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Lettre aux membres de la commission culture du Sénat - PPL "gouvernance de l’AFP

par SNJ CGT

Publie le mercredi 14 septembre 2011 par SNJ CGT - Open-Publishing

A Mesdames et Messieurs les membres de la commission de la culture,
de l’éducation et de la communication du Sénat

Paris, le 12 septembre 2011

Monsieur le président,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Les six organisations syndicales représentatives à l’AFP
(CGT - SNJ - CFDT - FO - SUD - CGC) vous adressent
cette demande solennelle de ne pas soumettre à l’examen
la proposition de loi « relative à la gouvernance de
l’Agence France-Presse » présentée par le président de
votre commission, M. Jacques Legendre.
Comme la plupart des représentants syndicaux ont pu le
dire à M. le rapporteur Jean-Pierre Leleux au printemps
dernier, le projet de proposition comportait de très gros
risques pour l’indépendance, la crédibilité et la possibilité
de remplir sa mission d’intérêt général de l’AFP.

Rappelons que les principaux points que le personnel de
l’Agence ne peut en aucun cas accepter, et contre lesquels
nous avions tenu à vous mettre en garde, concernaient :

 la définition d’un périmètre et, pire encore, une tentative
de chiffrer des missions d’intérêt général de l’Agence.
L’AFP est en elle-même une mission d’intérêt général qui
ne peut se décliner en tranches ;

 l’inscription dans le statut du Contrat d’objectifs et de
moyens, ce qui équivaut à une étatisation. Ce qui est
normal pour France Télévisions ne l’est pas pour l’AFP et
peut nous être fatal sur les marchés concurrentiels à
l’international ;

 le choix non défini et aléatoire de six personnalités, dont
le président-directeur général, pour occuper des sièges
dans un nouveau conseil d’administration ;

 l’interdiction qui serait faite à l’AFP par la PPL, dans son
exposé des motifs, de se développer en France sur les
plate-formes numériques, sous la pression des éditeurs
de presse. Cette interdiction est d’autant plus
surprenante que le Pdg de l’Agence, M. Emmanuel Hoog,
a justifié la nécessité d’une réforme par l’impératif de
mettre fin, selon lui, au « conflit d’intérêts » existant
entre la position de clients et celle d’administrateurs des
représentants de la presse au conseil d’administration,
résolument hostiles à la présence de l’AFP sur le web.

Ajoutons que l’absence de toute concertation avec le
personnel de l’Agence et ses représentants a été perçue
comme très choquante par nous tous. Le moment choisi au
niveau national, à la veille d’élections sénatoriales,
présidentielle et législatives, ainsi que la présentation de la
proposition par un seul parti, fût-il majoritaire, ne
paraissaient pas conformes non plus au souci de consensus
politique national qui avait régné en 1957 lors de
l’adoption du statut actuel, surnommé « statut de la liberté
 ».

Ce consensus au sein du personnel et de la
représentation nationale nous parait également
indispensable aujourd’hui pour la crédibilité et
la pérennité de l’agence.

Nous avions été entendus par M. le rapporteur au
printemps et en avions été heureux.

Aujourd’hui, une démarche entreprise, selon toute
vraisemblance, par notre Pdg auprès d’une agence de
communication, qui plus est très engagée politiquement,
pour faire du lobbying en faveur de l’adoption rapide de
votre PPL, a profondément choqué tout le personnel de
l’agence. Cette démarche présumée a été entreprise à notre
insu et a été notamment dirigée contre nous, avec un
objectif avoué de tentative de manipulation. C’était
doublement choquant de la part d’un Pdg censé défendre
l’Agence en cohésion avec les salariés car celui-ci montrait
par là une incompréhension étonnante de la nature même
de son personnel, notamment journalistique,
quotidiennement confronté aux manoeuvres des agences
de communication tentant de faire passer des messages
d’intérêt particulier souvent aux dépens de l’intérêt
général. La mission de l’AFP est précisément d’informer
les citoyens, les abonnés et notamment vous-mêmes en
tentant de déjouer les messages des intérêts particuliers
pour les présenter comme tels.

Cette indignation unanime s’est traduite mardi 6,
mercredi 7 et jeudi 8 septembre par le vote à près de 90%
d’une motion de défiance à l’encontre d’Emmanuel Hoog
et de ses méthodes, lui demandant en particulier de « 
renoncer à promouvoir » la proposition de loi.
Sur 1.380 inscrits, 797 suffrages ont été exprimés, soit
une participation de 57,7%. La motion a recueilli 704 voix
« pour » (88,3%), 45 « contre » (5,6%) et 48 votes blancs
(6%).

Cette motion avait été présentée par l’intersyndicale
toutes catégories et soutenue par le conseil
d’administration de la Société des journalistes (SDJ) ainsi
que par l’Association de défense de l’indépendance de
l’Agence France-Presse (ADIAFP).

La motion indique notamment que « le personnel
demande instamment au Pdg d’en finir avec ses
manoeuvres indignes dirigées contre l’Agence et ses
salariés et de renoncer à promouvoir ce projet de
changement de statut proposé par le sénateur UMP
(Jacques) Legendre, qui comporte de lourdes menaces
pour la survie, l’indépendance et l’image de l’Agence dans
le monde entier ».

Jeudi 8 septembre, lors d’une assemblée générale, les
syndicats ont demandé au Pdg de déclarer d’ici mardi 13
septembre à midi, avant la réunion du conseil
d’administration prévue jeudi 15 septembre que, devant
une opposition résolue à ses projets, il juge qu’il n’est
désormais ni souhaitable ni opportun que la PPL Legendre
soit examinée par le Parlement.

Dans un communiqué interne publié après le vote de la
motion de défiance, prenant acte de « l’émotion » du
personnel, M. Hoog a écrit qu’il « souhaite vivement que le
dialogue s’intensifie » sur le statut mais « qu’il appartient
naturellement au Sénat de décider de la suite qu’il entend
donner à la proposition de loi déposée en mai ».

La réalité est que M. Hoog n’a jamais mis en oeuvre ce
qu’il prétend maintenant appliquer. Nous sommes plus
que lui attachés au dialogue social et au respect de la
souveraineté de la représentation nationale. Mais nous
vous prions de prendre acte de l’impossibilité à laquelle
nous sommes parvenus de discuter de manière sereine et
constructive à partir du texte d’une PPL qui, même
amendé, ne nous semble plus pouvoir recueillir un large
soutien au sein du personnel.

Veuillez agréer, M. le président, M. le rapporteur, Mmes
et MM. les sénateurs, l’expression de notre haute
considération.

Les syndicats CGT, CFDT, FO, SNJ, SUD et CGC de l’AFP