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« L’Italie est dans un bordel énorme et on ne parle que des scandales de Berlusconi » (video)

par Quentin Girard

Publie le jeudi 22 septembre 2011 par Quentin Girard - Open-Publishing

Comme si les scandales sexuels de Berlusconi ne suffisaient pas, l’agence de notation Standard & Poor’s a annoncé lundi soir qu’elle dégradait la note de l’Italie, menaçant un peu plus un pays dans une situation économie et politique déjà critique.

Le duo italien Gustav Hofer et Luca Raggazi vient de tourner le documentaire Italy : Love it or Leave it (1), prix du meilleur film au Milano Film Festival. Ils ont traversé toute l’Italie pour rencontrer les Italiens qui continuent d’y croire et de se battre. Entretien avec Gustav Hofer.

Après avoir tourné ce documentaire, quel bilan faites-vous de la crise et de la situation des jeunes Italiens ?

Nous avons commencé ce film car nous nous sommes posés une question : beaucoup de nos amis étant déjà partis, pourquoi, nous, nous voulons encore rester dans ce pays qui a tant de problèmes avec sa classe politique et dans lequel il est si difficile pour les jeunes de trouver du travail, pour se développer et avoir des résultats ? Et en même temps, on s’est demandé : si tout le monde part, qu’est-ce qu’il reste de ce pays ?

Nous souhaitions nous réconcilier d’une certaine manière avec l’Italie. Avec notre premier film, Suddenly last winter, nous avions parlé du côté homophobe et raciste. Là, nous avons tourné dans tout le pays, des petits villages du Nord à ceux du Sud en passant par les Pouilles. Nous avons rencontré des gens incroyables : motivés, avec une immense force pour résister face à la situation actuelle. Dans chaque endroit, les gens cherchent à améliorer le pays et on voulait essayer de raconter aussi ce côté de l’Italie. Souvent, à l’étranger, on dit que les Italiens sont tous d’accord avec le gouvernement et que personne ne fait rien contre la situation. Je pense au contraire qu’aucun pays en Europe ne résiste aussi fort que les Italiens. Il faut regarder toutes les grandes manifestations de ces dernières années, contre la loi sur l’immigration, pour les femmes, etc.

Que vous ont raconté les personnes que vous avez rencontrées ?

Nous avons rencontré par exemple ce témoin de justice en Sicile. Il a dénoncé des mafiosi et depuis, il subit des attaques régulières. Son village, au lieu de le soutenir, a commencé à le marginaliser, lui et sa famille. Donc à première vue, c’est plutôt une raison de quitter l’Italie mais il explique que, si tu veux arriver à changer les choses, il faut rester et se battre. Parce qu’au moment où tu abandonnes et que tu pars, qui te remplace ? Ceux que tu combattais. Pour nous, c’était vraiment important de faire un film sur des gens qui ont arrêté de se lamenter, de critiquer et qui ont vraiment décidé de faire quelque chose pour que cela change.

On a l’impression à l’étranger qu’on se focalise sur les scandales sexuels de Berlusconi et qu’on oublie tous les autres problèmes de l’Italie.

On est vraiment dans un bordel énorme et on ne parle que des scandales de Berlusconi. Berlusconi appartient déjà au passé, maintenant il faut mettre en avant les ressources incroyables que nous avons et réfléchir : qu’est-ce que devrait être l’Italie dans vingt ans ?

Il y a un moment dans votre film où vous apprenez l’Allemand, comme si vous vouliez aller à Berlin, sorte de ville rêvée. Qu’est-ce qu’il y a à prendre à l’étranger et à importer en Italie ?

Il y a plein de choses à prendre un peu partout. L’essentiel est déjà de donner les ressources à ceux qui le méritent et pas à ceux qui sont les amis des bonnes personnes. Aujourd’hui, nous avons besoin de plus de justice sociale et de méritocratie. Nous sommes devenus un pays médiocre. Quand tu vois qu’à 30 ans les jeunes gagnent 1000 euros par mois et sont obligés de rester avec papa et mamma...

Et vous qui avez 35 ans, vous pensez finalement partir un jour ?

La question pour nous se pose au départ du film. Après ce voyage, nous pensons qu’il est absolument important de rester, de dire non et de continuer à s’opposer aux mauvaises pratiques.

Votre titre, L’Italie, tu l’aimes ou tu la quittes, fait penser à une phrase de Nicolas Sarkozy. La référence était-elle voulue ?

Ce n’est pas fait exprès. Des Français nous ont parlé après de cette phrase et de Sarkozy mais on nous a dit aussi que Le Pen dans les années 80 avait déjà utilisé cette expression. C’est vraiment un thème universel pour notre génération face aux politiques. Au début des années 2000, lors des années Bush, les jeunes Américains ont ressenti la même chose par exemple.

ITALY LOVE IT OR LEAVE IT / trailer.

(1) Le documentaire sera diffusé sur Rai 3 mercredi 21 au soir et sur Arte fin novembre. Il sera également présenté au Festival du Cinéma Italien à Annecy fin septembre.

http://www.liberation.fr/monde/01012361000-l-italie-est-dans-un-bordel-enorme-et-on-ne-parle-que-des-scandales-de-berlusconi