • Le processus de Référendum Mondial, plébiscite ou consultation populaire sera le fruit d’un processus de préparation qui en assure son développement avec succès.

    Dans le but de coordonner notre action internationale et de mettre en oeuvre les résultats du présent « Accord des Peuples », nous appelons à la construction d’un Mouvement Mondial des Peuples pour la Terre-Mère qui se fondera sur les principes de complémentarité et de respect de la diversité d’origine et d’opinion de ses participants, se constituant en une vaste plateforme démocratique de coordination et d’articulation d’actions au niveau mondial.

    A cette fin, nous adoptons le plan d’action mondiale ci-joint pour qu’au Mexique les pays développés de l’Annexe 1 respectent le cadre juridique en vigueur, qu’ils réduisent leurs émissions de gaz à effets de serre de 50 % et qu’ils assument les différentes propositions contenues dans cet Accord.

    Nous convenons finalement de réaliser la 2ème Conférence Mondiale des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Terre-Mère en 2011, comme partie de ce processus de construction du Mouvement Mondial des Peuples pour la Terre-Mère et afin de réagir face aux résultats de la Conférence sur le Changement Climatique qui se déroulera à la fin de l’année à Cancún.

    Conférence Mondiale des Peuples sur le Changement Climatique et les Droits de la Terre-Mère, Cochabamba, Bolivie, du 19 au 22 avril 2010

    Traducteur : Armando García, pour Tlaxcala, le réseau des traducteurs pour la diversité linguistique

    Source en français : Amérique Latine des peuples

    Source en espagnol : Conferencia Mundial de los Pueblos sobre el Cambio Climático y los Derechos de la Madre Tierra