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Traité établissant la Constitution européenne : les dés ne sont pas jetés

Publie le dimanche 5 décembre 2004 par Open-Publishing
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de Rosa Moussaoui

À entendre l’avalanche de commentaires qui ont suivi l’annonce des résultats du référendum au Parti socialiste, on croirait presque que c’est le pays entier qui s’est prononcé pour le traité constitutionnel européen.

Valéry Giscard d’Estaing, artisan de ce projet de constitution, voit ainsi dans le « oui » socialiste « la confirmation de l’engagement fondateur de la France pour l’Union européenne ». Si les militants socialistes ont massivement voté en faveur du projet de constitution européenne - 59 % pour le « oui » -, les dés sont pourtant loin d’être jetés. Des voix, à droite comme à gauche, s’élèvent pour dire que l’issue du « vrai » référendum est loin d’être jouée d’avance.

Une bonne nouvelle pour la droite

Dans les rangs de la droite, le résultat de la consultation au PS a provoqué comme une sorte d’euphorie. Premier à réagir, Jean-François Copé, porte-parole du gouvernement, a déclaré jeudi que ce vote des socialistes était « une bonne nouvelle pour la cause européenne ». Le président du groupe UMP à l’Assemblée, Bernard Accoyer, lui a emboîté le pas en saluant « le choix de la responsabilité et de la cohérence ». Le président de la Commission européenne, le très libéral José Manuel Durão Barroso s’est lui aussi félicité de ce résultat, qu’il voit com- me un « bon signal » pour la ratification de la constitution européenne en France. Le chef de l’État, en voyage en Allemagne, s’est réjoui aux côtés du chancelier Gerhard Schröder de cette « bonne nouvelle pour l’Europe ». Il faut dire que ce « oui » socialiste est une aubaine pour Jacques Chirac, qui joue avec le référendum sur le projet de constitution européenne la deuxième partie de son quinquennat. Les félicitations présidentielles ne sont pas allées droit au coeur de François Hollande, qui a - demandé à Jacques Chirac « d’organiser le référendum national [...] en le déconnectant de tout enjeu de politique intérieure ». Un appel qui illustre pour le moins un certain embarras. « Il appartiendra à toutes les Françaises et tous les Français de se prononcer l’an prochain sur une question absolument majeure pour notre avenir commun », a indiqué le président de la République, en se refusant à donner une indication sur la date du référendum. Celui-ci pourrait avoir lieu au printemps, après modification de la Constitution française. Pariant sur une dynamique créée par le « oui » socialiste, Jacques Chirac opterait ainsi pour une campagne courte, qui limiterait l’expression des arguments en faveur du « non ».

À droite, quelques voix dissonantes sont venues troubler ce concert de louanges. Le président du groupe UDF à l’Assemblée, Hervé Morin, a pris ses distances avec « l’euphorie ambiante selon laquelle la victoire du « oui » au PS est large et augure d’un succès du « oui » au référendum sur la constitution ». Édouard Balladur a lui aussi mis en garde contre la tentation de considérer l’issue

du référendum comme acquise d’avance. « Les choses ne sont pas jouées parce que 90 000 socialistes ont voté "oui" », a-t-il estimé.

La contradication demeure au PS

Premier facteur d’incertitude : le Parti socialiste, au terme d’une confrontation très rude, reste divisé de fait malgré les déclarations de « loyauté » et les appels à l’unité. Pour Henri Emmanuelli, « la contradiction reste entière », dans un PS ou 40 % des militants ont voté « non ». Le moins qu’on puisse dire de ces militants qui ont voté « non » est qu’ils sont désorientés. Alors que les raisons de rejeter ce traité restent pour eux entières, ils sont tiraillés entre leurs convictions et la discipline de parti. « C’est difficile », confie l’un d’entre eux. « Le combat porte désormais sur le type de campagne que va mener le PS. » « Pas question, prévient-il, d’accepter des meetings communs avec la droite, comme pour la campagne sur le traité de Maastricht. »

L’équation reste donc complexe à gauche. Dans un communiqué, le PCF estime que « rien n’est joué » et que le « non » peut « l’emporter lors du référendum à venir ». Il lance un appel « aux hommes et les femmes de gauche » à « se rassembler pour dire "non" et pour une Europe sociale, démocratique, pacifique, dégagée de la tutelle américaine ».

Alors qu’une écrasante majorité de Français s’estime mal informée sur ce projet de constitution européenne (voir l’Humanité hebdo du 22 novembre), le débat ne fait donc que commencer pour clarifier les enjeux de cette constitution européenne et leurs con- ne- xions avec la politique que mène la droite au pouvoir.

Rosa Moussaoui

Messages

  • Le risque n’existe-t-il pas de voir le PS français se rallier à la position (prise en catimini ce lundi au bureau du PS) du PS belge : un "oui de combat".
    C’est une position schizphrénique : oui à la "constitutio" de Giscard et Dehaen maintenant, le combat ensuite ...

    Il nous ont déjà fait le coup : le commissaire européen Busquin (ex-président du PS belge) vote le projet Bolkenstein à la commission, le PS pétitionne ensuite contre ce projet sans désavouer son ex-commissaire ! Le oui de combat c’est une manière d’enterrer la question puisque personne n’imagine une renégociation de ce traité dans un délai bref.

    Bon, c’est de la poudre aux yeux. La mémoire est utile : n’a-t-on pas déjà accepté le grand marché et la libéralisation de la circulation des capitaux, sur la promesse de Jacques Delors (encore un socialiste) de faire immédiatement après une magnifique Europe sociale, douze ans après la promesse on attend encore et avec le nouveau traité on risque d’attendre longtemps !

    Bon, on signera les pétitions contre Bolkenstein et on se mobilisera pour le non au traité. Faut ce qu’il faut !

    J-C D. (Bruxelles)