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"Le drapeau rouge flotte sur Strasbourg"

Publie le samedi 20 novembre 2010 par Open-Publishing
9 commentaires

Novembre 2010, des habitant-es de Strasbourg qui se sont rencontré-es lors du mouvement sur les retraites se souviennent des luttes du temps passé, se souviennent de l’épisode oublié des "Conseils d’ouvriers et de soldats" de 1918.

La grande guerre se termine...

Fin de la guerre de 14/18, l’Europe est exsangue, en France et en Allemagne, les soldats ne veulent plus servir de chair à canon et jurent « plus jamais ça ! ». Dans plusieurs grandes villes allemandes des ouvriers et des soldats prennent le pouvoir pour imposer une autre société, libérée de l’oppression du monde ancien. Beaucoup d’alsaciens servent dans la marine impériale. Certains d’entre eux sont gagnés aux idées socialistes ou anarchistes, influencés par la révolution russe et le mouvement ouvrier allemand, ils prônent des idées pacifistes et internationalistes. Sur la Baltique, le 3 novembre 1918, plusieurs milliers d’entre eux se révoltent et s’organisent en assemblées autogérées et démocratiques.

...Strasbourg se réveille

A Strasbourg, le climat est lourd, la situation politique confuse. La population est excédée par la guerre, la récession et le coût de la vie. Le 8 novembre 1918, une manifestation est organisée place Kléber. Les manifestants ne veulent plus de l’Empire allemand, rejettent le pouvoir français et veulent imposer une société plus juste et plus égalitaire. Le même jour, un train d’insoumis alsaciens est bloqué au pont de Kehl. Un commandant loyaliste fait ouvrir le feu et un soldat meurt. Ses camarades prennent le contrôle de la ville puis traversent le Rhin. La bourgeoisie strasbourgeoise a peur de ces soldats qui veulent imposer un pouvoir populaire. Certains riches allemands en oublient leurs réflexes nationalistes et guerriers. « Plutôt français que rouges ! » disent ceux qui en appellent aux troupes françaises.

Les marins alsaciens créent le « Conseil de soldats de Strasbourg », exigent la libération des déserteurs détenus, la liberté de la presse et d’expression, la levée de la censure sur le courrier. La ville se couvre de drapeaux rouges, l’un d’entre eux flotte même sur la cathédrale ! Les travailleurs de la ville rejoignent l’assemblée. Le « Conseil des ouvriers et soldats », présidé par le secrétaire du syndicat des ouvriers brasseurs annonce l’abdication de Guillaume II, à Berlin, et proclame l’avènement d’un pouvoir populaire à Strasbourg, il décide immédiatement d’augmenter les salaires et de baisser la durée de la journée de travail. Une trentaine de commissions organisent la vie quotidienne : transports gratuits, aides financières aux plus pauvres, distribution équitable du ravitaillement, démobilisation des soldats, justice pour tous, etc. Les cheminots revendiquent une autre organisation du travail.


L’armée française rétablit l’ordre

Les élites locales ne voient pas d’un bon œil ce mouvement populaire. D’autant plus que ses idées de liberté circulent. Des conseils similaires sont créés à Haguenau, à Colmar et à Mulhouse. A Saverne et Sélestat les soldats se mutinent. En Lorraine, les immigrés italiens se joignent au mouvement. A Metz, le conseil populaire siège à l’hôtel de ville. Les ouvriers prennent les usines en charge, les mines sont occupées, des mesures pour améliorer la vie des travailleurs sont immédiatement prises.

Le 22 novembre 1918, l’armée française entre dans Strasbourg. Le Conseil d’ouvriers et de soldat déclare qu’il « a rempli sa mission, même si, compte tenu des circonstances, il n’a pu réaliser son idéal politique ». Il décide de remettre l’autorité militaire entre les mains du commandement français. Celui-ci fait savoir qu’il ne reconnaît ni le « Soviet des ouvriers et soldats », ni aucune des mesures qu’il a édictées. La troupe s’empare des usines, les décrets sociaux sont annulés, les salaires ramenés à leur niveau de septembre 1918 et les « agitateurs » sont traqués et expulsés. Le retour à l’ordre sonne le glas d’une expérience politique humaniste et progressiste sans précédent. Elle est de celles que nous ne devons jamais oublier.

Aujourd’hui, celles et ceux qui luttent pour une société meilleure se souviennent et revendiquent l’héritage des assemblées populaires de Strasbourg !

et le montrent dans les rues de Strasbourg

en affichant les déclarations des insurgés de 1918 et en hissant les couleurs de la révolte rue du 22 novembre .

Messages

    • Ben, viens avec nous la prochaine fois...on y mettra des Rouges et des Noirs.

      En tout cas, les gens qu’on a croisé dans la rue en mettant nos affichettes et nos drapeaux nous ont posé plein de questions...
      Des jeunes étudiants allemands, des vieux alsaciens, des curieux, des habitants du quartier et des immigrés interpellés par les affiches du Soviet de Strasbourg, les drapeaux et les slogans mis sur les affiches se sont arrêtés, nous ont posé des questions, sur l’histoire de cette ville, du mouvement ouvrier et les perspectives actuelles...mais ne sont pas allés nous enquiquiner sur la couleur des drapeaux...

      ps : le tract distribué parle aussi des anarchistes...

  • Il faut aussi se souvenir que le soviet de Strasbourg a été trahi par le maire d’alors, Jacques Peyrotte. J. Peyrotte, se disait socialiste, et était soutenu par
    un grand "pacifiste", le marechal Joffre en personne.
    Souvenons nous aussi, que les prémisses de la guerre de 14/18 se sont joués
    avec l’affaire de Saverne en 1913, ou un officier prussien traita les alsaciens
    de wackes(voyous). Les soviets de strasbourg, nous font aussi penser à la guerre des paysans. Une vieille tradition alsacienne de rebéllions, pas de révolutions existait alors en Alsace. Depuis la nazification, le légitisme local
    à toujours permis aux droites de diriger "le jardin de la France", et de cultiver
    le syndrome du complexe alsa
    cien. Ce complexe de supériorité, qui malgres
    les tentatives d’imposer la croyance en un pseudo humanisme rhénan, nous oblige à vivre sous un système concordataire et avec un droit local pernicieux.
    Ce qui, avouons le, n’a rien de révolutionnaire.
    Le maire "socialiste" de Strasbourg aimerait même nous faire sortir du système républicain, et créer une zone franche, espece de paradis fiscal
    officiel de lUE.
    Si demain, la révolution socialiste s’errige en mode de fonctionnement au sein de notre vieille Europe, l’Alsace sera toujours légitimiste, mais aussi, toujours
    en dehors du cadre grace aux "socialistes" locaux et à leurs affidés écologistes.

    • Salut le savergnole,

      en effet, tu as tout a fait raison.
      Les deux "vieux alsaciens" que nous avons croisé hier confondaient d’ailleurs les deux épisodes (pourtant distants de plusieurs siècles) et nous parlaient de grands pères participant à la "guerre des paysans". Je crois qu’ici aussi on se souvient que les alsaciens étaient aussi traités en citoyens de seconde zone sous le II reich. C’est d’ailleurs ce qui a motivé d’une part l’adhésion de la majorité (notamment des élites francophiles) à la France et d’une minorité à l’idéal révolutionnaire. Alsacien ? deux fois prolétaire ?

      Sinon, pour l’épisode sur Peirotte, nous en avons aussi discuté...il est vrai que le tract n’a pas eu le temps de prendre chaque chose en détail et que nous nous sommes enquiquinés a traduire l’affiche, notamment lorsqu’elle clame "vive la sociale-démocratie internationale" ce qui peut paraitre décalé. Si nous continuons notre action mémorielle il faudra bien sûr bien expliquer le rôle de ces "républicains francophiles" proche de l’aile droite de la SFIO (que de saloperies dites au nom de Jaurès ) et qui se sont associés au mouvement que pour mieux l’étrangler (en reprenant a leur compte les stratégies alors développées en Allemagne contre Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht ).

      Pour finir reprenons cette déclaration consignée sur l’affiche (qui interpellait vraiment les gens dans la rue dont certains ne comprenaient pas pourquoi elle était rédigée en allemand)
      Ni français, ni Allemands, ni neutre...Le drapeau rouge a vaincu !

    • Dommage, j’ai loupé un documentaire sur cet évènement, il y a 2 mois sur la chaîne parlementaire à la télé

  • Voici une initiative qui sort des orgas, elle est le fait d’un groupe de camarades issus du mouvement des retraites.

    Ce qui est lamentable est que le PCF ne se sent meme pas concené par la célébration de cet évènement unique.

    la fédé 6è est tombée vraiement bas, d’ailleur elle n’a plus d’yeux que pour les combines élecoraliste et politicienne avec un PG en mal d’assise politique et qui lorgne comme un charognard sur les militants et le passé de cette organisation malheureusement en voie de décompo très avancée.

    ROT FRONT !

    • A lire, plusieurs "bourgeois et soldats" le roman d’alfred Noblin.
      Récit des derniers jours de la présence allemande en Alsace-Lorraine, Bourgeois et soldats installe le roman au milieu de l’agitation, soldats révoltés et population civile mêlés : officiers provisoirement détrônés et bourgeoisie locale en spectatrice ricanante ; amours qui se font et se défont ; petits trafics, chapardages, et enfin les drapeaux tricolores cousus à la va-vite…

      plus d’infos sur le site des éditions Agones qui ont rééditées ses bouquins
      http://www.atheles.org/agone/manufa...

  • THÉÂTRE L’AUTRE SENTIER
    Présente
    Georges Wodli
    de Fouad Alzouheir, auteur et metteur en scène

    PALAIS DES FÊTES DE STRASBOURG
    29, 30 et 31 MARS 2011 à 20H00

    Plein tarif : 8€ Tarif réduit : 5€

    Renseignements et réservation
    03 88 32 63 47 secteur Cheminots CGT Strasbourg