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Il s’agit de faire travailler les salariés plus en gagnant moins !

Publie le dimanche 12 décembre 2004 par Open-Publishing
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Raffarin et les 35 h... Bluff, mensonge, maquillage de la réalité, masque, tromperie, quel mot choisir ?

de Gérard Filoche

Aucun salarié de ce pays n’a le choix de son temps de travail, tous ceux qui disent le contraire sont soit des menteurs soit des ignorants :

Tout salarié est « subordonné » : c’est son employeur et son employeur seul qui décide de son temps de travail.

Ce qui caractérise un contrat de travail est un lien de « subordination » dans le Code. C’est LE droit existant. Le reste est affabulation.

Seul l’employeur décide de la naissance du contrat, de l’exécution du contrat et de la fin du contrat.

C’est lui qui décide de vous embaucher au choix, a temps partiel, a temps plein, et de vous faire faire ou non des heures supplémentaires...

A temps partiel il doit vous écrire le contrat en vous précisant comment sont réparties les horaires dans la journée, la semaine, le mois.

A temps plein, il doit vous écrire les horaires et leur répartition.

A temps plein, il peut vous faire faire des heures supplémentaires dans la limite de la durée maxima hebdomadaire du travail qui est de 48 h. C’est lui qui décide en fonction de ses besoins et a la tête du salarié.

Parfois, il peut avec autorisation préalable de la DDTE , vous faire faire travailler jusqu’à 60 h

Toutes ces heures s’entendent en « temps de travail effectif » ce qui exclut les temps où vous êtes “sous les directives de l’employeur” tout « en vaquant librement à vos occupations personnelles » (astreintes, pause, transports pour l’entreprise, etc...)

La commission européenne est en train de discuter de la façon de porter ces deux durées maxima de 30 et 60 h respectivement à 65 h et 78 h. (opt out)

Même le réactionnaire Pétain dans une économie de guerre, n’avait pas remis en cause les 40 h, il avait porté la durée maxima du travail à 52 h en déduisant les temps de casse-croûte, de pause et d’habillage du « temps de travail effectif ».

Tout employeur peut faire travailler un salarié jusqu’à 48 h par semaine à concurrence d’un contingent annuel qui était de 91 en 1995 (dans la métallurgie) mais qui est devenu de 130 h, puis de 180 h dans les entreprises de moins de 20 salariés et qui tend à être allongé par Raffarin-Borloo, etc... à 230 heures.

Déjà dans la poissonnerie, le contingent est de 230 h : cela revient a faire travailler un salarié 14 mois en 11 mois, cela nuit a la santé et à l’emploi.

Sans augmenter les salaires ! Car le gouvernement ment : avant les heures supp » étaient payées au moins à 25 %, il les ramène à 10 % dans la majorité des cas, ce qui revient à vous faire travailler plus en gagnant moins.

Les heures à partir de 42 h étaient majorées avec 50 % de repos compensateur, il réduit cela.

Les heures au-delà de 130 h supp’ dans l’année étaient payées 200 % plus 50 % de repos compensateur. Le gouvernement diminue cela en allongeant le contingent.

Les heures comptabilisées en « compte épargne temps » et en « rtt », le gouvernement dit qu’elles peuvent être payées au lieu d’être prises : c’est le pire ! Cela évite toute majoration des heures en question... Encore une fois vous travaillez plus en gagnant moins !

Cela remet en cause la conquête des congés payés obligatoires !

Il ne reste plus que les 35 h sous forme de durée légale figurant sur 22 millions de bulletins de paie, (151 h 66) mais tout est fait pour contourner ces 35 h... les vider de leur substance. Et cela fabrique du chômage, cela nuit à la santé, cela nuit à la répartition des richesses...
Incroyable mais vrai :
Payer les RTT et les compte épargne temps ?

C’est la dernière astuce du gouvernement pour faire travailler les salariés davantage sans leur payer d’heures supplémentaires ! Balladur et Giraud en 1993 avaient inscrit dans le Code du travail les fameux « compte épargne temps » : un système qui permettait au salarié - prétendument sur la base du volontariat - de ne pas prendre ses congés payés chaque année. C’était, de facto, inaugurer une forme de « flexibilité pluri-annuelle » et remettre en cause les congés payés.

Ensuite lors, des 35 h, des annualisations avaient été permises par les lois Aubry, tendant à ce qu’ainsi elles ne soient pas forcément hebdomadaires. Des pics d’activité pouvaient être conservés selon les besoins de l’entreprise et celle-ci « remboursait » lors de ses temps morts qui donnaient lieu à des jours de RTT (réduction du temps de travail). Ainsi le corps humain était soumis à des fluctuations de productivité selon les exigences de l’entreprise. Tantôt de lourdes durées du travail, tantôt des « jours de rtt » et de « congés payés » : pour mieux encore assouplir et flexibiliser le salarié, le gouvernement prévoit maintenant de « payer » les jours de Rtt et « les compte épargne temps ».

On arrive ainsi au système alambiqué selon lequel, vous pourrez d’abord travailler plus pour avoir des Rtt et qu’ensuite, on vous fera travailler pendant ces Rtt en vous les payant... Mais toute l’astuce est de reprendre d’une main les repos et congés payés qui auront été donnés de l’autre : surtout cela ne sera pas majoré au prix des heures supplémentaires et le coût de ce surtravail sera donc plus bas !

Pas de choix, pas de liberté :

A la naissance des congés payés, ceux-ci étaient obligatoires, un employeur qui proposait de les payer, au lieu d’accorder le repos légal que le salarié méritait, commettait un délit. Il s’agissait de protéger à la fois la santé du salarié, et l’emploi.

Le "compte épargne temps" (CET) remet cela en cause, en faisant semblant de donner le "choix" au salarié : ne prendre ses congés qu’en partie ou de façon différée, ou être payé à la place. Or c’est un faux "choix" car le salarié, d’après ce qui caractérise son contrat de travail, est "subordonné" à l’employeur. La plupart des accords qui incluent des "compte épargne temps" prévoient que les dates en soient fixées majoritairement selon les besoins de l’employeur. C’est donc une méthode d’ajustement au détriment du salarié, de sa santé et de l’emploi (même les petits jobs de remplacement l’été n’ont plus lieu d’être).

Contre la santé :

Certains accords ont prévu que, dans les dernières années, avant la retraite, on puisse cumuler des congés non pris, pour... partir plus tôt... Si on y arrive sain et sauf ! Car un tel rythme annuel entre 55 et 60 ans, est plus que nuisible à la santé.

D’autres accords prévoient qu’on peut cumuler sur trois à quatre ans, des congés : mais si le cadre, après quatre ans, "choisit" de prendre en forçant la main à son patron, plusieurs mois de congés, ça désorganise l’entreprise, cela peut conduire à le remplacer à l’écarter de son poste...

En fait le "compte épargne temps" est une forme de flexibilité maximale, pluri-annuelle, qui écrase les besoins biologiques, humains, familiaux, etc... C’est présenté comme étant non obligatoire, basé sur le volontariat, mais en fait, en pratique, c’est imposé et c’est défavorable au salarié...

Contre l’emploi :

Le fait qu’il y ait des jours de Rtt signifie déjà des "accords" signés par des syndicats, où existe une annualisation : maintenir celle-ci sans donner de repos compensateurs, ce serait une augmentation substantielle des durées du travail annuelles. Non seulement cela va contre la santé des salariés mais cela fabrique du chômage ; autant d’embauches en moins, autant d’heures supplémentaires en plus. Cela ne rapporterait pourtant pas beaucoup d’argent au salarié puisque les heures récupérées ne sont pas majorées.

Tout ce que fait ce gouvernement Raffarin fabrique délibérément, consciemment, du chômage, en faisant travailler davantage ceux qui ont un emploi tout en maintenant à l’Anpe ceux qui y sont inscrits ou exclus.

Chirac appelle cela : "la liberté de travailler plus pour gagner plus" mais en fait, il n’y a pas un seul - pas un seul ! - salarié de ce pays qui est maître de ses horaires, c’est son contrat de travail donc son employeur qui en décide pour lui...Le salarié subordonné n’est pas payé plus : déjà plus d’un employeur sur deux fraude ! Il y a déjà des milliards d’heures supplémentaires non payées et non déclarées, (premier motif de délinquance patronale massive) ce qui est la principale source de travail dissimulé, clandestin, dans ce pays, et qui nuit à nos caisses de Sécurité sociale et de retraite...

Davantage d’heures supplémentaires moins payées :

Le gouvernement propose aussi d’augmenter les contingents d’heures supplémentaires. Mais il est déjà tellement "assoupli" qu’il a parfois doublé ou triplé dans certains professions. Ainsi, il était de 91 h dans la métallurgie en 1996, il est de 180 h aujourd’hui. Il est de 180 h dans les entreprises de moins de 20 salariés, Il est de 230 h dans la poissonnerie...Ne parlons pas des "équivalences" maintenues dans la restauration où les salariés font 15 à 16 h par jour et 60 h par semaine... La commission européenne s’interroge pour repousser la durée maxima du travail de 48 h hebdo à 65 h hebdo... Des dérogations préalables sont accordées pour travailler jusqu’à 60 h dans certains professions (haute couture). Des millions de salariés travaillent plus prés de 45 ou 50 h que de 35 h. On nous ramène au 19° siècle !

Le contournement aggravé des 35 h :

Raffarin fait comme Pétain qui n’avait pas touché aux 40 h mais les avait contourné : dans sa loi du 28 août 1942, Pétain avait fixé la durée maxima du travail à 52 h et déduit les pauses casse-croûte, le temps d’habillage et les « pauses » du temps de travail effectif. Là, dans une France en paix et cinq fois plus riche, Raffarin remet en cause 70 ans de réduction progressiste du temps de travail. Il laisse les 35 h en place mais formellement, comme "seuil de déclenchement des heures supplémentaires" (car il a peur de modifier 22 millions de bulletins de paie) mais il augmente farouchement les heures supp, supprime les RTT, diffère les congés, tout cela sans même majorer le coût desdites heures supp’ : en vérité rien pour les salariés, tout pour le maximum de profit des employeurs, et pour les beaux yeux du Medef qui en redemande toujours plus.
Raffarin, Larcher, Borloo et le Code du travail :
Ils démantèlent le Code du travail

Peu à peu, Raffarin et ses ministres Fillon, Borloo, Larcher sapent le Code du travail (cf D&S n°118) . En profitant des ordonnances du 3 juillet 2003 qui leur permettent de « simplifier » et de « moderniser » par décret quantité de mesures administratives, ils étendent le champ de leurs attaques contre le Code du travail. Insidieusement, ils font passer les 64 mesures de Virville, les 44 exigences du Medef, celles de l’Afep, d’Ethic, des députés ultra de l’Ump, etc...

On l’a vu, par décret, dans un précédent D&S [1] ils réduiront la feuille de paie de 21 lignes à 7 lignes à partir du 1er janvier 2005. Ils condensent toutes les cotisations sociales sous une ligne « Sécu » et dans une circulaire, ils vont appeler cela « charges » afin d’obscurcir la nature de ce salaire indirect. Pourtant chaque ligne du bulletin de paie a son importance : la durée légale du travail, le nombre d’heures supplémentaires de chaque catégorie, les éléments complémentaires du salaire brut, et ceux du salaire net, y compris les primes de transport. Ou les avantages en nature. Borloo-Larcher veulent rendre opaque les contrôles de l’inspection du travail, plus difficiles la lecture de ses droits par le salarié et les syndicalistes.

Raffarin-Fillon ont déréglementé par la loi scélérate du 4 mai 2004 la hiérarchie des sources de droits, et mis à mal le principe de faveur, en permettant à des entreprises de déroger à l’ordre public social par des accords, plus mauvais pour les salariés que des accords de branche ou même que la loi : la poissonnerie a adopté 230 h de contingent annuel d’heures supplémentaires.

Ils ont supprimé le « registre inspection du travail » qui était obligatoire dans chaque entreprise pour recueillir les observations de l’inspecteur du travail lorsque celui-ci opérait un contrôle. Les élus du personnel avaient accès à ce registre, et dés le passage de l’inspection pouvaient en prendre connaissance et s’appuyer dessus pour exiger respect du droit.

Ils veulent simplifier le mode de calcul des effectifs d’une entreprise à l’avantage de l’employeur.

Ils veulent faire de même pour le licenciement : réduire à 6 mois toute procédure de « plan de sauvegarde de l’emploi » et faire qu’aucun salarié, même licencié abusivement ne puisse être réintégré. (cf ci dessous).

Ils modifient le plan comptable. (cf ci dessous)

Ils modifient les modalités de licenciement des salariés protégés.

Ils veulent changer les délais de prescriptions pour tous les dols liés au contrat de travail. (cf ci après)

Ils défendent au niveau européen la remise en cause de la durée maxima du travail de 48 h.

Brisons le mur du silence sur toutes ces attaques ! Stoppons les : que les syndicats y répondent dans l’unité, mais sans tarder !
Attention danger, fraude, astuces comptables :
Ils mondialisent leurs plans comptables vite et mieux que les questions sociales et fiscales !

De nouvelles normes comptables vont être bientôt applicables dans les entreprises.

Quelles seront les implications immédiates ? Une nouvelle norme « Ifrs » est censée augmenter la transparence financière des entreprises. Avec le plan comptable français, l’entreprise présentait à ses actionnaires boursiers (et au fisc) un bilan consolidé du groupe. C’est-à-dire qu’une entreprise ayant plusieurs entités n’était jugée que par ses résultats globaux. Aujourd’hui le bilan sera présenté pour chaque entité séparément : ainsi les actionnaires boursiers pourront réclamer la fermeture des entités déficitaires et les licenciements passeront en licenciements économiques alors qu’en fait l’entreprise et les actionnaires feront plus de profits.

« Normes IFRS » (International Financial Reporting Standards) : qui et quand ?

Les règles comptables étaient applicables en France selon le Plan Comptable Général de 1982, modifié en 1999. Les entreprises et sociétés françaises étaient soumises aux règles de ces textes nationaux. Le Plan Comptable définissait pour les comptes sociaux des entreprises, les règles applicables, étant précisé ici que les entreprises qui établissaient des comptes consolidés pouvaient ou devaient appliquer d’autres règles dans les comptes consolidés (nous citerons comme exemple les crédit bail qui dans les comptes individuels est une charge comme un loyer, et dans les comptes consolidés comme une acquisition amortissable avec un emprunt).

Dès lors, on pouvait légitimement s’interroger : existait il plusieurs vérités comptables ? D’une façon encore plus flagrante, les divergences comptables entre les règles françaises, américaines (US-GAAP), anglaises ou allemandes étaient nombreuses. Les sociétés françaises cotées en France et aux Etats Unis présentaient dans les deux pays des comptes complètement différents en raison des règles comptables différentes. A l’heure de la mondialisation, et sur une échelle plus petite à l’heure européenne, il devenait urgent de trouver une voie à l’harmonisation des règles comptables et financières au niveau européen et mondial.

Initiée au cours des années 60, l’International Standard Committee (IAS) a entrepris progressivement de déterminer des normes internationales en matière comptable et financière. C’est ainsi que certaines entreprises ont adopté les normes internationales IAS pour la publication de leurs comptes consolidés.

Les modifications en 1999 de notre Plan Comptable (Règlement CRC 99-03 http:// www.articles.exafi.com/Compta/ComptaTextes/CRC99-03.htm ) et des règles françaises de consolidation (Règlement CRC 99 http://www.articles.exafi.com/Compta/ComptaTextes/CRC99-02.htm ) constitue une première convergence vers ces normes internationales.

Une profonde modification :

Mais c’est surtout avec l’adoption par la Communauté Européenne en juin 2002 des normes IFRS (International Financial Reporting Standards) que le processus d’harmonisation va réellement pourvoir s’appliquer. Les Etats-Unis et la bourse américaine ont tenté à de multiples reprises d’imposer leurs US GAAP (dont les règles comptables ressemblent davantage à une encyclopédie pour experts qu’à des outils pratiques) plutôt que les normes IAS, mais il semble que les derniers évènements sur les comptes de « majors » américaines permettent de rallier les anglo-saxons aux normes internationales.

Ces normes IFRS seront le reflet des normes IAS actuelles. Leur application concernera l’ensemble des entreprises à but lucratif, qu’elles soient du secteur public ou privé. L’entrée en vigueur de ces normes est fixée à 2005 pour les entreprises cotées et à 2007 pour les autres. Les entreprises non-cotées publiant des comptes consolidées pourront appliquer ces normes en 2005.

Cependant le compte à rebours à déjà commencé car, si les premiers comptes à publier ne sortiront qu’en 2005, il sera nécessaire d’obtenir, selon les même règles, les comptes 2004 pour des questions de comparaison.

De la même façon, des sociétés non-cotées pourront être conduites à procéder à ces modifications avant la date butoir car elles sont soit filiales de sociétés cotées en France (environ 25000), soit filiales de société étrangères, soit simplement sur pression de la part des établissements bancaires qui souhaiteront au plus vite disposer d’éléments sur des bases communes.

La réflexion et les modifications d’approche et d’organisation doivent être anticipées car il ne s’agit pas seulement d’un changement de numéro comptable ou de quelques règles, mais d’une modification profonde de l’approche financière des entreprises et de la comptabilité qui en résulte.
Mesures scélérates du gouvernement :
Y’ pas de petits profits !

Actuellement, en droit du travail, le régime des prescriptions, applicable aux salaires et aux sommes n’ayant pas le caractère de salaire (dommages-intérêts, frais professionnels, sommes dues au titre de l’intéressement, participation...), est prescrit après 5 ans (art. 2277 du code civil, art. L. 143-14 du code du travail)

Mais les dommages-intérêts se prescrivent par 30 ans et ce, conformément à l’article 2262 du code civil (ainsi en est-il de l’indemnité de licenciement : Cass. soc. 9 mars 1957, Dr. soc. 1957.278, des frais professionnels : Cass. soc. 29 mai 1991, D. 1991. IR. 180, de la participation : Cass. soc. 14 avril 1988, Bull. civ. V, n° 228).

Le Medef, De Virville et un parlementaire qui s’appelle F.X Villain...

Tout ce beau monde condamne cette division entre salaire et dommages-intérêts parce que, selon eux, la jurisprudence biaise souvent la prescription de 5 ans pour appliquer la prescription trentenaire. Ainsi, s’agissant de sommes représentant des repos compensateurs non pris, et ayant, apparemment, le caractère de salaire, la Cour de cassation a fait application de la prescription de 30 ans en soutenant que, dès lors que l’employeur n’avait informé le salarié de ses droits de repos, ce dernier avait subi un préjudice qu’il convenait donc de réparer par des dommages-intérêts soumis à la prescription de 30 ans (Cass. soc. 5 février 2003, pourvoi n° 01-44819).

Enfin, il est une dernière prescription qu’il convient d’envisager : c’est l’action en contestation des sommes dues en contrepartie de l’exécution ou de la rupture du contrat de travail. Aujourd’hui, et faute de disposition particulière, un salarié peut attaquer son licenciement pendant 30 ans.

Réduire tous les délais au nom de l’Union européenne :

Le député Villain note que les salariés protégés (délégués du personnel, membres du comité d’entreprise, délégués syndicaux...) ne peuvent contester leur licenciement que dans les deux mois qui suivent l’autorisation de l’inspecteur du travail, situation paradoxalement moins favorable que pour les salariés de droit commun.

Certes, mais c’est ce délai a été réduit à deux mois... récemment. Il était de 4 mois auparavant...
Le député Villain fait aussi remarquer que les pays européens ont enfermé les délais de contestation suite à la rupture du contrat de travail dans des délais beaucoup plus courts (20 jours en Espagne, 30 jours en Belgique, 3 mois au Royaume Uni, 6 mois aux Pays-Bas).
Enfin il mentionne que dans son rapport intitulé « Pour un code du travail plus efficace », rédigé en janvier 2004, M. de Virville a proposé une modification du système de prescription en paiement des salaires et dommages-intérêts tout en ajoutant, s’agissant de l’action en contestation des sommes dues après la rupture du contrat de travail, que l’action soit menée « dans un délai raisonnable à compter de la fin de cette relation » soit... 3 ans !
M. Villain veut limiter l’insécurité juridique de l’employeur dans le cadre des changements d’orientation de la Cour de cassation. Pan sur le bec de celle-ci et pan sur celui du salarié qui n’est pas assez rapide ou averti de ses droits !
Telles sont les dispositions de la présente proposition de loi que nous vous demandons d’adopter.
PROPOSITION DE LOI : Article 1er L’intitulé de la section 3 du chapitre 3 du titre 4 du livre 1er du code du travail est ainsi rédigé : « Prescriptions ».
Article 2 : L’article L. 143-14 du code du travail est ainsi rédigé : « Art. L. 143-14. - L’action en paiement de salaires, rémunérations, et plus généralement, de toutes sommes dues en contrepartie de l’exécution de la prestation de travail se prescrit par cinq ans.
M. Villain commet là une bien vilaine action : les salariés victimes de l’amiante qui apparaît 20 ou 25 ans après ne pourront plus se plaindre !
Faciliter les licenciements abusifs
Interdire toute justice pour les salariés licenciés !

Le Medef ne peut pas supporter que les juges annulent des licenciements sans « cause réelle et sérieuse » ou « abusifs ». Pire : il ne supporte pas que lorsque le licenciement a ainsi été condamné, le salarié se voit réintégrer dans ses droits. En un mot, il ne veut plus de justice : seulement l’arbitraire de l’employeur.

Ainsi y a t il eu depuis quelques décennies, des jugements qui ont annulé des plans sociaux infondés, et qui ont logiquement re intégrés les salariés concernés par cette injustice. Le plus célèbre de ces arrêts, est celui de la Samaritaine : 135 salariés avaient été re intégrés après 4 ans de procédure. (cf. encart). Mais il y en a eu d’autres : notamment à Nogent sur Seine, chez Faurécia (cf D&S n°113 mars 2004) et, plus récemment, à Wolber : début novembre, le conseil des prud’hommes de Soissons a demandé la « réintégration matérielle » de 400 salariés licenciés en 1999 par le fabricant de pneus. Problème : cette filiale de Michelin n’existe plus. Pour les prud’hommes, c’est la maison-mère qui devra se charger de réintégrer les salariés. Le Medef hurle !

Encart :
[ L’arrêt Samaritaine
Evidemment, gagner une procédure de ré intégration, 4 ans après le licenciement, c’etait trop tard pour les 135 salariés concernés, et seulement un tiers d’entre eux s’étaient représentés à leur poste. Les autres avaient quand même récupéré leurs salaires. D&S qui avait enquêté à l’époque, en 1998, sur cet arrêt, avait fait remarquer qu’une des salariées licenciées, Brigitte Zerbib, après 30 ans dans l’entreprise Samaritaine, restée un an et demi sans emploi, désespérée, s’était suicidée en se défenestrant. Elle ne put profiter de la tardive décision finale du juge.
Cela démontre qu’il ne faut pas confier au seul juge le soin trancher cette question des licenciements non fondés. Il faudrait qu’il y ait, en amont, lorsque il y a un doute manifeste sur le motif du licenciement, un pouvoir de suspension de l’inspection du travail, et que le ou les salariés demeurent dans l’entreprise, jusqu’à ce que l’employeur saisisse lui-même le juge.]

« Jurisprudence absurde ! », « Incohérence de notre droit du travail ! » hurle aussi le député ultralibéral Hervé Novelli. Nous allons « aménager de façon pragmatique les règles de la réintégration », répond Gérard Larcher, ministre délégué aux Relations du travail, en présentant un amendement du gouvernement. « Lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu, alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet (...), il peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail, sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de l’établissement ou du site, ou de l’absence d’emploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié ».

Pour Gérard Larcher, « cela permettra au juge de tenir compte, dans un souci de réalisme, de l’impasse matérielle de réintégrer les salariés ».

Ce serait un grand recul car la réintégration impliquait tout le groupe. L’obligation de reclassement, ainsi que la réintégration, s’apprécient au niveau du groupe, et pas seulement de l’établissement ou de l’entreprise !

Mais le Medef qui - morceau par morceau - est en train de passer ses « 44 propositions » pour démanteler le Code du travail, en demande davantage : il propose d’exclure toute réintégration d’un salarié injustement licencié ! Ainsi celui-ci serait victime d’un licenciement infondé mais ne pourrait recevoir réparation du dol subi : son emploi serait quand même perdu et, ce, sans recours. Déjà qu’il est trop rare de voir des salariés réintégrés par les juges, cela deviendrait interdit ! Il n’y aurait plus que des dommages et intérêts - souvent limités : comment faire si on reste durablement sans boulot ?
En France, Bretagne :
Des ouvriers polonais à 5 euros de l’heure ?

À l’heure de la Constitution européenne libérale, il est question que des saisonniers polonais puissent venir travailler en France, à des prix polonais (c’est-à-dire hors cotisations sociales) anticipant la directive Bolkestein. [2]
Une société polonaise de services, Eurokontakt Projekt Serwis, propose au Comité économique régional fruits et légumes de Bretagne (Cerafel) des travailleurs polonais à 5 euros de l’heure pour la cueillette des haricots. Elle attend l’approbation de la directive Bolkestein, du nom du commissaire européen qui veut rendre cette pratique légale au nom de la « concurrence libre et non faussée » lorsqu’elle sera constitutionnalisée. Eurokontakt Projekt Serwis affirme placer en Allemagne 800 saisonniers dans l’agriculture à des rémunérations qui varient entre 3,27 euros de l’heure en Saxe et 4,17 euros près de Brême. Pour l’heure, c’est encore interdit en France... mais s’il n’y a plus de contrôles ?

Déjà en 1991, l’Allemagne avait introduit le statut de « travail saisonnier » dans les secteurs agricole, forestier et hôtelier. Le contrat est limité à trois mois. En 2000, 220 000 nouveaux permis ont été délivrés pour les seuls saisonniers agricoles. Théoriquement, depuis 1998, le contingentement est fixé à 180 000, mais le gouvernement a défini une multitude d’exceptions, telles que « le danger de faillite causée par une main-d’œuvre trop coûteuse... ». On estime qu’il y a autant de travailleurs non déclarés que de travailleurs disposant d’un statut légal. Environ 90 % des migrants embauchés par les agriculteurs allemands viennent des pays de l’Est. Ils sont prêts à travailler beaucoup d’heures pour très peu d’argent, vu l’écart très important entre les salaires en Europe de l’Est et de l’Ouest. (...) En deçà de deux mois de contrat, l’employeur bénéficie d’une exemption de cotisations sociales et d’un taux horaire réglementé à environ 5 euros.
Aux Pays-Bas, l’un des premiers pays au monde à avoir intensifié son agriculture, un tiers des travailleurs estimés à 100 000, se trouvent dans la production de fleurs et de légumes sont clandestins : seront-ils légalisés à la mode Bolketein ?
Au Royaume-Uni, ce sont des étudiants en provenance des PECO. En Belgique, depuis 1994, un statut des saisonniers prévoit des cotisations forfaitaires inférieures au droit commun.
En Italie et en Espagne, l’immigration clandestine massive répond aux besoins de main-d’œuvre agricole.
L’étude de Forciolo-Conti décrit : « J’ai vu des travailleurs marocains à cinquante ans, ils sont épuisés, ils ont été cassés par les méthodes de travail » (Source : « L’emploi saisonnier dans le secteur des fruits et légumes », 2001 ; rapport Copercidu ministèrede l’Agriculture, juin 2000). Elle révèle l’existence d’une pénurie de main-d’œuvre saisonnière dont l’origine est attribuée d’abord à la disparition de la population rurale accoutumée à prêter main-forte aux exploitants agricoles (parce que les « citadins » seraient « peu endurants »), et ensuite à la baisse des ouvriers ressortissant des « pays latins ». (extrait de « On achève bien les inspecteurs du travail ») [3]
Bolkestein vise-t-il à régler ce problème ?
Et l’inspection du travail ne pourra plus rien faire. Cela soulagera les exploitants agricoles qui continuent sur le net, de se dire inspirés par l’exemple de l’assassinat des deux inspecteurs du travail à Saussignac en Dordogne ?

Gérard Filoche, inspecteur du travail
pour Démocratie & Socialisme www.democratie-socialisme.org , membre du Bn du Ps, Nouveau parti socialiste, auteur de “Carnets d’un inspecteur du travail” ED. Ramsay.


[1] D&S est la seule revue à traiter ces sujets régulièrement, sans être reprise comme cela le mériterait dans la presse. Nous avons traité de l’opt out et de la remise en cause des 48 h, dés le mois de mars 2004... dans le silence général (voir aussi « Les carnets d’un inspecteur du travail )... »

[2] Lire : Projet de directive Bolkestein : une machine de guerre contre les peuples d’Europe, par Pierre Khalfa
Un « pavillon de complaisance » en Europe : le projet de directive Bolkestein, par Jean-Jacques Chavigné.
Directive Bolkestein : bombe contre les droits sociaux, Pierre Vanek - Mais que fait la CGT ? .

[3] A paraitre chez "Jean-Claude Gawsevitch éditeur"
[Septembre 2004, en Dordogne, deux inspecteurs du travail sont assassinés froidement par un exploitant agricole. L’assassin, ancien militaire, ancien patron d’assurance, chasseur, a tiré en visant bien droit dans l’abdomen de Daniel Buffiére, qui mourra plusieurs heures plus tard, et bien droit dans le dos de la jeune femme, Sylvie Trémouille, qui tentait de s’enfuir et sera tuée sur le coup. Le meurtrier tentera de se tirer une balle dans la mâchoire et se ratera.

C’est la première fois dans l’histoire de France et de l’inspection du travail qu’un tel crime a lieu contre des agents de contrôle désarmés dont la mission est de protéger les faibles, de faire respecter le droit du travail et des salariés, selon les lois de la République. Un quasi-silence va accompagner ce double meurtre traité comme un fait divers par le Gouvernement suivi des médias. Il faudra des jours et des jours de « bataille » pour convaincre l’opinion, qu’il s’agit bien d’un fait de société qui ouvre la porte à une situation tragique durable pour le respect des droits des salariés. Après une lutte opiniâtre à contre-courant, le scandale éclate au grand jour : après 14 jours pour faire comprendre la portée exceptionnelle et gravissime de ce crime pour la République toute entière, les principaux médias finissent enfin par traiter le sujet.

Gérard Filoche est l’un de ces inspecteurs, qui, avec tous ses collègues, a contribué à abattre le mur de silence qui a bien failli étouffer l’affaire.
Pour autant, rien n’est réglé, la puissance publique n’en a pas tiré les conclusions, les droits des salariés sont plus que jamais menacés.
Ce livre pour que « plus jamais ça ».).

http://www.legrandsoir.info/article.php3?id_article=1943

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