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L’Etat lance la concurrence à l’assaut des barrages hydroélectriques

Publie le mardi 14 décembre 2010 par Open-Publishing
4 commentaires

Le gouvernement engage aujourd’hui le projet d’ouverture à la concurrence des barrages. Une cinquantaine d’ouvrages sont concernés par la procédure d’appels d’offres d’ici à 2015. Etat des lieux du chambardement hydroélectrique, en 6 questions.
POURQUOI EST-CE UN ENJEU IMPORTANT POUR LES INDUSTRIELS ?

Attribuées pour une durée de 75 ans depuis... 1920, les quelque 400 concessions hydroélectriques du pays arrivent à expiration. Une poule aux œufs d’or pour les industriels qui les exploitent : les investissements sont en effet déjà largement amortis. A Génissiat par exemple, le plus gros barrage de l’Hexagone, chacune des six turbines rapporte 4000 euros par heure et produit 60 à 70 MWh d’électricité (le prix de vente moyen de l’électricité se situant autour de 55 euros le MWh). Or le coût de production, lui, se situe 20 euros par MWh, soit 1400 euros maximum par turbine. Le calcul est des plus rapide : chaque heure GDF Suez dispose d’une marge substantielle.

A partir d’aujourd’hui néanmoins, l’eldorado hydroélectrique va progressivement être soumis à la concurrence. De quoi offrir des marges copieuses à de nouveaux concessionnaires, qui remporteront le gros lot pour 30 à 40 ans. Une première grappe d’une cinquantaine de barrages a été rassemblée dans dix concessions, qui seront remises en jeu d’ici à 2015. Il faudra compter cinq ans entre la réalisation d’un dossier de fin de concession par l’exploitant actuel d’un ouvrage et l’arrivée d’un nouveau concessionnaire.

L’Etat est propriétaire

Les barrages sont une délégation de service public. Le cahier des charges confie de larges prérogatives au concessionnaire, qui procède aux différents aménagements pour le compte de l’État. Responsable de la sécurité et la protection de l’environnement, le concessionnaire a l’obligation d’entretenir les ouvrages afin de les remettre en bon état à la fin de la concession.

QUELLE CAPACITE REPRESENTENT LES BARRAGES BIENTOT REMIS EN JEU ?

Près de 5.3 GW soit environ 20 % de la puissance du parc hydroélectrique français. Le ministère de l’Energie a décidé de regrouper les ouvrages hydrauliquement liés dans chaque vallée. Pour cela, il a fallu anticiper le renouvellement de concession d’une quinzaine d’ouvrages de 2,3 GW au total, et définir une méthode pour dédommager l’ancien concessionnaire en cas de changement. Le dédommagement sera égal à l’actualisation de l’excédent brut d’exploitation moyen sur les cinq meilleures des sept dernières années ou sur la dernière année si celle-ci est plus avantageuse. A cela s’ajoutent 2,8 GW de concessions qui arrivent à échéance naturelle. Enfin, le ministère du Développement Durable demandera également au moins 200 MW de suréquipements.

QUELS SERONT LES PREMIERS BARRAGES OUVERTS A CANDIDATURES ?

Dès 2010 pour les ouvrages de la vallée de l’Ossau (Pyrénées-Atlantique), et du Lac Mort (Alpes). Les gros morceaux tels que la vallée de la Truyère (2.014 MW), de la Dordogne (1.551 MW) et de Bissorte (882 MW), lanceront leurs appels à candidatures entre mi-2011 et mi-2012. Les concessions hydroélectriques dans les Alpes (Vallée du Drac, chaîne du Beaufortain et station de pompage de Bissorte), les Pyrénées (Vallées d’Ossau, du Louron et de la Têt) et le Massif Central (vallée de la Dordogne et de la Truyère) seront attribuées entre 2013 et 2015. (Voir plus bas le calendrier complet)

Une source renouvelable, et réactive

L’hydroélectricité représente 12 % de la production nationale. Lorsqu’elle est associée à un réservoir (lac, barrage, etc.), elle permet un démarrage rapide et une montée jusqu’à la pleine puissance en quelques minutes. Plutôt précieux, en cas de perturbation voire d’écroulement des réseaux électriques.

QUI DETIENT LES BARRAGES ACTUELLEMENT ?

Sur une puissance totale concédée de 25,3 GW, EDF exploite environ 80 % des barrages de l’Hexagone avec 20,3 GW, le reste étant essentiellement détenu par deux filiales de GDF Suez, la CNR (Compagnie nationale du Rhône) se voyant déléguer 3,5 GW et la Shem (Société hydroélectrique du Midi) 900 MW. Enfin, 600 MW ont été attribués à d’autres producteurs. Pour EDF, l’ouverture des barrages à la concurrence constitue un enjeu clef. Grâce à ce processus, GDF Suez espère disposer de 4 à 4,5 GW de capacités hydrauliques d’ici à 2013, contre 3,7 aujourd’hui.

QUI SON LES NOUVEAUX ENTRANTS POTENTIELS ?

Le renouvellement des concessions suscite la convoitise de poids-lourds étrangers comme le norvégien Statkraft, qui exploite déjà 225 centrales hydrauliques en Norvège, en Suède, en Allemagne, en Finlande et au Royaume-Uni, l’allemand E.ON, qui a pour objectif de produire 36%d’électricité issue de sources renouvelables en 2030, ou l’italien Enel. Le suisse Alpiq, qui s’est déclaré candidat par voie de communiqué, exploite en Suisse, en France et en Italie une trentaine d’ouvrages, pour la plupart de très grande taille, pour plus de 2.800 MW de puissance installée. En complément des projets de centrales à cycle combiné gaz qu’il développe en France, de sa présence dans l’éolien et la petite hydraulique qui correspondent à des volumes d’investissements très significatifs, le renouvellement des concessions hydroélectriques constitue pour le groupe une belle opportunité.

Egalement intéressé, l’autrichien Verbund, actionnaire à 48% du français Poweo, a récupéré, en 2008, treize barrages allemands d’une puissance de 312MW, propriétés d’E.ON. Le fournisseur d’électricité alternatif Direct Energie lui emboîte le pas. Menant des projets dans la biomasse, le photovoltaïque, l’éolien offshore et on shore pour plusieurs centaines de MW, il possède et gère 5 petites centrales hydroélectriques de moins de 10 MW également, et compte sur deux futures centrales à gaz à cycle combiné de 800 MW chacune. Plus discrets, l’espagnol Iberdrola et l’allemand Vattenfall sont également sur les rangs, tout comme à son échelle le petit Maïa Power.

POURQUOI PLAFONNER LA REDEVANCE ?

Pour des raisons historiques, ni les barrages d’EDF ni ceux de la Shem ne paient de redevance à l’Etat : seuls des ouvrages gérés par la CNR s’en acquittent à hauteur de 24 % de leurs revenus. Le vote de la loi Grenelle 2, début mai, va changer la donne. Le niveau de cette redevance, proportionnelle au chiffre d’affaires de l’ouvrage, sera défini vallée par vallée et réparti à 50/50 entre l’Etat et les collectivités locales.

Afin de sélectionner les nouveaux concessionnaires, l’Etat tiendra compte de leurs propositions en matière d’environnement, d’efficacité énergétique et de redevance. Reste que cette redevance sera plafonnée afin d’éviter de donner trop de poids au critère financier. Une idée défendue par les exploitants historiques EDF et GDF Suez : pour les nouveaux candidats attirés par les concessions arrivant à expiration, il serait trop facile de promettre des niveaux de redevance juteux à même de remplir les caisses vides de l’Etat, afin de gagner les prochains appels d’offre... et de rogner ensuite sur la maintenance et la sécurité. La mesure va probablement se traduire par un alignement de tous les candidats sur le plafond choisi. GdF Suez souhaite que ce plafond ne dépasse pas 30% du chiffre d’affaires. Il se situerait, in fine, autour de 25%.

http://www.usinenouvelle.com/articl...

Messages

  • Les barrages privatisés vont devenir des passoires non entretenus et ainsi renouveler Malpasset à Fréjus. Il faudra donc vite déménager avant le désastre prévisible...

    le serpenseur

    • Les barrages ne sont pas privatisés mais concédés, exactement comme aujourd’hui ! EDF n’est que concessionnaire, les installations appartenant à l’Etat. Et le futur concessionnaire, lui, paiera la redevance, au contraire des exploitants actuels ! Finalement, les collectivités seront gagnantes ! Et qui dit concessionnaire "non français" ne dit pas concessionnaire "incompétent" ! De mémoire, qui gérait Malpasset ??

    • Prendre l’exemple de Malpasset pour dénoncer les insuffisances de la gestion par le privé est assez maladroit.

    • Malpasset n’était pas "géré" par le "privé" mais a subi les mêmes contraintes car sa réalisation par une SEM s’est heurtée aux mêmes contraintes que celles du privé : Le pognon d’abord !!!

      Pour ceux qui connaissent les barrages de Tignes dans les Alpes, ou du Bimont sur la Haute vallée de l’Arc près d’Aix la "concession" à du privé, suivant de nouvelles normes, de la surveillance et l’entretien de ces ouvrages ne leur donnera certainement pas le désir d’habiter en dessous du bassin versant.

      Un barrage comme le Bimont, en pleine zone sismique de la Sainte-Victoire, ça peut représenter des CENTAINES de milliers de morts et disparus en cas de crash. Toute la vallé aixoise de de l’Arc et de la Touloubre jusqu’à l’Etang de Berre et au Golfe de Fos.

      De même pour Tignes et le bassin versant isérois et le Grenoblois.

      Et pour les "optimistes" lire le discours de F. Billoux en 1959 et me dire si ça s’est amélioré.

      G.L.


      http://frejus59.fr/

      Extrait de l’intervention du Député des Bouches-du-Rhône François Billoux le 21 décembre 1959

      Ce document présente la seule intervention d’importance qui eut lieu après la catastrophe, (De Malpasset ; NdP), à l’Assemblée Nationale.

      Il n’y a pas eu d’échange direct entre les Députés sur les faits relatés par M. Billoux.

      Ce discours est livré tel quel en précisant que Monsieur Billoux, Député communiste, faisait partie de l’opposition de l’époque. Il fut également Ministre de l’Economie de 1945 à 1946.

      Mesdames, messieurs, je salue à nouveau avec respect la mémoire des victimes, leurs familles et l’ensemble des sinistrés de Fréjus.

      Le projet de loi que nous discutons aujourd’hui devrait garantir aux populations éprouvées une application totale du principe de la solidarité nationale par la réparation intégrale. Le projet ne répond pas à une telle préoccupation, c’est sa conception même que nous n’approuvons pas.

      C’est en partant de cela que je voudrais présenter trois séries d’observations : premièrement, sur les responsabilités de la catastrophe de Fréjus ; deuxièmement, sur les conditions dans lesquelles furent apportés les secours de première urgence ; troisièmement, sur l’indemnisation des sinistrés.

      La recherche et la découverte des responsabilités ne ramèneront malheureusement pas à la vie les êtres aimés, parmi lesquelles tant d’enfants ; elles doivent au moins éviter le retour de nouvelles catastrophes. Pour cela, l’enquête doit être complète, c’est-à-dire ne négliger aucun aspect tant technique qu’administratif et de rechercher toutes les responsabilités. Il faut voir si ce qui pourrait être qualifié à première vue de fautes ou de manquements techniques ou administratifs n’est pas imputable à d’autres raisons.

      Je veux parler des insuffisances d’études au départ, du manque de crédits, des difficultés pour les obtenir pendant les travaux, de l’insuffisance des mesures de surveillance et de contrôle, des carences qui ont empêché de prendre des mesures d’urgence avant la catastrophe.
      Le premier devoir à remplir, lorsqu’on veut implanter un barrage, devrait être de vérifier l’état du sol et du sous-sol. Or, ainsi que l’a rappelé le professeur Roubault, directeur de l’école Nationale de géologie de Nancy : « Aucun texte législatif n’impose pour la construction des barrages les études géologiques préalables qui sont indispensables. ».

      Je propose en conséquence que, sans attendre plus longtemps, un texte soit adopté rendant la prospection géologique et pétrographique obligatoire. Vous me direz que, sans être obligatoire, seuls des insensés pourraient construire un barrage sans cette prospection préalable et que celle-ci fut bien réalisée à Malpasset, deux questions se posent cependant :
      Premièrement, a-t-on tenu compte des observations des géologues lors de la construction de ce barrage ?

      Deuxièmement, les crédits étaient-ils suffisants pour procéder à une prospection complète ?

      La réponse à ces deux questions semble bien être : non.

      Le rapport du géologue indiquait qu’on pouvait construire un barrage sur le Reyran, à Malpasset.

      Mais ne disait-il pas également qu’il fallait rendre étanche le sous-sol par des injections de béton ?

      Dans une étude faite en 1955 par le professeur Corroy sur le barrage de Malpasset et publiée en 1956 dans le Bulletin des travaux du laboratoire de géologie de la faculté des sciences de Marseille, il était écrit que ce problème du barrage était difficile à résoudre.

      Après avoir donné des indications sur la qualité des roches, le professeur concluait notamment : « Toutes ces observations superficielles montrent que la série des gneiss du Reyran est loin d’être homogène et que les assises d’un futur barrage en ce lieu doivent être préparées par des travaux de recherches. ». Il ajoutait : « Notons surtout l’aval pendages des gneiss et la présence de pegmatites aux phénocristaux facilement altérables, comme susceptibles de provoquer des pertes plus ou moins importantes sous l’ouvrage et dans les épaulements rocheux du barrage. ».

      Or, dans une réunion de commission du Conseil Général du Var, le 19 mai 1951, il était indiqué : « On avait prévu la possibilité d’une avance de 27 millions du département pour commencer les travaux de sondage et d’investissement dans le barrage ; mais on a estimé que 8 millions suffisaient, parce qu’il est inutile de faire faire les sondages comme on les fait habituellement pour ces sortes de barrages. ». On concluait : « En effet, on est sûr d’avoir un ancrage très sûr. ».

      Or, il apparaît qu’une faille géologique a été décelée par les experts du bureau national d’études géologiques. Voilà 19 millions d’économies qui coûtent cher en dégâts matériels et surtout en vies humaines !

      Le texte rendant obligatoire la prospection doit donc aussi rendre obligatoire le vote des crédits nécessaires à cette prospection complète.

      Le préfet du Var a indiqué : « Le barrage a été inspecté il y a quelques mois pour savoir s’il résisterait aux explosions causées par les mines de spath fluor. Tout était normal ». Or tout n’était pas normal comme on l’a malheureusement constaté. Ce n’est pas seulement après la catastrophe que l’attention a été attirée sur ce barrage. Le 12 décembre 1955, notre ancien collègue Toussaint Merle, conseiller général communiste du Var et maire de la Seyne indiquait, dans une séance du Conseil général du Var : « On nous parle d’un crédit de 2 millions pour les déformations du barrage. Il n’est pas possible que plusieurs mois après la fin des travaux, on n’ait pas commencé l’étude des déformations. Si j’en crois le budget, on n’a pas encore entrepris l’étude des déformations ».

      Les études de déformation se poursuivaient encore au moment de la catastrophe.

      M. Toussaint Merle disait encore le 11 février 1957 : « Votre programme est bâti en l’air, non par la faute des techniciens, mais par celle de la politique d’investissement du Gouvernement. Le projet du Reyran — barrage et irrigation — ne pourra pas s’achever. Vous jetez de la poudre aux yeux ».
      Malheureusement, ce ne fut pas simplement de la poudre aux yeux, mais des millions de mètres cubes d’eau se transformant en linceul pour des centaines de victimes.

      Plus de quatre ans après sa construction, ce barrage ne répondait pas à son but : d’abord satisfaire les besoins en eau potable des populations de la vallée du Bas-Argens ; ensuite, accroître la fertilité de cette région en satisfaisant ses besoins d’irrigation.

      En février 1957, M. Merle s’élevait devant le Conseil Général du Var contre le retard apporté dans l’octroi des subventions nécessaires à la poursuite des travaux.

      Ce n’est que le 19 décembre 1958, quatre ans après la fin des travaux, que le Conseil Général a délibéré sur un service d’exploitation agricole, mais qui n’a jamais été pratiquement organisé.

      En raison du manque de crédits, la construction du barrage s’était opérée en plusieurs tranches et dans des conditions parfois difficiles.

      M. le préfet du Var déclarait en 1957 : « Compte tenue des dépenses annexes, le coût définitif du barrage de Malpasset place cet ouvrage au premier rang du classement des barrages suivant les économies sur le prix de revient. ».

      Toujours les économies ! Les économies ne sont-elles pas à l’origine de la catastrophe de Fréjus, comme de beaucoup d’autres calamités ? Voilà pourquoi nous demandons que l’enquête ne se limite pas au caractère technique et formellement administratif, mais prenne en considération l’ensemble des conditions qui ont présidé à la construction du barrage, d’autant plus qu’il ne s’agit pas d’enquêter seulement sur la construction.

      Un barrage doit être l’objet d’une surveillance et d’une vigilance permanente. Le tremblement de terre de la vallée de l’Ubaye a été ressenti jusque sur la

      côte de la Méditerranée.

      A-t-on vérifié depuis s’il n’avait pas provoqué des ébranlements des soubassements du barrage ?

      Je ne veux pas faire une comparaison avec le grand barrage de Tignes où six ingénieurs sont en permanence au tableau de contrôle ou avec celui de Castillon où 250 cordes vibrantes sont surveillées en permanence. Mais en quoi consistaient le contrôle et la surveillance du barrage de Malpasset ? N’y avait-il que ce malheureux gardien avec sa torche électrique ?

      Il avait été proposé que des hommes-grenouilles viennent surveiller le barrage. On ne les a fait venir qu’après la catastrophe. Pourquoi ne pas les avoir fait venir avant ? On avait alors répondu toujours de la même façon : Pas d’argent, pas de crédits.

      D’après le plan du barrage, c’est la coulée du côté gauche qui a cédé. Or, à gauche, entre la route et le rocher, lors de la construction d’un batardeau, il avait été trouvé de nombreux obus déposés par les Allemands. A l’époque, les services intéressés avaient demandé au préfet d’inviter les services du déminage à détecter et détruire les obus existants. Or, il s’en trouvait encore de fort nombreux au moment de la catastrophe. Toujours du même côte gauche, à 250 mètres à peine parallèlement au plan de clivage, a été construite la fameuse nouvelle autoroute, à droit de péage, comme avant 1789. Donc, à 250 mètres du barrage des mines nombreuses ont explosé pendant des semaines. A-t-on contrôlé la puissance et l’effet de ces mines ?

      Dans une lettre de 20 janvier 1958 au préfet, les services techniques compétents ont fait d’expresses réserves sur cette situation.
      N’est-il pas possible que des ébranlements, voire des fissures, aient permis aux eaux diluviennes de s’infiltrer et d’entrainer le plan de clivage ?

      Depuis fin novembre, des suintements transformés ensuite en écoulements nettement caractérisés ne s’étaient-ils pas produits ?

      Le 28 novembre, il est constaté sur le paravent de la rive droite du bassin de réception du déversoir, une fissure de huit millimètres au lieu d’un point de dilatation de un à deux millimètre Des contacts ont été pris avec l’entreprise d’injection pour examiner la possibilité d’étancher.

      Pourquoi n’a-t-il pas été tenu compte de tous ces avertissements ?

      Le 2 décembre au matin, il est envisagé de procéder à des délestages.

      Pourquoi a-t-on attendu ? Qui s’y est opposé ?

      Dans l’après-midi du 2 décembre, une conférence a eu lieu aux mines de Bozon et le barrage est survolé en hélicoptère. Mais ce n’est qu’à dix-huit heures que l’ordre d’opérer des délestages est donné. Après vérification des premiers indices de fin novembre, si le délestage avait commencé aussitôt il y aurait peut-être eu quelques dégâts matériels, mais aucun mort à déplorer.

      Le système de dégagement du trop-plein était constitué par des vannes, dont le débit d’écoulement était très lent. Or, c’est une vanne seulement qui a été ouverte, à dix-huit heures.

      Il est vraisemblable que, dans toute cette affaire, la majorité du conseil général du Var a un certain nombre de responsabilités qui lui sont propres, y compris la façon dont elle a contrôlé l’exécution des travaux. Il ne faudrait pas cependant rejeter sur le conseil général, et à plus forte raison sur le département, les responsabilités qui sont celles de l’Etat, du Gouvernement et de son appareil. En effet, contrairement à ce qu’avait prévu la Constitution de 1946, qui n’a jamais été appliquée sur ce point comme sur beaucoup d’autres, les conseils généraux n’ont pratiquement aucun pouvoir. Le département est sous la tutelle de l’Etat par son préfet ; le tuteur doit être responsable des biens qui sont sous son autorité de tutelle. Le premier responsable dans le département est le représentant du Gouvernement, le préfet, mais celui-ci ne fait qu’appliquer les décisions gouvernementales.

      L’Etat, qui a refusé de donner des droits aux départements et aux communes, ne peut faire retomber sur eux des devoirs et, par conséquent, des responsabilités qui lui incombent.

      Dans le cas du barrage départemental de Malpasset, les questions de crédits pour les investissements, la, prospection, le contrôle de l’exécution et du fonctionnement sont affaires de I’ Etat et de son gouvernement. C’est là la position de principe fondamentale qui doit être admise au départ, ce qui n’empêche pas, comme nous l’avons déjà dit, de rechercher toutes les responsabilités.

      Nous demandons que la publication des résultats et conclusions de l’enquête ne soit pas renvoyée aux calendes grecques et, à plus forte raison, que les travaux de la commission d’enquête ne soient pas enterrés purement et simplement. Je l’ai dit, les fautes techniques éventuelles ne doivent pas être isolées des raisons plus générales qui ont pu les engendrer.

      Aussi, la commission d’enquête doit-elle être composée de techniciens, du maire de Fréjus, d’élus — et pas seulement de la majorité — des représentants élus des sinistrés, des représentants des organisations syndicales et démocratiques.