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LOVENOX : Vache folle sur ordonnance ?

par Paris

Publie le vendredi 29 juillet 2011 par Paris - Open-Publishing
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Après le scandale du Mediator, va-t-on parler de celui du Lovenox ? Cet anticoagulant fabriqué avec une hormone extraite des intestins de vache, de mouton ou de cochon aurait déjà tué 80 personnes.

Nous retrouvons Jacques Poirier à l’heure du thé, près de Beaubourg. Il pose sur une chaise libre sa mallette pleine de documents. "Maintenant, je sais pourquoi mon labo ne voulait pas que j’aille en Chine. Ils avaient peur que je découvre ce qui se passait vraiment sur le terrain..." Il ouvre la mallette et en sort une poignée de chemises, des vertes, des roses. Puis il commande au serveur un chocolat et nous initie aux secrets bien gardés de l’industrie pharmaceutique.

Ce vétérinaire microbiologiste de 60 ans fut un homme clé de Sanofi-Aventis*, le géant français du médicament. Il s’occupait de la sécurité biologique des médicaments.

"Sanofi-Aventis a toujours refusé que j’aille vérifier le circuit en Chine"

On se souvient du dernier scandale de cette industrie : le Mediator. Comme le docteur Irène Frachon qui, il y a un an, a révélé le danger de ce coupe-faim dans le livre Mediator 150MG : combien de morts ?, Jacques Poirier a voulu lui aussi dénoncer un médicament qui pouvait faire du mal au consommateur. Mais il a eu moins de chance : son employeur l’a licencié. Son alerte qui semble très étayée n’a pas été entendue par les experts de l’autorité sanitaire censés y réagir. Est-ce parce que ces experts payés par le gouvernement le sont aussi par la firme qui fabrique le médicament suspect ?

Ce médicament, c’est le Lovenox (la première autorisation de mise sur le marché date de 1987 et son fabricant était Aventis, anciennement Laboratoire Rhône-Poulenc). Cet anticoagulant se fabrique avec une hormone que l’on trouve dans des intestins de vache, de mouton, ou de cochon : l’héparine. En 1996, quand éclate la crise de la vache folle, interdiction absolue d’extraire l’héparine des intestins de vache. Tout ce qui en sort est peut-être infecté par le prion, cette protéine tueuse née de l’alimentation des bovins par des farines fabriquées à partir de cadavres d’animaux. Mais Sanofi-Aventis doit fournir des héparines à des millions de patients. Le marché génère un chiffre d’affaires d’un peu plus d’un milliard d’euros par an et il n’est pas question de le réduire.

Une solution consiste à acheter l’héparine en poudre à la Chine, qui possède un inépuisable réservoir d’intestins de cochons. Mais Jacques Poirier avertit : les héparines chinoises ne sont pas sûres ! Les fournisseurs chinois achètent les intestins dans des abattoirs qui mélangent vaches et cochons. Poirier demande à aller en Chine pour vérifier le circuit.

"Curieusement, nous dit-il, Sanofi-Aventis a toujours refusé, sans me donner de vraies raisons. J’avais même du mal à obtenir les comptes rendus de nos équipes sur place, qui déjà à l’époque soulignaient les points faibles de nos fournisseurs chinois : pour des raisons d’économie de taxes, de nombreux abattages se faisaient à la dérobée dans des ateliers clandestins. Ce qui rendait tout contrôle impossible."

Poirier fait alors une autre proposition. Un immunochimiste réputé de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), Didier Levieux, a mis au point un test de sûreté : quatre flacons, un réactif chimique appliqué sur un intestin et on sait si c’est de la vache ou du cochon. En 1997, Poirier part visiter avec Levieux l’usine d’héparines de Ploërmel en Bretagne, pour voir si, déjà, le test fonctionne. Thierry Le Baron, directeur du site, les reçoit. "On lui a fait la démo sur de l’intestin de cochon. Le test a fonctionné. Mais dès qu’on lui a parlé de l’imposer en Chine, je ne l’ai plus senti très chaud. Cela devenait compliqué. Le Baron disait que s’il imposait ce test à ses fournisseurs chinois, il risquait de les perdre. Et qu’on n’aurait jamais assez d’intestins de cochons dans toute la France et dans le monde pour fabriquer nos héparines. Pourtant, Le Baron savait comme nous que les lots chinois n’étaient pas sûrs."

"Vous nous poussez à envisager pour vous de nouvelles solutions"

Poirier informe sa direction que Le Baron n’est pas chaud pour le test en Chine. Il ne se passe plus rien jusqu’à ce qu’il rencontre à nouveau Le Baron lors d’un déjeuner trois mois plus tard.

"Le Baron racontait ses voyages en Chine. Il disait avoir vu là-bas des ateliers de fabrication d’héparine brute et des abattoirs qui traitaient sur le même lieu cochons, moutons et vaches potentiellement contaminées. Cela confirmait ce que je pensais : nous courrions un vrai risque avec les héparines chinoises."

Poirier rapporte ces inquiétants propos de son collègue à son supérieur, Jean-Pierre Bravard. Quelques jours plus tard, il reçoit un mail de Bravard : "Je vous signale que l’héparine chinoise fabriquée dans l’usine de Chengdu et ensuite envoyée dans l’usine française de Ploërmel a été validée. Elle est conforme à tous les standards de qualité."

"Oui, répond Poirier, mais nous devons garder à l’esprit que cette héparine est chinoise et que comme tout matériau biologique originaire de Chine, elle demeure suspecte." Puis les deux hommes se croisent et le dialogue est tendu. Bravard avertit son subordonné : "Avec une telle prise de position, vous nous poussez à envisager pour vous de nouvelles solutions..."

Poirier est convoqué dans les heures qui suivent par son n+2 qui en rajoute : "On va voir ce que nous allons décider sur votre cas." "D’un coup, explique Poirier, je me suis senti menacé professionnellement. Quand un conflit surgit entre un salarié et sa direction, je sais qu’on peut se retrouver du jour au lendemain avec la porte de son bureau fermée. J’ai réuni mes dossiers personnels et demandé à un collègue de les garder dans sa voiture, au cas où un jour, je devrais me protéger."

Un test qui laissait passer des traces bovines

Pour bien comprendre la position de Sanofi-Aventis, nous joignons par téléphone Salah Mahyaoui, le monsieur communication de la firme sur la question des héparines. "Pourquoi n’avez-vous pas suivi l’alerte de Poirier et imposé aux fournisseurs chinois le test Levieux ? Vous aviez peur de les perdre ?" "Non, répond Mahyaoui d’une voix douce. Mais si nous avions imposé le test aux Chinois, ils seraient devenus leurs propres contrôleurs. Nous préférons garder la main sur les contrôles et vérifier nous-mêmes la qualité des héparines brutes que les Chinois nous envoient. On pouvait le faire avec un autre test qui marche très bien et qui permet de vérifier si l’héparine chinoise contient ou non des traces d’intestins de vache."

Sauf que ce test, nous affirment des experts, moins sûr que le test Levieux, laissait passer des traces bovines, donc du prion. "Vous savez, explique Mahyaoui, les experts ont leur point de vue. Nous, on a le nôtre. Notre test s’est amélioré avec le temps. On applique depuis 2007 une version plus performante."

La vraie raison pour laquelle Sanofi-Aventis n’a pas voulu écouter Poirier reste sans rapport avec les tests ou le contrôle de l’expertise des héparines. Nous l’avons découvert en récupérant un document de Sanofi-Aventis : un mail interne du 25 juin 1999 où un certain Jacques Pilloy, responsable des approvisionnements de Sanofi-Aventis, explique à un collègue américain qu’il désertera la réunion du 6 juillet 1999 sur le problème de la vache folle parce qu’il se trouve en Chine. Dans ce mail, Pilloy fait passer une recommandation : il demande à Sanofi-Aventis de "ne pas demander des contrôles trop poussés (au-delà d’un certain seuil chiffré sur la qualité des produits chinois - ndlr), sinon la firme pourrait avoir de gros problèmes." Ce courriel est ce qu’on appelle aux Etats-Unis un smocking gun, un pistolet dont on est sûr qu’il a tiré car son canon fume encore.

Résumons : un responsable de Sanofi-Aventis demande de lever le pied sur la sécurité des héparines. Nous en parlons à Salah Mahyaoui au téléphone et son ton change. Son assurance tourne à l’hésitation : "Je ne connais pas cette personne... (Jacques Pilloy - ndlr) Etait-elle décisionnaire ? Je n’en suis pas sûr... - On peut vous confirmer que ce Pilloy était décisionnaire : c’était le responsable des approvisionnements en héparines chinoises. - C’est difficile de se prononcer sur un mail que je n’ai pas vu, même si je vous fais confiance. - Vous pouvez : nous avons ce mail. - Enfin, cela ne change pas ma position : je continue à penser que tout était en place pour répondre à cette question de sûreté de nos héparines."

A force de répéter à sa hiérarchie qu’elle joue avec le danger, Poirier se retrouve seul.

"A l’automne 2000, l’équipe dont je dépends déménage sur le site de Romainville. Moi, on me laisse isolé à Antony. Un matin de janvier, je retrouve mon bureau fermé avec sur la porte un écriteau qui porte un autre nom que le mien. Un de mes supérieurs m’indique que je peux récupérer mes affaires au premier étage du bâtiment administratif. A partir de janvier 2002, je viens au bureau comme d’habitude tous les matins mais on ne me donne rien à faire."

Un an plus tard, Sanofi-Aventis licencie Jacques Poirier. "Il a refusé les postes qu’on lui proposait, nous explique Salah Mahyaoui. Son discours sur la sécurité sanitaire n’a jamais convaincu personne. Il a suscité une polémique une fois sorti de l’entreprise et n’a jamais écrit de rapport en interne." Nous rappelons à Salah Mahyaoui les nombreux mails que Poirier a échangés sur la sécurité des héparines avec sa hiérarchie directe et le haut management. "Je n’en ai pas eu connaissance", répond l’homme en baissant la voix. Tandis que Poirier pointe à l’ANPE, l’immunochimiste Didier Levieux prend le relais de son combat. En le suivant dans son aventure, on a vu en quoi l’affaire des héparines rappelle celle du Mediator. Notre autorité sanitaire et des experts étrangement sourds aux alertes l’ont gérée avec retard.

En 2002, Levieux frappe à la porte de l’Afssaps, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Il obtient de parler au scientifique qui préside le comité prion et expertise la sécurité des héparines, le professeur Marc Eloit, virologue prestigieux. Levieux l’alerte sur la sécurité des héparines que Sanofi-Aventis achète en Chine. Le professeur l’écoute mais le courant passe mal.

Levieux raconte : "Eloit m’a répondu qu’aucun texte n’obligeait Aventis à utiliser une méthode de contrôle de ses matières premières et qu’ils ont de toute façon un pharmacien qui engage sa responsabilité sur la qualité du médicament. Autrement dit, il fallait faire confiance aux déclarations de la firme et ne pas s’interroger sur l’efficacité de ses tests sur les matières premières."

Depuis 2001, le professeur Eloit reçoit reçoît des revenus de Sanofi-Aventis

Un détail de première importance pourrait peut-être aider à comprendre cette relation de confiance entre l’expert de l’Afssaps et Sanofi-Aventis : en dehors de l’Afssaps, le professeur Eloit reçoit des revenus de Sanofi-Aventis depuis 2001. Pour des missions ponctuelles, comme il nous le confirme, à 1000 euros par jour, il doit examiner et corriger les dossiers scientifiques que le fabricant du Lovenox envoie pour validation à l’Afssaps. Voilà qui s’appelle un "conflit d’intérêts élevé" selon la classification même de l’Afssaps et fait peser un lourd soupçon sur l’honnêteté de l’expertise publique en France.

Les liens de l’expert de l’Afssaps avec la firme ne s’arrêtent pas là. Quelques mois après sa rencontre avec Levieux, le 12 octobre 2002, Eloit signe une brochure Sanofi-Aventis destinée à rassurer les pharmacies hospitalières sur la sécurité des héparines. Le 19 mai 2003, le même homme se retrouve sur l’estrade d’un atelier organisé par Sanofi-Aventis sur la sécurité biologique du Lovenox.

Comment ce scientifique justifie-t-il ce double rôle ? Nous le rencontrons dans son bureau de virologue de l’Institut Pasteur. Allure sportive, décontractée, aimable. De Levieux, qui venait l’alerter, il se souvient surtout d’un homme intéressé :

"Monsieur Levieux m’est apparu ce jour-là comme un justicier qui avait une méthode à vendre parmi d’autres existantes. Mais la vraie sécurité, dans l’hypothèse d’une contamination, reposait alors sur l’inactivation du prion au cours de la fabrication. C’est justement ce que faisait Aventis ! Alors qu’il n’y avait pas d’obligation, je le leur recommandais fortement."

Sauf qu’à l’époque (2004), le Journal officiel de l’Union européenne expliquait que les méthodes d’inactivation du prion restaient imparfaites.

Changement de ton

Nous questionnons le professeur sur son double rôle et lui parlons de cette brochure qu’il a signée en 2002 pour rassurer les hôpitaux sur la sûreté des héparines. Sa réponse fuse : "Je n’ai jamais signé ça." Nous la sortons de notre sac. Il la relit avec soin puis finalement assume : "Par rapport aux connaissances de l’époque, je n’ai rien à enlever, même à quelques détails près." Nous reposons la question : payé par le fabricant du Lovenox, pouvait-il se montrer neutre et objectif devant la mise en garde de Levieux sur le Lovenox ? Le professeur, jusque-là chaleureux, prend soudain un ton froid :

"Je ne suis pas intéressé aux résultats du laboratoire. Je suis payé de la même manière quoi que j’écrive. L’Afssaps et la terre entière sont au courant. L’Afssaps ne me demande pas mon avis sur le dossier Lovenox de Sanofi-Aventis qui inclut mon rapport (le rapport Lovenox, que Sanofi-Aventis lui a demandé d’examiner avant qu’il soit soumis à l’Afssaps - ndlr)."

Embarrassé, Eloit signale qu’il existe aussi des conflits d’intérêts chez les journalistes. Difficile de le contredire, mais il ne nous en dira pas plus.

Après lui, nous essayons de contacter l’Afssaps mais ses responsables refusent l’interview. Quant à Levieux, après son entretien raté avec Eloit, il se retrouve le 30 avril 2002 dans le bureau de Jean-Hugues Trouvin, directeur de l’évaluation des médicaments d’origine biologique à l’Afssaps. Celui-ci répond à Levieux que chez Sanofi-Aventis, les contrôles sur les héparines sont sûrs et qu’un pharmacien responsable leur apporte sa caution.

Cinq ans plus tard, un cardiologue, Philippe Lechat, dirige l’Afssaps. Comme les autres, Lechat n’exigera aucun contrôle supplémentaire sur les héparines de Sanofi-Aventis. Attardons-nous une seconde sur cet homme. Lechat, quand il est nommé directeur de l’Afssaps en 2007, est le principal enquêteur d’une étude payée par Sanofi-Aventis. Cette étude porte sur la validation du Lovenox chez des insuffisants rénaux. Cela donne un nouveau lien d’intérêt "élevé", selon la classification de l’Afssaps.

Comment l’expert justifie-t-il qu’il travaillait en privé pour un médicament qu’il était censé évaluer pour la santé publique ?

"La dernière étude que j’ai faite pour Sanofi-Aventis s’est terminée en 2010, explique-t-il, alors qu’effectivement j’étais en poste à l’Afssaps. Mais j’avais pris soin auparavant de ne plus travailler comme l’investigateur principal mais comme conseiller scientifique."

Ainsi va, en France, l’indépendance de la santé publique. Et ce que Poirier et Levieux redoutaient arriva.

Le 28 février 2008, alerte sanitaire mondiale sur les héparines. Environ 80 personnes sont mortes et d’autres ont connu des chocs allergiques, principalement aux Etats-Unis et en Allemagne, à cause de plusieurs lots fabriqués en Chine. Ce n’est pas le prion qui est responsable mais une substance toxique ajoutée frauduleusement en Chine : la chondroïtine hypersulfatée, molécule proche de l’héparine et surtout beaucoup moins chère. Aux Etats-Unis, le laboratoire Baxter remballe fissa toute son héparine. En France, Sanofi-Aventis retire en urgence onze lots de Lovenox du marché. Poirier et Levieux avaient donc raison d’exiger des contrôles plus stricts sur ce qui venait de Chine.

"On est obligés de naviguer entre deux risques"

Le 25 avril 2008, l’Afssaps applique soudain les recommandations des deux hommes. Elle demande à tous les laboratoires de France de mettre en place des contrôles de la qualité des héparines. Mais à la fin du texte de l’Afssaps envoyé aux laboratoires, un drôle de paragraphe attire notre attention. "En cas de pénurie globale (d’intestins - ndlr), il pourra être envisagé de s’écarter de ces exigences (de contrôle - ndlr) dans certaines limites, après concertation avec l’Afssaps." En clair, on pourra accepter des héparines extraites d’intestins de vache.

La même année, un règlement européen précise que l’on peut préparer les héparines "à partir de muqueuses intestinales de boeuf". Pourquoi prendre à nouveau ce risque ? Le professeur Lechat nous répond par mail. "Avec un médicament essentiel comme l’héparine, on ne peut pas se permettre une situation de carence d’approvisionnement. Le nombre de décès serait sans commune mesure. Les porcs bretons ne suffisent pas ! On est donc obligés de naviguer entre deux risques : la contamination par le prion en cas d’utilisation de muqueuses de boeufs, ou une carence d’approvisionnement si on se limite au porc. Le fabricant d’héparine se garde donc la possibilité d’extraire son héparine à partir de muqueuses de boeufs. Mais le risque est réduit car les progrès technologiques ont permis de mieux garantir l’élimination du prion. On n’est plus dans la situation d’avant 2000."

Cette réponse de Lechat fait bondir Didier Levieux. Il considère que ce calcul serait valable s’il n’était pas faussé, justement, par la Chine :

"Ce propos me paraît vraiment inquiétant ! Certes, il y a moins de cas de vache folle déclarés dans le monde mais, contrairement à l’Europe, la Chine qui fournit plus de 50% des héparines mondiales reste complètement opaque sur ses cas de vaches folles ! En octobre 2010, le Sénat et la Cour des comptes américains ont conclu que la Chine n’avait pris aucune mesure supplémentaire de contrôle sanitaire depuis la crise de 2008... Ajoutez à cela que l’on sait aujourd’hui que les outils d’inactivation du prion sont d’interprétation difficile."

Que répond le professeur Lechat ? Il nous renvoie sur l’homme qui s’occupe à l’Afssaps des affaires internationales, Jacques Morénas. Concernant la Chine, celui-ci se montre plus optimiste que les Américains : "Depuis deux ans, la Chine bouge. On observe que les autorités manifestent une véritable volonté politique de rejoindre les standards de l’OMS en matière de sécurité sanitaire. Tout n’avance pas assez vite, probablement, mais il y a un vrai coup d’accélérateur." Donc plus de doute. On fait confiance à la Chine qui bouge et on autorise doucement l’intestin de vache made in China.

A Paris, Jacques Poirier remballe ses chemises de couleur, sa mallette et s’en va vers le RER. Il rejoint le collège de banlieue où il enseigne aujourd’hui les sciences naturelles. Aucune firme pharmaceutique ne lui a jamais reproposé un poste de vétérinaire chargé de la sécurité des produits. Il se sent comme "grillé" dans l’industrie pharmaceutique. Mais il se bat toujours pour empêcher le retour des héparines chinoises à haut risque.

En décembre 2005, il dépose au parquet de Paris une plainte contre son ancien employeur Sanofi-Aventis. Pour licenciement abusif ? Non : pour "mise en danger d’autrui et tromperie sur l’origine et la qualité de la marchandise". Cette plainte sera classée sans suite en mai 2007, sans que le parquet ne motive sa décision. Poirier dépose une nouvelle plainte en 2008 après que les héparines chinoises ont entraîné la mort de 80 personnes. Il accuse de nouveau Sanofi-Aventis d’avoir mis en danger des vies en négligeant des règles de sécurité. Un an après, le parquet classe de nouveau sans suite, toujours sans expliquer sa décision.

Pascale Tournier

*Sanofi-Aventis est issu de la fusion en 2004 de Sanofi-Synthélabo et Aventis. Pour la commodité de la lecture, nous avons conservé au laboratoire son appelation actuelle quelle que soit la période envisagée.

Les Inrocks

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