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Dominique Strauss-Kahn n’est pas de gauche

Publie le lundi 24 mai 2010 par Open-Publishing
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Une fois pour toutes
Dominique Strauss-Kahn n’est pas de gauche

Les preuves à l’appui

jeudi 20 mai 2010, par Olivier Bonnet

La superstar politique du moment, Dominique Strauss-Kahn, est invité ce soir par Arlette Chabot à l’émission A vous de juger, pour le possible premier acte du lancement de sa candidature à l’élection présidentielle de 2012. Le directeur du Fonds monétaire international, porté par des sondages qui le désignent comme meilleur postulant "socialiste", est surtout l’opposant à Sarkozy préféré par... l’électorat de droite. Et pour cause ! DSK ou Droitière Sociale démoKratie.

Le Fonds monétaire international (FMI) est affligé d’une épouvantable réputation chez les progressistes et altermondialistes de tous poils : il est le bras armé économique du capitalisme ultralibéral et étrangle les peuples en exigeant, en contrepartie de son aide financière, d’insupportables coupes claires dans le budget social des Etats qui sont justement ceux dont les populations ont le plus besoin d’aide publique. L’Afrique et l’Amérique latine en savent quelque chose, mais c’est aujourd’hui l’Europe qui se trouve dans le collimateur. Or la personnalité à la tête de l’organisme se nomme Dominique Strauss-Kahn, dit DSK, membre du "Parti solférinien", comme l’appelle Bernard Langlois pour éviter tout fâcheux amalgame avec "socialiste". Oh, on nous assure que, grâce à lui, le FMI a changé. C’est ce qu’expliquait péniblement le strauss-kahnien Pierre Moscovici devant le journaliste Samuel Etienne sur France 3. "Avant, c’était un gendarme. Aujourd’hui, c’est un pompier." Tu parles ! Demandez aux Grecs ce qu’ils pensent du pompier en question, interrogez les Espagnols, sondez les Portugais. Et last but not least, les Roumains. "Entre 30 et 50 000 personnes dans les rues de Bucarest hier pour s’opposer aux mesures d’austérité du gouvernement roumain, annonce ainsi ce matin Euronews, titrant sur une "manifestation monstre" : "Des mesures en contrepartie de l’aide de 20 milliards d’euros allouée par le FMI. Bucarest s’est engagé à réduire de 25% les salaires des fonctionnaires et de 15% les retraites." Alors, il a changé, le FMI, grâce à Saint-Strauss-Kahn ? Ne continue-t-il pas d’imposer des sacrifices aux populations pour satisfaire "les marchés" ? L’expression est bien commode pour ne pas rappeler qu’il s’agit en l’occurrence des banques, fonds de pension, hedge funds et autres spéculateurs, responsables de la crise et qu’on a pourtant renfloués à prix d’or, et qui persistent à exiger d’indécents profits, s’engraissant sur la misère des peuples ! Et si aujourd’hui, nous appelons à la création d’un Front populaire anticapitaliste, en proclamant que Nous refusons de payer pour la finance, c’est justement contre la traîtrise annoncée de la sociale-démocratie, qu’incarne si bien DSK, son air patelin et sa supposée expertise économique. Ce soir, il va encore prétendre qu’il n’y a pas d’alternative, suivant le dogme libéral qui entraîne pourtant le monde vers le chaos.

tuberculose"Des études précédentes ont montré que les programmes économiques du FMI ont influé sur les infrastructures du système de santé des pays dans lesquels ils étaient appliqués", expliquent en introduction les trois chercheurs auteurs d’une étude publiée en 2008 par le New York Times , des universités de Cambridge (Grande Bretagne) et Yale (États-Unis). Ils ont donc scruté à la loupe, entre 1992 et 2003, les évolutions respectives en matière de progression de la tuberculose des pays ayant contracté un prêt du FMI et de ceux qui n’étaient pas dans ce cas. Leur conclusion est affirmative : "L’augmentation de la tuberculose est liée aux prêts du FMI". Notre commentaire d’alors est hélas toujours valable : "Le FMI inocule-t-il sciemment aux populations concernées le bacille de Koch, bactérie responsable de la tuberculose, en leur envoyant des porteurs de grosses valises de billets de banque contaminés par cette maladie, pour qu’ils crachent leur toux contagieuse (seule voie de contagion) à la face de ces traîne-savates des pays de l’est ? L’hypothèse est plaisante mais peu plausible. Les choses sont à la fois moins simples et plus perverses. Les exigences du FMI, lorsqu’il s’agit d’accorder un prêt à un État, sont draconiennes. Et frappées du sceau du libéralisme le plus orthodoxe : le fond exige des "réformes structurelles" - amusante, cette parenté avec le discours sarkozyste, n’est-il pas ? - à savoir des coupes claires par exemple dans les budgets de l’éducation ou de la santé, en parallèle avec des privatisations des services publics. "Si vous voulez notre argent, respectez la doxa libérale !" Malpropreté, surpeuplement, alcoolisme : ces facteurs favorisant la tuberculose indiquent clairement qu’il s’agit d’une maladie des pauvres. Ainsi, de la même façon que, partout où elles sont appliquées, les recettes libérales provoquent une aggravation des inégalités et une explosion de la pauvreté, les conditions d’obtention des prêts du FMI conduisent ses débiteurs à mener des politiques antisociales, pour le résultat mis à jour par l’étude : 16,6% de mortalité supplémentaire, décès causés par la tuberculose. Cette maladie tue actuellement deux millions de personnes dans le monde chaque année, tandis que 8,5 millions de nouveaux cas sont dans le même temps diagnostiqués, dont environ 6 000 en France. Gageons qu’avec les belles "réformes" et la jolie "modernisation" assénées à notre malheureux pays par la clique au pouvoir, nous grimperons vite dans la hiérarchie des tuberculeux de la planète."

dsk sarkoVoilà ce qu’est donc le FMI. Et qu’un "socialiste" le dirige est une imposture, un reniement de tout ce que doit défendre la gauche. Ségolène Royal, citée par le Journal du dimanche, a beau jeu de délcarer : "le Fonds monétaire international, qui n’a pas changé, après les cures d’austérité imposées en Afrique et en Amérique latine. En Grèce comme ailleurs, il applique la même méthode : abaissement des salaires, démantèlement de la protection sociale, augmentations des taxes." Et le journal d’ajouter : "Sans jamais prononcer le nom de son rival, l’ex-candidate prend délibérément le contre-pied du discours des amis de Strauss-Kahn sur le "nouveau FMI". Mais comment DSK aurait-il bien pu vouloir changer le FMI, alors qu’il n’a cessé de donner de solides gages au capitalisme ultralibéral depuis qu’il s’est installé à sa tête ? Extrait d’un billet de décembre 2007 : "L’élection d’un nouveau président et la nomination d’un gouvernement ouvertement réformateur offrent à la France l’occasion historique de renouer avec une croissance soutenue où chacun verrait ses opportunités accrues", s’enthousiasment ses experts [du FMI]. Ils valident également la méthode sarkozienne des réformes groupées : "Concernant l’enchaînement optimal des réformes, nous considérons qu’il faut chercher à engager, de manière concomitante, une « masse critique » de réformes dans un grand nombre de domaines, de manière à tirer profit des synergies ainsi créées". "Gagner plus suppose incontestablement de travailler plus", écrivent-ils encore. Et la mission du FMI en France de suggérer des évolutions qui relèvent, à coup sûr, du progressisme le plus audacieux : lutter contre "la hausse tendancielle du Smic", faciliter les licenciements économiques, ou encore réduire le taux de l’impôt sur les sociétés. Le crédo libéral du FMI se marie admirablement avec le "socialisme" de DSK." Attendez, ce n’est pas tout ! "Voilà que l’organisme présidé par le "socialiste" Dominique Strauss-Kahn récidive, écrivions-nous en août 2008, à propos de la récente loi dite de "modernisation de l’économie" (LME), estimant qu’elle aidera la France à "faire face aux défis mondiaux, à débloquer les rigidités du marché des produits et services, et bénéficiera au consommateur". Exactement ce que prétendent les Lagarde, Fillon, Copé, Lefebvre... On voit bien qu’entre la politique économique de l’UMP et les convictions de l’homme qui, sous le gouvernement Jospin dont "le projet n’était pas socialiste", a privatisé davantage que la droite n’avait osé le faire, il n’y a pas l’épaisseur d’une feuille de papier de cigarette. Dénonçons l’imposture : DSK n’est pas de gauche !" Soulignons au passage pour la bonne bouche, deux ans plus tard, le magistral plantage : plutôt qu’au consommateur comme prétendu, la LME a profité à la seule grande distribution. Un agriculteur responsable syndical l’appelle même la "Loi Michel-Edouard" !

Encore un exemple de la décoiffante mutation du FMI sous la présidence "socialiste" à la DSK ? Citons Le Monde annonçant la nomination de l’économiste en chef de l’organisation, à l’automne 2008, et le décrivant ainsi : il "fait partie du cénacle d’économistes conseillers de Nicolas Sarkozy. (...) "En 1968, j’étais très à gauche, raconte l’intéressé. Quand j’ai appris l’économie, je suis devenu social-démocrate et j’ai attendu vingt ans que le Parti socialiste en fasse autant..." Il a passé à la moulinette les programmes des candidats PS et UMP ; a examiné leurs propositions pour corriger "les relations détestables entre les partenaires sociaux", "la protection sociale coûteuse et inefficace" et "le système universitaire profondément malade". Sur ces trois points, avantage à Nicolas Sarkozy sur Ségolène Royal, selon lui. Un an plus tard, confirme-t-il son choix ? "Oui, répond-il. Nicolas Sarkozy est par obnature plus interventionniste que je ne le rêverais ; il n’est certainement pas Margaret Thatcher. Mais rien de catastrophique pour l’instant". Voilà donc qui DSK a cru bon d’aller chercher ! Olivier Blanchard, "un homme qui juge par exemple que Sarkozy a grandement amélioré "les relations détestables entre partenaires sociaux", récapitulions-nous alors. Alors qu’il s’emploie à laminer toutes les protections sociales et se moque tellement desdits partenaires qu’il se félicite qu’on ne se rende plus compte du fait que se déroule une grève. Autrement dit, il se réjouit que les grèves ne servent plus à rien, puisqu’on peut ainsi imposer toutes les contre-réformes sans opposition efficace : c’est ça, rendre les relations entre partenaires sociaux moins "détestables", leur dicter sa loi sans qu’ils aient voix au chapitre ? Parlons aussi de "la protection sociale coûteuse et inefficace" : pour Blanchard, l’action du président est en la matière à louer. Mais que fait concrètement Sarkozy ? Avec ses franchises médicales, venant après les multiples déremboursements, il a enclenché une privatisation rampante de la Sécu. Il oblige les chômeurs à accepter des emplois au rabais, à travers les offres prétendues "acceptables", et met en place, à travers le Revenu de solidarité active, un système de précarité subventionnée par l’État, pour le plus grand bénéfice patronal. On juge des conceptions de cet économiste, qui trouve même que le président français n’est pas assez libéral ("plus interventionniste que je ne le rêverais")." Sûr qu’avec des hommes de cette engeance, le FMI de DSK allait adopter un progressisme échevelé ! Alors assez de la mystification. Si c’est cet homme-là qui est censé représenter la gauche en 2012, ce sera sans nous.

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