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Italie : la grande journée des cheminots

Publie le jeudi 20 janvier 2005 par Open-Publishing

La grève a été un succès, "au-delà de toute prévision". Pour la première fois, le mouvement a enjambé tous les syndicats. Plein soutien de la part de l’Entente des consommateurs

de FRANCESCO PICCIONI

La première grève spontanée aux chemins de fer depuis l’après-guerre. La première où on ne demandait pas d’argent ou moins d’heures de travail, mais des mesures immédiates pour améliorer la sécurité du personnel et des voyageurs. La première à laquelle presque tous les syndicats se sont déclarés étrangers bien qu’ils ne l’aient pas "délégitimée" dans leurs déclarations officielles.

La première à la quelle on n’oppose pas les "droits de la clientèle", à tel point qu’une des organisations des consommateurs, l’Entente, "se range aux côtés des travailleurs et de leurs revendications". La première que la dite "Commission de garantie" n’a pu interdire, renvoyer ou limiter. La tragédie de Crevalcore, dit Dante De Angelis (parmi les signataires de l’appel à la grève) "a changé l’histoire des chemins de fer italiens".

Et la grève a été un succès. Sur les chiffres des adhésions, naturellement, la "guerre" est plus rude que d’habitude. Trenitalia parlait, dans la matinée, d’un maigre 14% de grévistes, en listant la quantité de trains en mouvement (ceux du "service minimum"). Une note de la Filt-CGIL était encore plus radin, en calculant à peine 10%. Sur le front opposé - les Représentants (élus) de la sécurité au travail et les petits syndicats de base Sult e Cub - on parlait ouvertement de 90% du personnel roulant (ceux qui courent le plus de risques au quotidien), avec des pics de 100% dans certaines régions, et de 50% dans les gares.

Comme toujours, les chiffres de Trenitalia ne tiennent pas compte du fait que "garantir le service minimum", signifie, en quelques cas, sommer (de se présenter au travail, NdT) presque 60% du personnel. Roberto Paganini, du SMA (un syndicat qui pourtant n’était pas parmi les promoteurs de l’agitation) explique le mécanisme : "de facto, le personnel en service pendant les périodes protégées a été sommé. 70% ont envoyé à l’entreprise la lettre où ils communiquaient l’intention d’adhérer à la grève, en recevant l’ordre de se présenter de toute façon au travail. Les 30% qui restent ont seulement préféré de ne pas écrire".

L’ancien leader des agents de conduite, Ezio Gallori, aujourd’hui à la retraite, peut annoncer joyeusement que "c’est allé au-delà de toute prévision, que les trains supprimés ont été plus nombreux que ceux qui avaient été prévus". A lui donner raison - objectivement - il y a les nouvelles "officielles" qui parlent de graves inconvénients en Sicile, ou aussi les mails de quelques banlieusards, du genre : "Sur la ligne Cassino-Rome, ce matin, à l’intérieur de la si vantée fourchette horaire protégée, un seul train en direction de Rome est passé ; mais il est aussi tombé en panne à la hauteur de Ciampino". De toute façon, la gêne à été limitée. Cette fois l’information était au rendez-vous et nombreux ont été ceux qui ont évité de partir.

La compréhension des raisons de cette grève si "différente" a été aussi élevée (voir interview ci-dessous). Comme cela n’arrivait plus depuis longtemps, nombreuses ont été les déclarations de soutien de personnages fameux comme Franca Rame, Dario Fo, Beppe Grillo. Aussi le sociologue Enrico Finzi, connu pour son étude sur le rôle des cheminots aux origines du mouvement syndical, a vu que "les gens sont de leur côté". Et il a parlé d’une "grave erreur" faite en ce cas par les syndicats : "Le syndicalisme est plein d’égoïsmes corporatifs, mais ceci est une bataille civile d’autodéfense, mais aussi de défense de la population. Dommage, ils auraient gagné du consensus, parce que ces choses peuvent servir à redonner du consensus à un syndicat qui s’est beaucoup affaibli".

Et le rapport entre les travailleurs, les syndicats et l’entreprise est marqué par cette journée. Cgil, Cisl, Uil, Sma, Orsa ont convoqué une assemblée de "délégués et cadres", à Rome, le 27 janvier. C’est là que devraient se décider des initiatives (une grève de 8 heures, au demeurant). Auparavant, vendredi 21, il y aura une assemblée de la coordination des délégués Rls (Représentant sécurité travail, NdT), les protagonistes de la journée d’hier, encore à Bologne, dans la salle de la gare dédiée à Silver Sirotti, le cheminot tué dans le massacre du train Italicus, en 1974. C’est là que se fera une évaluation de cette journée, qui valide certainement la prétention des cheminots d’ "être partie active dans les moments de confrontation (les commissions de la Chambre des Députés et du Sénat, les rencontres avec l’entreprises etc.) sur les questions de la sécurité". Le monde politique s’est tu d’une façon presque surréelle, dans les deux "pôles". Les seules déclarations - de soutien, naturellement - sont venues de représentants de la gauche radicale. Et pourtant, les raisons de cette protestation sont claires, elles réclament des mesures immédiates, c’est-à-dire "des capacités de gouvernement".

Traduit de l’italien par Karl & Rosa de Bellaciao

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