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SANS-EMPLOI

Publie le lundi 23 août 2010 par Open-Publishing
12 commentaires

De Frédérique

J’ai passé 25 ans, un quart de siècle à écrire des lettres de motivation.
Un quart de siècle à motiver mes atouts, mes compétences, mes qualités, motiver ma motivation à travailler. Ma motivation à vivre par son travail, ma motivation à recevoir ma pitance, mon droit à subvenir à mes petits besoins de solitaires, salariées précaires, nomade éternelle.
Un quart de siècle de précarité.

Être dedans et dehors à la fois. Survivre en trimbalant dans sa poche une identité qui vous colle comme une maladie, un exéma, le numéro d’identifiant au pôle emploi.
Destination pôle emploi ; pôle froid, Un désert sibérien, où l’on reste transis de désespoir au aguets d’un quelconque minuscule refuge pour encore survivre dans l’ère glaciaire de mon humanité.
Que sera demain ?

Demain sera longue durée. Demain je voudrai être libérée de l’angoisse glacée qui tétanise tout instinct de survie. Ne jamais lâcher, ne jamais glisser vers le trou, ne jamais tomber. Tenir, ne pas baisser les bras, aller toujours toujours de l’avant.
Faire encore un pas contre ce blizzard, faire encore ce pas.
Seule la peur est moteur de cet élan. La peur de glisser dans la faille , le gouffre de la folie. Happée par ce vide, cet appel désespéré de tout quitter, je me laisse porter par le souffle de l’anéantissement qui me guette à chaque fin de contrat.

Survivre et non vivre. Alterner souplesse, flexibilité, agilité, abnégation de soi pour se couler dans un moule trop étroit. Prendre la forme d’un sarcophage. Devenir ce mort vivant gangréné par la trouille d’être bouffé par l’anonymat de ma condition de sans. Bouffée et vampirisée par des suceurs de sang assoiffés et gavés de faire de ma vie du profit.
Qui s’intéresse à ma souffrance, qui la voit et qui l’entend. La gangrène du désespoir lamine toute initiative. Honte et coupable de n’être rien, honte d’être réduite à ce mot : SANS.

Vidée, anéantie, je finirai donc prématurément, tombe du sans emploi, au panthéon des anonymes. Soldat inconnu d’une guerre économique qui sacrifie sur l’autel de la concurrence tous ceux qui ne veulent plus participer à la sélection.

Enfermée dans ma solitude, je mourrai de cette épidémie qui tue tous ceux qui puent la détresse, cette peste noire de notre société d’asservis.

Non, je refuse ce sacrifice et en ce jour je vais laisser place à ma colère.
Ne plus accepter de se sacrifier, arrêter d’être victime de ce marasme.
Lever la tête. Remettre le couteau entre les dents. Armée de cette colère qui gronde au fond de tous les SANS, partir en guerre contre cette gouvernance d’état, contre cette machination économique qui éliminent et suicident à petit feu tous ceux qu’on ne sélectionne pas.
Exclus, les sans emploi, les sans-diplôme, les sans logement, les sans-papiers, les sans-abris, les sans-racine, les sans-famille.
Ne pas se laisser anesthésier par l’ infamie.

Quand tous les SANS larguerons leur colère pour exiger d’exister avec le respect et la dignité que chaque humain devraient avoir.
Quand la colère éclatera sur les têtes de nos décideurs,
Alors ceux qui nous affament apprendrons aussi à avoir peur.

Frédérique
Chômeuse Rebelle

Messages

  • Que ta colère devienne une épidémie,une pandémie !

    Qu’elle frappe tous les SANS et les AVEC qui survivent !

    Ton texte est magnifique.

    Si tu permet,je t’embrasse.

    LE REBOURSIER

  • Un témoignage touchant et émouvant d’un réalisme saisissant.

    Cela me rappelle 2 billets

    Le travail et la mort : Avez-vous pensé à réaliser votre stress test ?
    http://interim.over-blog.com/article-la-mort-et-le-travail-votre-stress-test-55736680.html

    Quand les patrons embauchent en intérim ils pointeront au chômage !
    http://interim.over-blog.com/article-quand-les-patrons-embauchent-en-interim-ils-pointeront-au-chomage-55648200.html

    Courage

  • Tu es loin d être une " SANS" car de ton post on peut ressentir une rage et une frustration qui veulent s émanciper et transformer ce monde où l injustice se dévoile au quotidien et où l être humain se laisse broyer par la fatalité ... je pourrais donc te dire que tu as "TOUT" c est a dire ce qu il manque a beaucoup de gens de nos jours , l envie de ne plus laisser les décisions de quelques uns ruiner nos vies ...

    Ce refus est légitime et ta colère est toute aussi juste , transforme la en action quotidienne et continu à faire passer ton message et crier ta rage , ne pas rester une victime et appeler "à l éveil" de tous les acteurs de la grande mascarade dans laquelle nous vivons depuis déjà trop longtemps ...

    Merci a toi pour ton texte et saches que tu n est pas seule !

    Mes meilleurs pensées pour toi , camarade .

  • Si la Révolte , selon moi et quoiqu’en pensent certains croyants, ne doit pas conduire à tendre l"autre joue".., acceptes tu que celle que Le Reboursier n’aura pas effleuré de sa bouche reçoive aussi un chaleureux "bisou" d’un vieux qui ne rougit pas d’avoir parfois les yeux humides quand il lit un témoignage comme le tien.?

    .
    Le CHE disait :

    Lorsque qu’un homme assiste sans broncher à une injustice, les étoiles déraillent"

    Ici nous sommes de ceux, avec toi, qui comme lui, pouvons clamer :

    Surtout, soyez toujours capables de ressentir au plus profond de votre coeur n’importe quelle injustice commise contre n’importe qui, où que ce soit dans le monde. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire. ".

    Cest dans les CHATIMENT- ô que ce terme devrait un jour s’appliquer aux salauds qui bousillent ta(nos) vie(s) , que le grand Victor Hugo écrivait un texte dont les premiers vers sont connus grâce à des millions de tracts qui ont repris ce slogan si juste , de ceux qui sont de ce côté de la barricade

    Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent


    Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
    Ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front.
    Ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime.
    Ceux qui marchent pensifs, épris d’un but sublime.
    Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
    Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
    C’est le prophète saint prosterné devant l’arche,
    C’est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche.
    Ceux dont le coeur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
    Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.
    Car de son vague ennui le néant les enivre,
    Car le plus lourd fardeau, c’est d’exister sans vivre.
    Inutiles, épars, ils traînent ici-bas
    Le sombre accablement d’être en ne pensant pas.
    Ils s’appellent vulgus, plebs, la tourbe, la foule.
    Ils sont ce qui murmure, applaudit, siffle, coule,
    Bat des mains, foule aux pieds, bâille, dit oui, dit non,
    N’a jamais de figure et n’a jamais de nom ;
    Troupeau qui va, revient, juge, absout, délibère,
    Détruit, prêt à Marat comme prêt à Tibère,
    Foule triste, joyeuse, habits dorés, bras nus,
    Pêle-mêle, et poussée aux gouffres inconnus.
    Ils sont les passants froids sans but, sans noeud, sans âge ;
    Le bas du genre humain qui s’écroule en nuage ;
    Ceux qu’on ne connaît pas, ceux qu’on ne compte pas,
    Ceux qui perdent les mots, les volontés, les pas.
    L’ombre obscure autour d’eux se prolonge et recule ;
    Ils n’ont du plein midi qu’un lointain crépuscule,
    Car, jetant au hasard les cris, les voix, le bruit,
    Ils errent près du bord sinistre de la nuit.

    Quoi ! ne point aimer ! suivre une morne carrière
    Sans un songe en avant, sans un deuil en arrière,
    Quoi ! marcher devant soi sans savoir où l’on va,
    Rire de Jupiter sans croire à Jéhova,
    Regarder sans respect l’astre, la fleur, la femme,
    Toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l’âme,
    Pour de vains résultats faire de vains efforts,
    N’attendre rien d’en haut ! ciel ! oublier les morts !
    Oh non, je ne suis point de ceux-là ! grands, prospères,
    Fiers, puissants, ou cachés dans d’immondes repaires,
    Je les fuis, et je crains leurs sentiers détestés ;
    Et j’aimerais mieux être, ô fourmis des cités,
    Tourbe, foule, hommes faux, coeurs morts, races déchues,
    Un arbre dans les bois qu’une âme en vos cohues

    J’ignore si nous vaincrons, Chère Camarade inconnue.
    .
    Mais quel orgueil d’être de ceux qui auront tout tenté .

    .En lançant à certains ce que père Hugo balançait à des députés médusés proposant je ne sais quelles "mesures" d’aides " aux "misérables"..

    Vous proposez de soulager la misère ? Nous, nous voulons l’éradiquer..


    Ton témoignage nous rappelle que ceux qui nous serinent avec leurs conneries genre" On se plaint mais on vit bien, quand même.." seraient bien inspirés de méditer sur ce ces phrases tonnées par le poête à l’Assemblée il y a 160 ans.

    .
    Elles pourraient être jetés à la tête de ces politiciens qui se relaient pour toujours servir les mêmes, ceux qui nous "pourrisent" la VIE..

    "Vous n’avez rien fait ! Vous n’avez rien fait, j’insiste sur ce point, tant que l’ordre matériel raffermi n’a point pour base l’ordre moral consolidé ! Vous n’avez rien fait tant que le peuple souffre ! Vous n’avez rien fait tant qu’il y a au-dessous de vous une partie du peuple qui désespère ! Vous n’avez rien fait, tant que ceux qui sont dans la force de l’âge et qui travaillent peuvent être sans pain ! tantque ceux qui sont vieux et ont travaillé peuvent être sans asile ! tant que l’usure dévore nos campagnes, tant qu’on meurt de faim dans nos villes tant qu’il n’y a pas des lois fraternelles, des lois évangéliques qui viennent de toutes parts en aide aux pauvres familles honnêtes, aux bons paysans, aux bons ouvriers, aux gens de cœur ! Vous n’avez rien fait, tant que l’esprit de révolution a pour auxiliaire la souffrance publique ! Vous n’avez rien fait, rien fait, tant que dans cette œuvre de destruction et de ténèbres, qui se continue souterrainement, l’homme méchant a pour collaborateur fatal l’homme malheureux ! »

    Bizz

    AC

    • Merci,
      Atous ceux qui ont pris le temps de me lire.Merci à tous ceux qui ont su saisir mon désespoir et ma rage viscérale.Mais hélas, le chômage est trop souvent reçu comme une maladie contagieuse dont il faut se protéger.Le travail est un droit .Selon l’ordonnace du 4 oct 1945 :
      "C’est pour les débarrasser de l’incertitude du lendemain, que cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité, qu’il est inacceptable de troquer sa vie contre un salaire"

    • C’est plutôt nous qui devons te remercier pour ce témoignage où le désespoir entraine la rage,la rage de lutter.

      M’autorises-tu à utiliser ton texte dans mon UL ?

      Je pense qu’il peut apporter beaucoup à celles et ceux,malgré nos efforts militants,qui sont en désespérance.

      Encore merci à toi pour ton courage et ta révolte.

      LE REBOURSIER

    • Tu es SANS, il est vrai : sans compromis, sans abandon, sans soumission, sans renoncement...

      Tu es SANS, mais laisse-moi te dire ce que c’est d’être AVEC. Deux ans, une paille, deux petites années durant j’ai porté l’infamant collier, j’ai obéi, je me suis tue. Maintenant c’est fini... mais je suis restée AVEC. Avec honte, avec regret, avec colère, avec douleur et maladie. Le harcèlement s’efface lentement. Trois ans de convalescence et je fais toujours ces cauchemars absurdes. Ils partiront un jour, je le sais, je l’espère, je fais tout pour. Mais l’épilepsie, celle que je n’aurais jamais dû avoir, maintenant que le stress à doses de cheval l’a éveillée... je suis avec.

    • non je recherche pou mon oncle unhomme ki peu l’aider dans sons boulot .ecriver au elenedulon@yahoo.fr

    • J’aime tes paroles pleines de sens et de courage. Rebelle, par ta force des idées, tu es déjà capable de rassembler autour de toi, les "sans voix" qui veulent l’ouvrir. Les "sans droits" qui veulent se battre. Ouvrier intérimaire à Aulnay j’ai fait mon choix. Pas question de me faire sucer le sang. Avec des gens comme toi, je suis sûr que nous serons beaucoup à les faire trembler ! Tremblez, tremblez patrons négriers parce qu’on arrive et vous allez voir de quoi on est capable !

  • Emotion. Voilà le premier mot qui me vient à l’esprit. L’Emotion, plus forte que toutes couleurs et tous les discours réfléchis, posés, des compétiteurs aux voix urnesques. Combien d’entre eux devraient lire cette bouteille que tu jettes dans la mer virtuelle moderne, combien d’entre eux en lisant ton magnifique texte, apprendraient à voir l’humain, l’être, l’âme, souvent blessée par leurs "solutions".

    Ces mots, magnifiquement vrais et si bien écrits, que tu nous offres, avec une humanité et une sensibilité si rares de nos jours sont au dessus de tout. Les larmes me sont montées aux yeux en te lisant et je ne saurai avoir de réponse politisé, engagée mais seulement humain, en me demandant comment une si belle écriture, tant de sensibilité peut se croire "SANS", alors qu’elle a tant. En me demandant combien sont-ils ces "SANS" ? En me demandant comment en est-on arrivé là ?

    Merci à toi Frédérique, car cette force que tu canalises en rage, pour te battre sera, je l’espère contagieuse, et touchera les "SANS" et les "AVEC" qui te liront pour que l’humiliation cesse.

    Gilles