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Primaire socialiste : une fuite en avant qui fragilise la gauche

par Philippe Marlière

Publie le lundi 3 octobre 2011 par Philippe Marlière - Open-Publishing
19 commentaires

Primaire socialiste, morne plaine. Les militants socialistes semblent déboussolés par la campagne 2011. Faut-il s’en étonner ? Non, tout dans la procédure de la primaire devait produire un tel résultat. Faut-il s’en inquiéter ? Oui, cette primaire est faussement démocratique, fragilise le Parti socialiste et, par ricochet, l’ensemble de la gauche. Elle pourrait même hypothéquer la victoire de la gauche à l’élection présidentielle. Imposée dans des conditions rocambolesques, la primaire représente le colmatage institutionnel d’une crise politique.

Le 1er octobre 2009, les adhérents socialistes ont entériné le principe de la primaire « ouverte » ; une procédure qui paradoxalement leur a retiré le pouvoir exclusif de choisir leur candidat. On doit à Terra Nova, un thinktank proche de Dominique Strauss-Kahn, et de publications proches du PS (Libération, Le Nouvel Observateur) d’avoir dicté les termes du scrutin à des dirigeants socialistes hostiles. S’inspirant des expériences de la gauche italienne (2005) et de la campagne Obama (2008), les promoteurs de la primaire ont estimé qu’elle formerait le socle de la reconquête du pouvoir par la gauche. Présentée comme le nec plus ultra de la démocratie participative (« tous les électeurs de gauche peuvent voter »), la primaire socialiste est censée trancher la lancinante question de leadership. Ses artisans ont assuré qu’elle susciterait une dynamique politique, mobilisant partis et électeurs, jusque la victoire. Le précédent italien n’a guère refroidi les ardeurs réformatrices. E pur si muove ! En 2005, la primaire de la gauche italienne a investi Romano Prodi, le plus droitier des candidats. Au pouvoir, le gouvernement Prodi a mené une politique qui a tourné le dos aux attentes populaires. La coalition de gauche a implosé et Silvio Berlusconi a aisément remporté l’élection suivante. Depuis, la gauche italienne est sans leader reconnu, fragmentée et impuissante.

La primaire a encore accentué le phénomène de personnalisation de la vie politique, clé de voûte des institutions de la 5e république. Arnaud Montebourg, candidat à l’investiture et rare partisan au PS d’une 6e république parlementariste, a été l’infatigable architecte de la primaire en interne. Pourtant, être en faveur d’une 6e république et défendre la primaire sont deux positions totalement contradictoires. M. Montebourg promeut un mode de désignation qui exacerbe une compétition entre candidats auto-proclamés. Dans ce cadre, les militants sont devenus dispensables, voire un rappel gênant de « l’archaïsme partisan ». Les candidats l’ont bien compris, s’affranchissant du projet socialiste et « partant à la rencontre des Français » selon un schéma de deuxième tour d’élection présidentielle.

La primaire a définitivement sonné le glas des courants au sein du PS. En personnalisant à outrance la vie du parti, elle a rendu caduque les oppositions idéologiques intra-partisanes. Le monde socialiste est accaparé par les enjeux électoraux, et le soutien des caciques du parti aux candidats n’est plus dicté par des considérations politiques, mais par des stratégies de carrière. Il suffit pour s’en convaincre d’observer le jeu de chaises musicales entre la primaire de 2006 et celle de 2011. Les rares courants encore « politisés » viennent de sombrer. Le parti d’Epinay, parti de militants, est mort et enterré, sans protocole funéraire.

Les médias dominants mettent en scène le « Western socialiste » : petites phrases assassines et propositions « orthodoxes » (sur la dette publique, les retraites) sont reprises en boucle et montées en épingle. S’appuyant sur des instituts de sondages qu’ils rémunèrent, ces médias plébiscitent les candidats les plus à droite et le font savoir : hier DSK, aujourd’hui Hollande. Le premier débat entre candidats n’a-t-il pas connu un large succès d’audience ? En dramatisant le feuilleton de la primaire, France 2 a certes donné « envie » aux téléspectateurs de « consommer » un épisode de politique-spectacle. TF1 est parvenue au même résultat lors de la « confession » de DSK. Les six candidats ont sagement joué le jeu, se différenciant dans le style, se contredisant sur des questions secondaires (consommation de cannabis), et s’accordant sur l’essentiel (pas de rupture avec les politiques néolibérales responsables de l’appauvrissement des Français). Ils ont donné un énième gage de bonne conduite aux tenants du néolibéralisme : retraite à 67 ans d’ici 2029 (Martine Aubry) ; réduction du déficit public à 3% du PIB en 2013 et à 0% d’ici 2017 (François Hollande) ou assurance que la « démondialisation » n’implique pas une « rupture » avec le néolibéralisme (Arnaud Montebourg).

La primaire « ouverte » est le colmatage institutionnel de la crise politique et idéologique qui mine le PS depuis vingt ans. C’est une fuite en avant qui permet à l’oligarchie socialiste d’occulter les questions gênantes : pourquoi tant d’élections perdues depuis 1988 ? Pourquoi les ouvriers et les employés (53% de la population active) ne sont-ils pas plus nombreux à voter pour le PS ? Pourquoi les propositions socialistes ne sont-elles pas dominantes après quatre années de sarkozysme et avec le discrédit du néolibéralisme ? La réponse ne viendra pas de candidats socialistes, prisonniers de la bulle sondagière. Moins circonspect, Terra Nova a mis les pieds dans le plat. Le thinktank a publié un rapport recommandant au PS de renoncer au vote des ouvriers, tentés par le « repli xénophobe et le vote FN », pour se consacrer aux catégories moyennes, aisées et éduquées. La primaire, aux règles absconses et aux enjeux sybillins, s’adresse d’ailleurs à ces catégories et exclut de son champ les classes populaires.

Le virus de la primaire est contagieux. Il a gagné la Fête de l’Humanité lors de la guignolesque rencontre de Jean-Luc Mélenchon avec trois des prétendants socialistes. Dans un barnum médiatique, le candidat du Front de Gauche, a décerné un brevet de « retour à gauche » à Ségolène Royal, au terme d’une discussion de quelques minutes. Ces entrevues « politiques » ont été saluées par un cadre du Parti de Gauche : « Voir les socialistes venir toucher la main de Jean-Luc en son palais, venir chercher un adoubement médiatique, c’est un plaisir qu’on ne va pas bouder ».

Les électeurs de gauche qui penseraient favoriser l’élection du « moins mauvais » des candidats, n’y pourront rien. Attirés par un mirage démocratique, ils légitimeront un « beauty contest » taillé sur mesure pour les profils les plus droitiers. Ce faisant, ils acclimateront l’ensemble de la gauche aux pratiques plébiscitaires. Femmes et hommes de gauche, que diable iriez-vous faire dans cette galère ?

Philippe Marlière, Professeur de science politique à University College London

http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-marliere/300911/primaire-socialiste-une-fuite-en-avant-qui-fragilise-la-gauche

Messages

  • Z’ont qu’à voter Mélenchon les militants socialistes si ils sont déçus !

  • ... après ta lecture je suis convaincu de l’inutilité de la Primaire socialiste et tu nous montres avec perspicacité les "dangers" où elle conduit (l’exemple italien parle de lui-même) et les risques de voir s’effacer définitivement toutes chances de voir s’opérer un véritable "virage à gauche"...
    Et pire sont les électeurs qui ne sont même plus des militants à 20 balles mais se verront rétrogradés à la Primaire à des candidats à 1€ et 1€ seleument ! C’est pas cher et ça fait rêver gros !

  • E pur si muove ! En 2005, la primaire de la gauche italienne a investi Romano Prodi, le plus droitier des candidats. Au pouvoir, le gouvernement Prodi a mené une politique qui a tourné le dos aux attentes populaires. La coalition de gauche a implosé et Silvio Berlusconi a aisément remporté l’élection suivante. Depuis, la gauche italienne est sans leader reconnu, fragmentée et impuissante.

    Certes, certes. MAIS si la gauche italienne est impuissante c’est surtout parce qu’elle refoule la lutte des classes et politiquement, le communisme ! Et que ce qui reste de parti communiste est en pleine (énième) reconstruction...

  •  :))
    Délirant..

    Bella Ciao me permet de rigoler !

    MERCI

    Putain, ou on en est !

    je préférais le temps ou je me farcissais les" anticommunistes"primaires""

    Que personne ne se vexe ,.chers Amis "posteurs" de potins roses..
    ...mais..oyez oyez :

    ." Votre Gôôche" plurielle et très singulière
    ............, , si vous saviez commeNOUS sommes des Millions à nous en "battre"à nous en "tamponner la
    coquille" de..ses cuisines internes , "fermées "ou" ouvertes",comme on s’en FOUT de cette Gôôche, si peu UTILE à NOS VIES,..cette équipe Bis du CAPITAL !! :

    Laissons svp les vertus ou les vices de ce merdier aux débats pour polito-Loques, éditorialistes merdeux,et somnifère pour les insomniaques qui préfèrenr" C dans l’air" vers 23 h sur le cable ou l’ADSL..qu’un film piraté..!

    , Si vous saviez ce que nous nous torchons le derche(on excusera)des sondages pour savoir si François vaincra Martine et si Monte-Bourre , le "gauchiste" de service , se ralliera à Machin ou àTrucmuche..histoire d’éviter que Baylet(hi hi hi. ;)et Valls ne fassent "dériver" trop "à droite" le Parti programmé par Mme Parisot pour prendre la place des truands sarkosyens !

    Par contre,là ou je suis inquiet..
    ..........c’est que je pense que la blessure de Benzema fragilise le 11 de France contre l’Albanie..

    A.C

    Anti-socialiste "secondaire"..et même selon certains "supérieur" !

     :))

    • Certains disent de voter melanchon d’autres sont partisants de Poutou........................les choses sont pourtant claires.................il n’y a plus que l’extreme gauche en france qui a le droit de se réclamer du socialisme.................Méluche et ses alliés sociaux-démocrates marchands de couilles........veulent nous refaire le coup d’une gauche plurielle reloukée..............pas de solutions possibles sinon Arthaud ou Poutou...............!

  • Il y avait des blagues à 2 balles et avec le PS elles sont passées à 1 €uro.

    C’est la preuve qu’avec les socs les prix peuvent baisser !!!
    Quand il s’agit d’acheter une place qui elle ne sera pas 1 €.

    Ca veut dire que pour 1€ tout le monde peut choisir son candidat PS même les capitalos, dans la cas ou ça tournerait mal pour eux ils vaut mieux avoir un pot à manipuler,, bien qu’aucun des 6 candidats ne soient à gauche.

    Ensuite impliquer le peuple de cette manière permet de mieux le tromper.

    Au PCF ils ont fait mieux, et là, c’est une parti des adhérents qui ont élu un candidat anti communiste.

    Tout cela reflète bien le peu d’intêret qu’on ces politicards verreux pour le peuple.

    Ca ne sent que la lutte des places.

    Alors stop à cette politique fiction, stop au droit de survie ou de mort d’une poignée de nantie et leur valets sur tout un peuple .

    Essayons juste de faire comprendre cela à tous et ensuite, ils prendront des décisions en connaissance de cause et non bercée par le ptêt à penser que nouis inflige tous les jours le capital au travers de médias à sa botte.

    MCoco Le Rebelle Médocain

  • Article pertinent, la primaire PS va accoucher, dans le meilleur des cas, d’un Prodi à la française, c’est à dire d’une ardoise que le PS devra payer seul, les autres forces de gauche, contrairement à l’Italie, ayant pris soin de garder leurs distances. Seul un puissant mouvement populaire (Mai ...) peut, si ce "Prodi" gagnait, espérer rectifier la trajectoire vers une super autérité de "gôche" !

  • Bonjour,

    Le lundi 26 septembre, j’ai posté sur le site de campagne, "La nouvelle France", d’Arnaud Montebourg le message suivant, assorti de deux questions et d’autant de textes de mon cru, pour l’information du candidat à la primaire. Neuf jours après, je n’ai obtenu ni d’accusé de réception, ni a fortiori de réponse. Pour quelqu’un qui plaide en faveur d’un mode de gouvernance plus transparent et proche des citoyen(-ne)s, il ne semble pas pressé de mettre ses louables intentions en pratique, à un moment crucial de sa carrière politique.

    "A l’attention de monsieur Arnaud Montebourg

    Monsieur,

    J’ai plusieurs ami(-e)s qui se déclarent tenté(-e)s de vous accorder leurs suffrages, le 9 octobre, et, partageant l’une ou l’autre de vos idées (l’instauration de la VIème République, des aspects non négligeables de votre projet de "démondialisation", la lutte contre la corruption, position qui avait déjà attiré il y a quelques années mon attention sur vous...), je me permets d’aborder, dans l’immédiat, deux questions essentielles.
     Comment appréhendez-vous les orientations énergétiques de notre pays et, en particulier, la si épineuse thématique du nucléaire ? Au demeurant, je Au demeurant, je trouve franchement éhonté que François Hollande ait dressé un parallèle entre le passage, d’ici 2025 de 75 à 50%, de la proportion d’électricité issue de la fission, qu’il prône, et la réduction de celle-ci, dans la même période, de 22 à 0%, outre-Rhin. Le président du Conseil général de Corrèze est-il à ce point nul en mathématiques ? À moins qu’il ne nous prenne pour des ignares ou des imbéciles !... Je vous annexe ci-dessous un texte de mon cru sur le sujet, diffusé très largement sur le web. vous annexe ci-dessous un texte de mon cru sur le sujet, diffusé très largement sur le web.
     Sur de nombreux points, vous vous situez en très nette opposition avec vos cinq "adversaires" (et néanmoins "camarades" ?). Vous avez affirmé, hier soir, en substance, sur BFM TV, que vous vous considérez comme l’unique candidat susceptible de "rassembler à gauche" et de battre Nicolas Sarkozy avec un argumentaire bien plus hardi, novateur, "moderne", que les mesures (pas très différentes au fond, notamment en matière macro-économique, de celles que nous impose le pouvoir en place) concoctées par les "ténors" de la rue de Solférino. Pourtant, vous avez ajouté que si vous deviez vous incliner, vous soutiendriez activement celle ou celui qui aura recueilli, au plus tard le 16 octobre, la majorité des voix. Alors que le programme de votre parti, tel qu’il se dessine sous l’impulsion de Martine Aubry et de son prédécesseur au secrétariat national, n’intégrera vraisemblablement aucune de vos audacieuses propositions, trouvez-vous agréable "d’avaler des couleuvres" et ne craignez-vous pas que votre crédibilité soit écornée, car vous renonceriez à ce en quoi vous avez foi et qui assoit votre originalité ? Formulé différemment : n’existe-t-il pas des moments cruciaux où le courage politique, imposant une rupture ("déchirante" ?), doive primer sur la loyauté, surtout lorsque ce dernier impératif génère insatisfactions, voire frustrations ?...
    Je suivrai, mercredi à partir de 18 heures sur i-Télé, le second débat.
    Je vous joins également, pour information et à toutes fins utiles, ma recension d’un ouvrage collectif intitulé "Un troussage de domestique", auquel votre compagne a contribué.
    Quasiment certain que vous me répondrez sans user des artifices de la "langue de bois", je vous souhaite une excellente lecture de ma prose et vous prie d’agréer, Monsieur, l’assurance de mes salutations les plus conviviales,

    René HAMM
    Bischoffsheim (Bas-Rhin)".