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L’Italie de l’après Berlusconi

par Marcelle Padovani

Publie le lundi 7 novembre 2011 par Marcelle Padovani - Open-Publishing

Alors que les rumeurs sur une démission du Cavaliere vont bon train, Marcelle Padovani dresse le bilan du Président du Conseil italien.

Un bilan en cinq points sur l’Italie que laisse "Il Cavaliere" en héritage.

Et d’abord la situation financière globale : un désastre, sanctionné par l’envoi d’inspecteurs de l’Union européenne et du Fonds monétaire international pour contrôler tous les trois mois la manière dont le gouvernement italien tentera de résoudre sa grave crise de crédibilité sur les marchés internationaux. Le "spread" entre les bons du Trésor italiens et les allemands a passé en effet le cap des 400 points et touché même les 500 le 7 Novembre. La dette italienne, elle, atteint les 1.900 milliards d’euros, soit 120% du PIB. Tandis que la dette allemande par exemple plafonne à 76,5%.

Le chômage : il frappe spécialement les jeunes, au point que l’ISTAT (INSEE italien) évalue à 30% le pourcentage de moins de 30 ans qui sont chômeurs aujourd’hui. Avec des chiffres record au Sud (en Calabre, en Sicile et en Campanie un jeune sur deux est sans travail). Le chômage total touche 9% de la population. Il n’y a pas d’indemnité chômage en Italie mais une "caisse intégration" financée par des contributions des entreprises (plus celles de l’Etat) mais gérée au niveau local. Voire au niveau de l’entreprise.

Les grandes compagnies industrielles et de transport : avec un inopportun excès de nationalisme, le gouvernement Berlusconi a voulu à tout prix que la compagnie aérienne Alitalia, criblée de dettes, et largement déficitaire, reste une compagnie nationale, refusant en 2009 le rachat avantageux offert par Air France-KLM. Cette opération de pure image a couté à la collectivité, donc aux contribuables, pas moins de 4 milliards d’euros. En revanche, le gouvernement n’est absolument pas intervenu sur l’opération Fiat-Chrysler. On a pu croire il y a deux ans que c’était la Fiat des Agnelli qui achetait une Chrysler en grave difficulté. Plus le temps passe plus on s’aperçoit que l’administrateur délégué de la grande maison turinoise, Sergio Marchionne, est en train de transférer aux Etats-Unis les leviers de commande de la première industrie automobile péninsulaire. Et que c’est Chrysler qui est train de s’emparer de Fiat. Marchionne d’ailleurs s’est révélé plus compétent pour lancer des opérations financières que pour fixer de grands objectifs de production (en huit ans, il n’aura proposé aucun nouveau modèle sur le marché, mise à part la "nouvelle Panda", qui avait été d’ailleurs conçue par son prédécesseur).

Les PME : elles vont mieux que la grande industrie, et Silvio Berlusconi n’y est pour rien. Le made in Italy en effet (mode, chaussures, design, etc…) a fait grimper ses exportations de plus de 14% rien qu’au premier semestre 2011. Les PME restent la lymphe vitale de l’économie. Elles ne jouissent d’aucune aide spéciale de la part de l’Etat depuis 20 ans.

La crise morale : c’est là que se jouera l’avenir de l’Italie. Car le berlusconisme a encouragé l’illégalité, légitimé la fraude fiscale et fixé comme modèle aux jeunes générations la soubrette télévisuelle ou l’escort-girl, un type de femme en tout cas qui a perdu tout rapport avec l’autonomie par rapport aux individus de sexe masculin que défendaient ardemment les féministes dans les années 70. Berlusconi laisse en héritage l’idée que tout peut être vendu et donc acheté. La crise des valeurs qui en découle n’a pas été enrayée par l’action ambiguë de l’Eglise (qui a souvent soutenu le gouvernement de centre-droit pour le remercier entre autres choses d’avoir été exemptée de toute forme d’impôt immobilier). Il faudra donc du temps et du courage pour redresser la barre, même du point de vue moral.

http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20111107.OBS4023/l-italie-de-l-apres-berlusconi.html