Accueil > Proche-Orient : des négociations au service des intérêts nationaux

Proche-Orient : des négociations au service des intérêts nationaux

Publie le jeudi 2 septembre 2010 par Open-Publishing

de Hélène Bekmezian

Israéliens et Palestiniens entament officiellement, jeudi 2 septembre, les premières négociations directes de paix après vingt mois de silence. Mais cette reprise ne suscite que peu d’illusions : la plupart des spécialistes estiment qu’un réel accord de paix est hors de portée, notamment en raison du refus israélien de poursuivre le gel des colonies.

Si chacun des protagonistes a malgré tout accepté de se prêter au jeu des discussions, c’est qu’ils placent un dernier espoir dans le président américain Barack Obama – prix Nobel de la paix – pour débloquer la situation. Mais surtout, ces dirigeants espèrent trouver dans les négociations le moyen de servir des intérêts politiques nationaux.

Mahmoud Abbas, qui a accepté de venir sans poser de conditions préalables à Israël, cherche à unifier le peuple palestinien et à le convaincre que la diplomatie est plus efficace que le terrorisme. Il veut se placer sous l’égide de l’ONU en reprenant les discussions là où elles s’étaient arrêtées en 2008, sur la base de la feuille de route établie en 2003 par le Quartette (ONU, Etats-Unis, Union européenne, Russie). Son but peut être aussi de dévoiler le vrai visage de Benyamin Nétanyahou – celui d’un premier ministre israélien refusant les compromis et les résolutions de l’ONU.

UNE INFLUENCE SUR L’IRAK, L’AFGHANISTAN ET L’IRAN

M. Nétanyahou, quant à lui, voudrait repartir de zéro en évitant une référence aux accords passés, notamment au protocole d’Hébron de 1997, quand il avait dû céder une partie du contrôle de la ville d’Hébron (Cisjordanie) aux Palestiniens, concession que le premier ministre d’Israël a par la suite regrettée. Son but premier – unique ? – est de garantir la sécurité d’Israël, d’autant plus après l’attaque de mardi 31 août qui a tué quatre colons israéliens en Cisjordanie.

De son côté, l’émissaire américain pour le Proche-Orient, George Mitchell, a redit, mercredi, que ces négociations étaient une "grande priorité" pour la Maison Blanche. Car, d’une part, "Obama est persuadé qu’il existe une connexion entre ce conflit et les problèmes de sécurité des Etats-Unis : le terrorisme, l’Irak, l’Afghanistan ou l’Iran", comme l’explique Michele Dunne, ancienne spécialiste du Moyen-Orient au département d’Etat et à la Maison Blanche, aujourd’hui experte pour la Fondation Carnegie pour la paix internationale.

"Résoudre ce conflit ou, du moins, faire de sérieux efforts pour le résoudre est essentiel pour arriver à gérer ces autres problèmes. George Bush [senior] était dans la même logique et c’est pourquoi il a entamé les premières discussions de paix juste après la guerre du Golfe [avec la conférence de Madrid de 1991]", poursuit-elle. "Clinton a ensuite continué dans cette voie puis George W. Bush a, au début, rejeté cette logique. Mais, à la fin de son mandat, il est revenu dessus et a fait de sérieux efforts pendant sa dernière année [avec le sommet d’Annapolis en 2007]", explique Mme Dunne.

LA PUISSANCE DU LOBBY PRO-ISRAÉLIEN

D’autre part, ce n’est pas un hasard si Obama a précipité ces discussions deux mois avant les élections de mi-mandat, pour lesquelles les démocrates sont donnés perdants. "Les républicains ont utilisé Israël contre les démocrates en disant qu’Obama n’était pas l’ami d’Israël. Obama a donc tout intérêt à lancer des négociations de paix a priori favorables à Israël pour que Nétanyahou affirme qu’ils sont tous les deux sur la même longueur d’onde", analyse Michele Dunne.

Certains observateurs estiment d’ailleurs qu’Obama peut difficilement faire autrement. Stephen Walt, auteur d’un livre sur les lobbys israéliens aux Etats-Unis, explique ainsi dans Libération que le président américain "aborde ces négociations avec une main liée dans le dos" : "A cause [du] lobby israélien, il ne peut pas vraiment faire pression sur Israël." Mme Dunne relève une note d’espoir : "Obama est le seul président qui, depuis George Bush, a été autant disposé à être en désaccord officiel avec Israël sur la question des colonies."

Malgré tout, la spécialiste estime qu’un accord de paix est peu probable, surtout parce que "les Israëliens n’ont aucun intérêt à conclure un accord avec la moitié des Palestiniens", divisés entre le Fatah de M. Abbas et le Hamas. "Dans la première semaine des négociations, le but est surtout de tester la sincérité de Nétanyahou, prévoit-elle. C’est dans ce but que les Etats-Unis ont convaincu le président palestinien de venir discuter."

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2010/09/02/proche-orient-des-negociations-au-service-des-interets-nationaux_1405416_3218.html