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Fascisme Brun, Fascisme Rouge

par Otto RUHLE

Publie le lundi 7 novembre 2011 par Otto RUHLE - Open-Publishing
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Nb : Un texte d’une brûlante actualité....

Stalinisme et fascisme : critique socialiste du bolchévisme

1939

— -

Otto Rühle (23 octobre 1874 – 24 juin 1943), écrivain et militant communiste de conseils.

Militant du parti marxiste allemand, le SPD, il en est élu député en 1912 (circonscription de Pirna, en Saxe).

En août 1914, il fait partie de la minorité qui s’oppose au revirement de la direction du SPD, qui approuve la guerre mondiale malgré toutes ses résolutions antérieures. Il rompt avec la discipline interne du parti social-démocrate en rejoignant Karl Liebknecht dans son vote au parlement contre les crédits de guerre le 20 mars 1915 (Liebknecht avait déjà voté contre mais seul, en décembre 1914).

Il fut avec Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg un des co-fondateurs du journal Die Internationale, dont le numéro unique paraît en avril 1915 et est immédiatement interdit par la censure impériale. Mais ces militants de la gauche du SPD, qui se réclament de l’internationalisme prolétarien intransigeant contre la première guerre mondiale, persistent en éditant les Lettres de Spartakus, puis en fondant la Ligue spartakiste dont Otto Rühle est membre dès le début.

L’ensemble des opposants à la guerre, plus ou moins radicaux, sont exclus du SPD et fondent en avril 1917 l’USPD (SPD indépendant). Les spartakistes en sont membres mais minoritaires, et développent leur propre politique (tracts, lettres, etc – le tout étant clandestin en raison de la censure).

En novembre 1918 éclate la révolution allemande, auxquels prennent largement part les spartakistes. Otto Rühle n’en est pas un des militants les plus influents, qui sont Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Leo Jogiches et Paul Levi. Fin décembre 1918 la ligue spartakiste se joint à d’autres groupes plus réduits pour créer le Parti communiste d’Allemagne (KPD). Rühle est délégué au congrès, et il fait partie de la majorité qui est favorable au boycott des élections à l’Assemblée constituante.

Après la répression de la révolution et l’assassinat par le pouvoir SPD des principaux dirigeants du KPD (Rosa Luxemburg, Karl Liebknecht, Leo Jogiches) au premier trimestre 1919, le KPD procède en octobre 1919 à l’exclusion de l’aile gauche anti-parlementaire. Otto Rühle fait partie des exclus, et participe à la création du KAPD (Parti communiste ouvrier d’Allemagne) début 1920.

Le KAPD se divise et Otto Rühle participe à la création de l’AAUE (ou AAUD-E) en 1921 (Unions qui se veulent à la fois parti et syndicat). Rühle considère désormais que « la révolution n’est pas une affaire de partis ». Il devient une des figures du communisme de conseils.

Contraint à l’exil en 1933 en raison de l’arrivée au pouvoir des nazis, il meurt en exil au Mexique en 1943.


SYNOPSIS

Ce qui caractérise la situation mondiale actuelle, ce sont d’abord des facteurs européens, à la tête desquels se placent l’Allemagne et la Russie. Ces facteurs, incarnés par le nazisme en Allemagne et par le bolchévisme en Russie, sont le résultat d’une évolution qui est celle de l’après-guerre européenne, en économie et en politique. Cette après-guerre est économiquement enracinée dans le monopolisme ultra-impérialiste, qui tend au système du capitalisme d’Etat. Politiquement, elle ouvre la voie à une forme d’Etat totalitaire, qui culmine dans la dictature.

La compréhension profonde et réelle du bolchévisme aussi bien que du fascisme ne peut être obtenue que par l’examen critique et analytique de ces phénomènes et de leurs rapports. Tous les autres faits sont marginaux, secondaires ou découlent de ces causes premières ; placés au centre de l’analyse scientifique, ils ne peuvent que dévier l’examen et donner une image fausse de la situation.

Ce livre a la prétention d’être le premier essai d’analyse scientifique, qui, partant de l’évolution économique et politique d’après-guerre en Allemagne et en Russie, donne la clé qui ouvre la compréhension de tous les problèmes de premier plan qui dominent aujourd’hui la scène politique mondiale.

Brièvement brossées et placées dans la clarté d’une argumentation historique et dialectique apparaissent, dans l’ordre, les preuves édifiantes :

1. de l’effondrement inévitable et nécessaire de l’ancien mouvement ouvrier, dont le représentant typique était la social-démocratie ;

2. de à conception ahistorique et de l’échec des techniques d’organisation de l’expérience socialiste en Russie, dont le bolchévisme était l’agent ;

3. de la logique interne de la nouvelle orientation de la Russie vers le capitalisme d’Etat et la dictature bureaucratique qui fut la tâche historique du stalinisme ;

4. de l’existence d’une nouvelle révolution industrielle en Europe dont les conséquences politiques et sociales ne peuvent plus être maîtrisées au niveau traditionnel du libéralisme et de la démocratie ;

5. du développement de l’impérialisme en un ultramonopolisme et du succès de ses prétentions au pouvoir totalitaire par la montée du fascisme, dont la fraction la plus active et la plus caractéristique est le nazisme ;

6. de la concordance interne des tendances vers le capitalisme d’Etat en Allemagne et en Russie, de leur identité structurelle, organisationnelle, tactique et dynamique, dont le résultat fut le pacte politique et l’unité d’action militaire ;

7. qu’une deuxième guerre mondiale est inévitable en tant que conflit entre les puissances ultramonopolistes du capitalisme d’Etat d’une part, et les puissances libérales-démocratiques de l’autre ; l’Europe, dont la division nationale, les conditions du droit à la propriété individuelle et les rapports d’administration démocratique doivent se trouver sacrifiés à la primauté des exigences politiques du pouvoir totalitaire et omnipotent d’un monopolisme global en gestation, à défaut d’un nouveau système socialiste, se retrouve l’enjeu de ce conflit ;

8. de l’impossibilité de résoudre vraiment et complètement ces problèmes dans un système capitaliste, même si celui-ci se change en capitalisme d’Etat, libéré des liens de la propriété privée, développé en économie planifiée et favorisé par les rapports internationaux d’une large fédération d’Etats.

NOUVELLE ERE ECONOMIQUE

La fin de la guerre mondiale de 14-18 ne voyait apparemment que des vainqueurs et des vaincus. En réalité il n’y avait que des vaincus. Les vainqueurs eux-mêmes étaient vaincus. Non sans doute par les armes, mais par la loi de l’évolution historique. La guerre elle-même n’était que le moment décisif de cette évolution. Elle était responsable de la défaite de tous, de la catastrophe générale.

C’est ce qui fit qu’après la guerre, la Russie et l’Allemagne – où une révolution avait bouleversé la vieille ordonnance des choses – ne furent pas les seuls pays à offrir un visage différent. Des changements profonds, des ruptures importantes avaient également affecté les structures économiques, sociales, politiques et idéologiques de la France, de l’Angleterre, de l’Italie et des Etats-Unis. A cette différence près que le fait était notoire chez les vaincus, alors que les gouvernements et les masses des Etats victorieux ne le savaient pas encore.

Les Etats étaient entrés en guerre sous le signe de l’impérialisme et tout d’abord l’Allemagne dont le capitalisme, mû du brûlant désir de rattraper le temps perdu, avait rapidement atteint les limites de son cadre national, devenu trop étroit. Aussi employa-t-il toute sa force d’expansion à faire sauter le verrou de son développement ultérieur et à repousser les limites de son espace économique. Sa volonté provocatrice de conquête exigeait une nouvelle répartition du monde et c’est lui qui mit le feu aux poudres de la guerre.

Mais les autres Etats capitalistes n’étaient ni pacifiques, ni innocents. Tous s’étaient armés, tous avaient développé leur militarisme, préparé une éventuelle attaque et compté sérieusement avec un conflit mondial inévitable. Car tous étaient dominés par le capitalisme et s’étaient engagés sur la voie de l’impérialisme vers le conflit militaire, considéré comme solution définitive. Selon les exigences de leur système, les portes de l’avenir ne s’ouvraient que par la force des armes.

L’heure décisive était enfin arrivée. La guerre avait éclaté. La puissance la plus forte – celle des armées les plus importantes, des techniques militaires les plus développées et du nerf de la guerre – avait vaincu. Mais uniquement sur le plan militaire : uniquement selon les règles du jeu de la guerre.

Simultanément, le système bourgeois de tous les pays du monde capitaliste, que ceux-ci aient ou non participé à la guerre, se trouva acculé aux limites de sa validité pendant un conflit, qui était pourtant son ultime recours. La puissance de ce système se trouva brisée de l’intérieur. Sa toi, son ordre, son autorité et sa force touchaient à leur terme. L’histoire lui avait donné le coup de grâce.

Le système capitaliste n’est pas un système unique, semblable à lui-même à tous les stades de son développement, ce n’est pas un système donné une fois pour toutes.

On peut clairement identifier différentes phases définies par des caractères structuraux variables, des fonctions, des formes d’expression différentes, des effets et des causes changeantes. L’unanimité, la norme et la durée, n’existent que dans les grands traits de ses objectifs, dans le principe de sa nature, le rythme de ses fonctions et le dénominateur commun de ses effets.

Le système économique capitaliste – comme tout système d’économie –doit fournir à la société les biens dont elle a besoin pour se maintenir ci se développer. Il a donc un but social. Sa nature est telle qu’il ne parvient à ce but que par le biais de l’enrichissement privé. L’objectif social principal est lié à des objectifs individuels secondaires qui deviennent des objectifs premiers pour les agents économiques particuliers. Car l’agent économique, représenté par le chef d’entreprise, se tient sur le terrain de la propriété privée dont la finalité est la poursuite d’intérêts privés. A ses yeux, l’enrichissement privé est le sens même de son activité économique. L’économie, dont il est le bénéficiaire, n’est pour lui qu’appropriations, bonnes affaires, chance de gains et profits. Le moyen de remplir son rôle social, aussi bien que d’atteindre son but comme acquéreur individuel, le chef d’entreprise capitaliste le trouve dans le travail salarié. Il emploie des ouvriers qui n’ont pas de moyens de production propres et ne peuvent vivre que de la vente de leur force de travail, et il les exploite. Pour parvenir à cette exploitation, il les oblige à accomplir un travail dont la valeur dépasse le salaire qu’il leur paie. Le revenu supplémentaire, ou plus-value, entre dans sa poche comme profit.

Tandis que les lois abstraites et la dynamique de ce procédé d’exploitation restent les mêmes dans toutes les phases du développement capitaliste, les formes et les résultats varient selon les techniques de travail, les méthodes de production, les modes de distribution, les procès de circulation et le degré d’évolution du système global.

L’approvisionnement de la société en vivres est assuré par des marchandises qui s’acquièrent sur le marché contre de l’argent. Mais la possibilité de se procurer ces marchandises, l’approvisionnement du marché, le besoin des consommateurs, le pouvoir d’achat de l’argent, la solvabilité des acheteurs, l’accumulation du profit en vue de nouveaux investissements productifs, la reproduction du procès de production, en définitive l’ensemble des traits de l’économie capitaliste sont soumis à des variations incessantes. Car elles ont pour causes des principes et des lois qui –indépendamment de la volonté humaine – sont pour leur part soumis à un changement perpétuel.

L’économie capitaliste offre ainsi une certaine image à l’époque de l’artisanat petit-bourgeois et du marché urbain, une autre à l’époque des manufactures, des fabriques et du marché national, une autre encore à celle de la grande industrie, de l’économie de cartel, du capital financier, de l’exportation et du marché à l’échelle mondiale. Nombreuses sont les phases successives, et bien que toutes suivent le principe capitaliste, leur suite présente un tableau fait de variations multiples.

Quand la guerre mondiale éclata, le développement du capitalisme était arrivé au stade où les trusts nationaux luttaient contre d’autres trusts nationaux, où la concurrence des différents groupes financiers butait contre les frontières, où la domination du marché mondial semblait promise à celui qui dominerait le monde par les armes. La poussée vers le profit à l’échelle mondiale donna le mot d’ordre de la guerre mondiale.

Mais à la fin de la guerre, il fallut se rendre à l’évidence : dans chaque pays, l’économie nationale était bouleversée de fond en comble, la balance entre le travail et la consommation était paralysée au point d’être incapable de fonctionner, que le pouvoir d’achat des masses s’était réduit à une peau de chagrin, que la perte du marché mondial avait causé la banqueroute des industries d’exportation des pays vaincus et que toute l’économie de marché était à l’agonie. La circulation de l’argent et des biens subissait des interruptions dévastatrices. Des inflations rongeaient les derniers avoirs. Les banques fermaient, les caisses étaient vides et la Bourse se mourait.

La production ne rentrait plus dans ses frais. La plus-value manquait et le capital perdait toute valeur comme source de profit pour les possédants. L’approvisionnement de la majorité cessa avec l’arrêt de l’enrichissement de la minorité. A ceci s’ajoutaient les charges énormes imposées aux peuples pour la reconstruction des régions dévastées, les tributs et le remboursement des dettes de guerre, la guérison des blessures et des dommages qu’avait causé la guerre aux personnes et aux biens. Un mur croissant de difficultés empêchait toute tentative de régénération. Tout n’était que décomposition et délabrement.

L’économie ? Incapable de remplir sa fonction sociale et de procurer des biens matériels et vitaux. Le capital ? Sans profit et donc sans stimulants et sans impulsion pour fonctionner. Les masses ? Sans travail et sans salaire et donc sans possibilité de prolonger leur existence. L’humanité ? Incapable de poursuivre son évolution historique...

Le déclin de l’Occident semblait arrivé. Le livre d’Oswald Spengler[1] connut un immense succès.. Le chaos enfanta la révolution...

LE TOURNANT HISTORIQUE

La guerre mondiale avait été dure. La défaite générale qui l’avait suivie fut plus dure encore, mais le pire de tout fut l’aveuglement complet de ses participants, leur incapacité à reconnaître la défaite.

C’est pour cela que personne ne prit conscience du contenu historique de la situation ni du côté des vaincus, ni de celui des vainqueurs.

Quoi d’étonnant à ce que les gouvernements, chargés du destin de leurs peuples, aient fait des erreurs si graves et si fatales ? Les gouvernements des Etats victorieux se rengorgèrent, dans l’inanité de leur triomphe, d’un succès final chèrement payé. Ils se glorifièrent dans le monde, ruminèrent une vengeance à l’endroit de leurs ennemis abattus et leur dictèrent des traités de paix impitoyables, lourds de sacrifices ou ignominieux. L’individualisme, reconverti en chose nationale et dégénéré en chauvinisme, vécut là son heure la plus étourdissante.

Si les vainqueurs avaient compris que la guerre avait été pour eux aussi un changement de phase, un retournement radical de leurs conditions d’existence, ils auraient sans doute adopté une autre attitude. Il n’y aurait eu ni réparations, ni chantages matériels, pas un met de « crime et de châtiment »

Mais ils étaient ivres de l’arrogance des vainqueurs, la fureur les avait rendus aveugles et la haine sourds. Non seulement parce qu’eux-mêmes étaient aussi des capitalistes, dont les mauvais instincts se sont trouvés excités par la guerre, forme ultime et sauvage de la concurrence économique, mais surtout parce que les vaincus, maintenant livrés à leur vengeance, n’avaient pas cessé une minute d’être les vieux loups de l’égoïsme et des hyènes assoiffées de butins. Ils s’imaginaient trop bien, d’après leurs récentes et sanglantes expériences, que les vaincus auraient exercé à leur place des méthodes encore plus cruelles et plus rusées pour les soumettre et exiger des réparations.

Sans doute y eut-il des tentatives pour prôner l’humanité et présenter les traités de paix avec bon sens et intelligence. « Union avec les pays et les peuples vaincus pour édifier d’un libre accord une communauté plus grande et plus enrichissante ! Fraternisation sous l’égide de droits communs et égaux pour nos intérêts les plus hauts ! Dépassement des limites étroites de la petite bourgeoisie nationale et union dans un état fédéral continental ou dans une confédération internationale ! » Tels étaient les thèses, les programmes, les manifestes et les objectifs conformes aux données et à la situation historiques. Mais l’égoïsme des pillards les a fait taire et la folie dominatrice des individus les a balayés des tables de conférence.

C’est ainsi que la vieille idéologie resta inentamée. Mieux, elle se donna des fêtes bruyantes en y mettant moins de frein que jamais. Dans l’ivresse de la victoire, le drapeau national fut hissé à tous les mâts et à tous les créneaux. L’inflation rhétorique fêta mille fois ses orgies sur les tribunes lors d’inaugurations de monuments aux morts. on traça de nouvelles frontières et l’on s’empressa de doubler les barbelés et les chevaux de frise derrière les frontières, de renforcer les troupes et de leur donner des ordres stricts. Les antagonismes nationaux furent exacerbés avec tous les artifices de la démagogie.

Derrière cette mascarade idéologique, le vieux capitalisme privé se dressait, menaçant, tel le phénix qui renaît de ses cendres. Qui prétendait qu’il eût abdiqué ? Où en était la preuve ? Il fallait être fou ou visionnaire pour élever de telles prétentions. N’était-il pas clair que la guerre lui avait permis de renaître plus magnifique encore !

Et le capitalisme, dans son égoïsme borné, raflait de nouveau ses profits, comme si le système d’exploitation et d’enrichissement était sauvé à jamais de tous risques et périls.

Même tableau de l’absence la plus totale de compréhension et d’éducation politiques de l’autre côté, chez les Etats vaincus, au premier chef en Allemagne. Ici, ce n’étaient pas l’orgueil et le ressentiment qui empoisonnèrent la raison, mais la honte et l’opprobre.

Le vieux pouvoir avait été jeté à terre comme d’un coup de foudre. L’empereur était un déserteur. Ludendorff un mendiant d’armistice. L’armée un colosse vacillant.

C’est une émeute populaire spontanée, mais trouble et largement divisée dans ses objectifs, qui porta au pouvoir gouvernemental le parti socialiste.

Mais une tragique erreur voulut que les hommes choisis par les masses pour détenir et exercer le pouvoir révolutionnaire fussent ceux-là mêmes qui, tremblants de peur devant l’insurrection des masses et mûs par des sentiments hostiles de voir leur autorité battue en brèche, avaient déclaré « haïr la révolution comme le péché »[2]

La bourgeoisie démissionna, sa volonté de pouvoir étant brisée et ses espoirs déçus. Elle attendit un nouveau cours des choses pour reprendre l’initiative.

Mais l’occasion ne se présentait pas et les hommes nouveaux regardaient, désemparés, vers les anciens. Il s’avéra que la gauche n’était qu’un bien piètre et bien impuissant succédané de la droite.

Cette gauche était entrée dans la guerre aux côtés de la bourgeoisie « pour défendre la patrie ». Elle avait planté là le socialisme et abandonné son rôle révolutionnaire. Pendant toute la durée de la guerre, elle était restée fidèle à son ennemi de classe pour le meilleur et pour le pire. Elle avait oublié tous les principes et tous les mots d’ordre de la lutte des classes.

Tout au long de la guerre, le soutien supposé provisoire au nom de la défense nationale s’était transformé en union permanente sous le signe de l’unité nationale. Cette unité, destinée à être celle de la victoire, fut finalement celle de la défaite.

Cependant cette défaite offrait la chance de se souvenir d’un passé meilleur et de revenir au lustre révolutionnaire de sa doctrine. Elle aurait pu renverser la vapeur de sa malheureuse politique de guerre et se laisser glisser de nouveau dans le sillage des luttes de classes. Décision qui n’aurait pas seulement soulevé l’enthousiasme de la classe ouvrière allemande, mais aurait également rencontré acclamations et échos de la part de la révolution russe.

Mais il est impossible de faire un lion d’un mulet. L’alliance de guerre avec la bourgeoisie a ramené la social-démocratie allemande à ses véritables raisons d’être. Elle n’a jamais été qu’un semblant de mouvement socialiste. Pendant des décennies, elle a réussi à faire illusion sur le principe, en fin de compte bourgeois, de sa nature. Jamais elle n’a réussi à le surmonter. Elle était et resta un parti réformiste petit-bourgeois, celui des déçus et des victimes du développement capitaliste. Ce n’était pas un mouvement révolutionnaire, mais l’expression de la révolte des laissés-pour-compte enragés du capitalisme. Ceci explique son empressement à s’allier à la bourgeoisie lorsque le principe bourgeois, qui était son propre principe, fut sérieusement menacé. De là provient l’abandon impudent de son étiquette socialiste et de son emballage estampillé lutte-des-classes. De là aussi sa répugnance intime et sa résistance extérieure à toute activité pouvant logiquement conduire à la révolution. Elle était partie en guerre avec l’enthousiasme des boutiquiers pour sauver les biens sacrés de la propriété privée, du profit, de la nation et de l’individualisme. C’était avec l’épouvante des boutiquiers et la mauvaise conscience des traîtres qu’elle battait maintenant en retraite devant toute révolution qui promettait ces biens sacrés à une ruine certaine.

Le mouvement ouvrier allemand – comme, plus largement, celui des Tchèques, des Autrichiens et des Hongrois – aurait pu asseoir les gouvernements de gauche d’Europe centrale et orientale et, avec la Russie, créer un pôle invincible d’orientation économique et politique face aux démocraties occidentales. C’eût été démasquer d’un seul coup la pseudo-victoire de ces Etats démocratiques et révéler leur défaite en tant que défaite effective et définitive du système capitaliste.

[...][3]

Ceci aurait pu être démontré pratiquement et positivement par les peuples libérés qui auraient préparé les fondations d’un système social vraiment socialiste en faisant valoir fructueusement leurs intérêts sociaux et économiques. Le fort développement industriel, notamment en Allemagne, aurait pu s’allier aux richesses de la Russie en produits agricoles et en matières premières. La civilisation occidentale se serait fondue avec l’orientale en un contenu culturel nouveau infiniment plus riche. L’homme capitaliste et l’homme féodal se seraient combinés pour donner un type d’homme supérieur qui aurait trouvé la voie menant au socialisme. A partir de là, il eût été possible d’enfoncer les portes d’un avenir meilleur pour toute l’humanité.

Malheureusement toute la constitution de la social-démocratie allait à l’encontre de cet objectif ; c’était pour l’essentiel la constitution, tant interne qu’externe, du prolétariat allemand. Sans parler des résistances qu’elles a rencontrées du côté russe et qui ont empêché sa réalisation. Alors, qui dira que la social-démocratie eut absolument tort de fonder son attitude sur les questions qu’elle posa : « Qui a la preuve que la guerre a défait le capitalisme en tant que système ? Où sont les signes tangibles d’une telle affirmation ? Le prolétariat doit-il se laisser conduire par des fous et des visionnaires et tenter le saut dans le néant ? » Les masses affaiblies, à peine revenues du saut meurtrier dans le néant de la guerre, n’avaient ni la force ni le courage d’une seconde tentative du même ordre. Elles n’avaient ni la certitude, ni la conviction qu’il n’y a pas de succès, ni de développement dans l’histoire sans ce saut dans le néant.

Les boutiquiers eurent donc le dernier mot. L’opportunisme l’emporta. La défaite militaire entraîna celle de la révolution. Au tournant de l’histoire, aucune décision historique n’intervint.

LE FIASCO ALLEMAND

Il ne s’agit pas d’écrire un réquisitoire. La question peut donc rester en suspens de savoir lesquels des représentants de la révolution allemande ou de la révolution russe portent la plus grande responsabilité dans le manque de coordination entre l’Allemagne et la Russie soviétique pour édifier en commun un ordre socialiste. Les deux parties ont mal manoeuvré.

Même sans cette liaison directe avec la révolution russe, la social-démocratie aurait été en mesure d’établir le contact avec la nécessité historique si elle avait possédé l’organe révolutionnaire adéquat. Ce n’est pas par sa politique de guerre qu’elle a perdu cet organe, elle ne l’a jamais possédé. Simplement, c’est dans sa politique de guerre que cette absence devint alors évidente pour tous. Et se trouva de nouveau confirmée dans son manquement aux tâches révolutionnaires.

Il ne semble pas superflu de considérer aujourd’hui encore ces tâches, ne serait-ce que pour constater combien leur réalisation était proche et quels moyens relativement minces auraient suffi. Toutes les conditions objectives étaient réunies, il ne manquait qu’un petit rien avec lequel le marxisme vulgaire n’a naturellement jamais compté : la volonté subjective, la confiance en soi, le courage d’innover. Mais ce petit rien était tout.

Avec l’appel unanime à la socialisation, la révolution allemande a mis à l’ordre du jour la tâche essentielle. Cet appel, éveillé par la révolution russe, et martelé dans les cerveaux comme le signal de la rupture, est parti de la classe ouvrière, s’est répercuté dans la petite bourgeoisie, s’est propagé dans les cercles intellectuels et s’est même introduit dans les rangs de la bourgeoisie. Le sentiment que le capitalisme s’était complètement effondré et que sa domination était terminée était en effet général. Le sauvetage du chaos ne semblait possible que grâce au socialisme. La devise du jour était : Hic Rhodus, hic salta !

Les représentants officiels du parti du prolétariat ne surent que faire de ce mot d’ordre de socialisation. Ils récitaient bravement leur catéchisme de propagande traditionnelle et se débattaient dans le petit réduit d’une politique sociale réformiste. Il ne leur était jamais passé par l’esprit que la politique sociale n’est au fond que la renonciation à la révolution, que ses acomptes ne font que rendre le capitalisme un peu plus supportable aux masses, qu’elle endort et tue à petit feu l’intérêt et le goût pour l’étude des problèmes révolutionnaires.

Un marxisme plat et mécanique les a fortifiés dans cette démission. Le socialisme – pensaient dans leur naïveté ces bons apôtres – viendra tout seul dès que le prolétariat aura pris le pouvoir. Il ne devient réalité qu’au lendemain de cette fameuse révolution. Toute tentative visant à l’étudier comme un phénomène humain complexe et difficile passait pour une utopie déplacée dont on ne pouvait que rire et à laquelle il fallait s’opposer.

Or, dans le tourbillon de la révolution, la rue s’est insurgée contre ce refus commode de penser des dirigeants. Les masses souffraient des affres de la faim aussi bien que des séquelles de la guerre. Elles pensaient, avec raison, qu’elles ne pouvaient en être libérées que par le socialisme. Elles ne voulaient pas être trompées une seconde fois et exigèrent la socialisation.

Et elles réussirent à imposer la formation d’une Commission pour la socialisation qui fut chargée – aux termes du décret gouvernemental – de « déterminer quelles branches d’industries, d’après leur développement, étaient mûres pour être socialisées et dans quelles conditions ceci pourrait advenir ».

Le style de ce décret était aussi mauvais que les idées qu’il contenait. On n’y faisait pas la moindre mention du programme alors répandu partout : « Abolition de la propriété privée des moyens de production ! » Pas un mot au sujet des expropriations, confiscations, avec ou sans indemnités. Pas de suppression du monopole privé de l’armement, aucun contrôle d’Etat sur le capital bancaire et financier, aucune saisie des profits de guerre. Aucune intervention dans la puissance économique de la citadelle de toutes les réactions, les grands domaines agraires appartenant aux Junkers, à l’est et à l’ouest de l’Elbe. Rien de tout cela ! Ce ne fut que craintes et hésitations, manque total de décisions et d’activité résolue, ignorance et mollesse sur tous les points déterminants. On était au lendemain de la révolution mais le socialisme ne s’instaurait pas de lui-même.

Pour masquer ce fiasco total, les dirigeants ouvriers, devenus hommes d’Etat, mirent tout en oeuvre pour exhorter les masses à la patience ou pour dénaturer la situation qu’elles regardaient d’un oeil critique et défiant. Un démagogue endurci, le leader des mineurs Hué, le doigt vengeur levé, mit en garde son parti contre le rôle de syndic de faillite, l’avertissant que ce n’était pas le capitalisme qui serait socialisé, mais sa banqueroute. Otto Braun qui s’était hissé jusqu’au fauteuil de président du conseil de Prusse déclara, avec la mine d’un homme auquel Dieu a donné l’intelligence en même temps que la place, qu’il n’était pas de « pire moment pour la campagne de socialisation » que celui de l’effondrement général du capitalisme. Scheidemann, Ebert, Eisner, David et toute la clique des leaders de deuxième et de troisième catégorie entonnèrent le même air apaisant. Au Congrès des Conseils d’ouvriers et de soldats de Berlin, Hilferding, l’économiste distingué de la social-démocratie, produisit un petit chef-d’oeuvre de rapport qui visait à déprécier et saboter la tâche de la socialisation. Tout d’abord, il en exclut par principe la production paysanne et les industries d’exportation. Il refusa ensuite catégoriquement la formation d’associations de production contrôlées par les ouvriers. Là-dessus, il divisa les branches industrielles selon qu’elles étaient prêtes ou non à être socialisées. 11 inventa aussitôt tout un clavier de socialisation : intégrale, à moitié, au quart. Pour finir, quand il ne resta plus rien du problème qu’il avait si bien taillé, dépecé et vidé de sa substance, il exigea encore « un certain temps » avant d’entreprendre la tâche effective de socialisation. Le dernier mot de sa sagesse fut : « On ne socialise pas un capitalisme en faillite. Il nous faut attendre de lui avoir rendu ampleur et vigueur. Quand nous le verrons de nouveau sain et fort, alors nous entamerons notre oeuvre de socialisation ! » Charlatanerie dont la bêtise n’eut d’égale que l’impudence mais qui remporta le succès escompté.

Après d’infinis atermoiements, discussions, manoeuvres et détours, la Commission pour la socialisation finit par admettre le principe, tout platonique, de la nationalisation des mines de charbon. Le résultat pratique fut une résolution votée à la majorité, sans queue ni tête, consistant en une proposition qui recommandait de « créer une organisation des charbonnages qui devrait être gérée par les ouvriers, la direction des exploitations et des représentants de l’intérêt général ». Une confusion et un galimatias difficiles à surpasser ! Mais déjà, s’étalait sur les colonnes d’affichage et sur les murs le tract prétentieux et mensonger signé Scheidemann : « Le socialisme est arrivé ! La socialisation est en marche ! »

Au même moment, les troupes de Noske investissaient le bassin de la Ruhr : il s’agissait en effet de protéger le capital des charbonnages contre la révolte des esclaves des mines, qui, plus énergiques et mieux avisés, avaient commencé à s’en emparer, de liquider les conseils que les ouvriers des houillères avaient mis en place de leur propre autorité révolutionnaire, et de mettre un terme à l’activité de la Commission des Neuf, qui poussait à une véritable socialisation révolutionnaire.

Tout ce qui est arrivé en délibération au Parlement en fait de lois sur la socialisation, sur l’organisation des mines de potasse, en fait de décret réglant les attributions de la Commission pour la socialisation, ainsi que de loi sur la socialisation de l’industrie du charbon, s’est heurté à la résistance acharnée et passionnée du capital des charbonnages et de la finance. Les premiers signes de l’incapacité et de la faiblesse du gouvernement social-démocrate étaient suffisants pour rendre au capitalisme le sentiment du retour proche de sa puissance. Il a donc pu jeter à la corbeille le programme de socialisation qui était d’un dilettantisme ridicule et le remplacer par un programme de super-trusts capitalistes. Stinnes, qui a tiré parti de la guerre et de la révolution, sut en faire, devant le Conseil économique du Reich, l’objectif de ses plans audacieux pour rétablir les profits.

Loin d’être délivrées du capitalisme, les masses avaient été précipitées dans un esclavage encore pire. Malgré tout, elles n’envoyèrent pas leurs dirigeants à tous les diables. Les traîtres et les trahis se tenaient en grande estime.

L’EXPERIENCE RUSSE

Les hommes n’apprennent rien de l’histoire. Les ouvriers non plus. Ils auraient pu apprendre de la Russie comment on fait une révolution. Les enseignements du modèle soviétique avaient été impressionnants et ils les ont suivis avec enthousiasme.

Mais, lorsqu’ils furent eux-mêmes surpris par les événements révolutionnaires, ils ne surent que faire.

Cela ne dépendait pas d’eux, pas uniquement d’eux du moins, mais d’abord du fait que la Russie n’était pas l’Allemagne et qu’une situation historique ne se répète jamais de façon identique.

C’est pour cela qu’il y a une différence frappante dans la dynamique des deux mouvements. Le mouvement ouvrier d’Europe centrale, notamment l’allemand, est resté en-deçà des tâches que lui fixait l’histoire, alors que la classe ouvrière et paysanne russe y ont satisfait et au-delà. Cela avait des raisons profondes.

Tandis que l’Allemagne possédait un vieux mouvement ouvrier, une organisation bien implantée faisait totalement défaut en Russie. Ne fût-ce qu’à cause de cette carence, il n’était pas possible d’y préparer méthodiquement une révolution de grande envergure. Le système barbare de réaction féodale que représentait le tsarisme s’était puissamment renforcé après sa victoire sur la révolution de 1905 pour être en mesure de réprimer avec succès dans le sang toute tentative de nouveau soulèvement des masses. Mais, le tsarisme s’étant brusquement effondré pendant la guerre mondiale, la tournure imprévue prise par les événements menait au bord de l’abîme, abîme qu’il fallait absolument franchir. Les masses ne savaient que faire. C’est alors qu’intervint une couche d’intellectuels, qui étaient avant tout des émigrants et qui avaient reçu à l’étranger une formation marxiste. Elle s’empara de la direction de la révolution et força le cours des événements dans une vie déterminée, conformément aux données de sa doctrine. C’était d’une audace, d’une témérité sans pareilles.

Il s’avéra bien vite que cette témérité avait été folle. De plus en plus rapidement, cette voie s’est éloignée de la réalité. Dans l’abstraction de la théorie, tout était juste, chaque pas pouvait se justifier en s’appuyant sur Marx. Seulement Marx n’avait pas écrit pour la Russie, mais pour l’Europe occidentale hautement industrialisée. Le gouffre se creusait entre l’idée et la réalité sans le vouloir et sans pouvoir l’éviter, la pratique s’enfonçait à chaque pas plus profondément dans un monde imaginaire. Le courage de l’utopie finit en utopie.

Le conflit avec le tsarisme, la propriété terrienne et la paysannerie, dans un pays où les 4/5 de la population étaient encore occupés dans l’agriculture à la veille de la révolution, aurait dû provoquer une révolution comme celle qu’il y avait eu en Angleterre au milieu du 17e, en France à la fin du 18e et en Allemagne au milieu du 19e siècle : une révolution de caractère bourgeois.

De fait, la révolution de février 1917 fut d’abord un soulèvement des masses paysannes et du prolétariat, encore sans conscience de classe. Elle se dressa contre le tsarisme qui, malgré son renforcement apparent depuis la révolution de 1905, était blessé à mort dans ses bases mêmes. Elle agit sans programme révolutionnaire particulier, comme dans un acte de défense instinctif, comme on abat un animal enragé ou comme on écrase du pied un champignon mortel. .

Si, après cette rupture radicale, les représentants de la bourgeoisie prirent possession des organes gouvernementaux, à leur tête Milioukov, Goutchkov, Rodzjanko, Kerenski, entre autres, cela correspondait parfaitement à la loi de la succession historique. C’était le tour de la bourgeoisie. C’était à elle de prendre l’initiative et de représenter l’ordre nouveau selon le schéma traditionnel.

Il dépendait de la bourgeoisie russe d’être à la hauteur de sa tâche historique. Réclamer la succession au pouvoir ne pouvait suffire pour l’exercer. Il y fallait aussi les aptitudes, la force et l’efficacité. Et là, il s’avéra rapidement que la politique bourgeoise confuse, impuissante et sans imagination allait au fiasco. La révolution perdit ainsi très vite son caractère bourgeois. A sa place, le facteur prolétarien prit une influence qui finit par devenir décisive. Non seulement la bourgeoisie n’était pas à la hauteur, mais les leaders prolétariens étaient plus conscients de leurs buts et plus instruits politiquement, mieux préparés à leur rôle révolutionnaire. La révolution gagna ainsi un nouveau visage, elle se mua en révolution prolétarienne.

Il serait pourtant faux d’en conclure que la révolution russe a aboli pour toujours les lois qui régissent la succession des phases révolutionnaires.

Le mécanisme de cette loi de l’histoire de tous les peuples a démontré depuis des décennies que le capitalisme fait invariablement et nécessairement suite au féodalisme. Quelles seraient les raisons qui permettraient de faire une exception pour la Russie ? Et quelles raisons y aurait-il pour que cette exception remette en cause la validité de cette loi pour l’avenir ?

Selon la logique historique, la bourgeoisie capitaliste devait donc suivre l’aristocratie féodale dans la domination de la Russie. Non pas le prolétariat ou le socialisme. Même pas si quelques fractions minimes des masses révolutionnaires, voire du prolétariat industriel, en faisaient profession.

La Pravda se fit pourtant l’interprète de cette idée dans son premier numéro de 1917 en reconnaissant comme « devoir fondamental » de la révolution « l’institution d’un système démocratique et républicain ».

Mais la couche intellectuelle dirigeante poursuivait d’autres buts politiques. Elle ne s’occupait pas des lois de l’histoire. Elle préférait s’en remettre à la situation au jour le jour.

Les actions de masse s’accumulaient aussi bien en quantité qu’en qualité. La possibilité de gagner le pouvoir en une nuit a toujours exercé un charme irrésistible. Ce fut un raz de marée, qui voulait engloutir non seulement ses victimes mi également es maîtres. C’est ainsi que tout le pouvoir politique tomba entre les mains des bolchéviks.

Pendant l’été 1917, Lénine soutenait encore l’idée qu’il s’agissait, après les combats révolutionnaires, d’ériger un régime bourgeois de gauche avec une large influence socialiste-prolétarienne. Et dès octobre, les extrémistes bolcheviks obtenaient la victoire pour eux seuls.

Pour eux, il était évident que le pouvoir ainsi gagné irait dans le sens de leurs théories politiques et de leurs objectifs socialistes. Ce qui semblait hier encore utopie allait donc pouvoir se réaliser.

La contre-révolution féodale n’avait pas résisté à l’assaut de la révolution. Elle ne présentait plus la moindre résistance à la prise du pouvoir par les bolchéviks. La contre-révolution bourgeoise inclinait d’autant moins à se soumettre.

Pas tant la contre-révolution bourgeoise russe que celle du monde entier. Consciente de la solidarité de tous les intérêts capitalistes face à l’ennemi de classe, elle se sentait frustrée de la succession historique de la terre russe, dans le cadre de l’histoire russe. C’est pourquoi elle a tenté d’arracher au bolchévisme ce qui, d’après elle, lui appartenait. Tant que ces tentatives venaient de l’extérieur et tant qu’elle a tenté de réclamer son droit historique à l’aide d’armées d’invasion blanches, elle a échoué. Ce fut l’exploit le plus sensationnel et l’époque la plus glorieuse du jeune gouvernement révolutionnaire.

(...)

LA SUITE ICI (article trop long) http://www.marxists.org/francais/ruhle/works/1939/ruhle_1939.htm

Messages

  • Finalement un très bel hommage à la révolution d’Octobre en ce 7 novembre 2011.

    • .....................

      Sauf que ce titre (choisi en 39)..me choque en ce jour.
      Mais après tout, développer serait réveiller les ardeurs de certains qui sont les tristes héritiers dela"VERITE" , organe trotskiste ou on pouvait lire en..juin 44..
      « 

      En réalité, la libération de Roosevelt vaut tout autant que le socialisme de Hitler

      Je sais bien qu’on ne saurait accuser ’Otto Rühle, et son "conseillisme" d’avoir inventé les amalgames qui sont le pain quotidien des "historiens"(??) àla Courtois ou FURET..

      ...mais évoquer un "Fascisme ROUGE" est , AUJOURD’HUI , anniversaire de la REVOLUTION..d’OCTOBRE, selon moi qui assume cette position qui sera pour certains la confirmation qu’un "stalinien" ne guérit jamais..mal venu...

      Il serait facile de me renvoyer à l’intégrale du texte (j’ai la brochure quelque part dans mon merdier perso).., mais ce qu’ai appris de mon militantisme"pécéien" c’est une chose simple :

      "Si dès le titre ou la première phrase, tu conduis un travailleur , un militant, àne pas aller plus loin...tu as pondu le reste pour rien"

      A.C

      Encore un truc qui ne pas faire monter ma côte chez les louves..

       :))

      M’en fous, na !

      Cela me conduira pas , comme ce pauvre .O..R au suicide.., entrainant la pauvre ALICE dans la mort.

      (L’avantage d’être divorcé c’est que tu te flingues sans cette prétention consistant à penser qu’il faut éviter du chagrin aux futures veuves....)

      Les dernières lignes d’Otto.R. sont d’un pessimisme très loin de MARX...

      Les hommes n’apprennent rien de l’histoire. Les ouvriers non plus. »

      ...........................

    • Au delà du titre, sur le fond de l’article de Otto tu pense quoi Alain ?

    • Alain, ok le titre, ok les enseignements , etc d’accord mais bon on va pas en rester là hein ce serait un peu trop facile.

      Quant au fait que quand tu es sur le point de te suicider, tu écrives éventuellement des conneries c’est pas très étonnant, c’est généralement pas le moment où tu es au mieux de ta forme que tu choisis de mettre fin à tes jours...

      Donc...

      Tu peux largement nous offrir mieux.

      (Rühle était tout sauf trotskiste en plus, donc, je ne vois pas ce que "la Vérité" vient foutre là-dedans ??)

      Son texte vise l’échec ou plutôt , la fin de la révolution bolchévique dont pas une seconde il ne dit de mal, tout au contraire !

      Et il me semble que ce texte est au contraire un vibrant hommage au meilleur de la Révolution d’Octobre, et au meilleur de Lénine. Il vise bien la dégénérescence du bolchévisme en stalinisme et essaie d’y trouver des raisons politiques et sociales objectives. Car on ne peut pas résumer le "problème" à Staline...

      Il me semble que Rühle évoque là des pistes extrêmement intéressantes.

      De même pour son analyse critique de l’échec de la révolution allemande, du parti communiste allemand, de son constat d’échec au fond, de la "bolchévisation" des partis communistes européens.

      J’ai des critiques à faire à ce texte de Rühle. Du point de vue des conditions historiques, je ne suis pas convaincue que le conseillisme eut mieux fonctionné que la bolchévisation. Mais je reconnais qu’on peut se poser la question.

      Pour ma part je n’ai rien à dire au fait qu’il ait qualifié le stalinisme de "fascisme rouge", car c’est bel et bien ce dont il s’agissait me semble non ?

      Évidemment si on persiste à ne pas vouloir faire la part des choses, à assimiler révolution communiste à bolchévisme, bolchévisme à URSS et URSS à Staline, bon ben on va pas avancer...

      Et pourtant je ne lis pas du Courtois ni du Furet matin midi et soir et que ça plaise ou pas à certains, je me sens et me vis comme communiste, et je combats l’anticommunisme qui est lové dans les dénonciations furetiennes ou courtoisiennes de l’URSS et du stalinisme.

      Mais il me semble que c’est bien le refus d’une position critique raisonnée comme celle de Rühle (pas que lui) qui donne à Furet et COurtois le bâton pour nous faire battre par l’anticommunisme.

      Alors si tu veux bien ne pas biaiser , sur ce coup-là, et aller au fond , ne pas botter en touche (un peu facilement je trouve) en nous expliquant ,au-delà du titre ou de tel ou tel coup de menton, au-delà ce qui selon toi, dans ce texte ,n’est politiquement pas juste ou est faux ou est incorrect...?

      Ca sera beaucoup plus profitable d’aller au fond des choses sur ce texte. Tant en ce qu’il concerne l’échec, la "mauvaise fin" du bolchévisme,que sur l’analyse de l’échec allemand etc.

      Parce que je pense que c’est vraiment un texte d’actualité, si on ne s’ingénie pas à lui faire dire ce qu’il ne dit pas, et si on dépasse un titre qui selon moi est une réponse flagrante (et peut être pas très fine, peut être...) au "Gauchisme, maladie infantile du communisme", évidemment visé par ce texte (je crois que Rühle l’avait vraiment en travers de la gorge, et il explique d’ailleurs pourquoi, avec des arguments qu’on ne peut pas écarter d’un revers de la main...)

      Toi qui appelais ailleurs à juste titre, les trotskistes à être utiles à la classe ouvrière en n’étant , notamment, pas dogmatiques (ce que j’approuve), je pense que là tu peux y aller ;)

      Et on s’en fout de pas être d’accord, trop de convergence tue la convergence ;-)

      A + (amicalement et fraternellement, malgré les divergences)

      LL

  • Les nou­veaux rouges-bruns. Le raci­sme qui vient ... toujours ... pour toujours... ROUGES-BRUNS.
    Otto Rühle avait raison. En fait ... quelqu’un en train de baver en l’étiquetant comme « trotskyste » ... Non seulement : Rosa Luxemburg avait raison, à propos de la dégénérescence du bolchevisme et les tendances nationalistes. (et en fait les marxistes-léninistes la détestent). Aujourd’hui, le phénomène de rouges-bruns est endémique partout. Déguisé en « anti-impérialisme » et dérive islamo-nazie. En Italie, le "rossobruni" ont infiltré partout et accuser de "trotskysm" ou "sionisme" quiconque expose leur masquage ..