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Affaire des sondages de l’Elysée : circulez, il y a tant à voir !

par Gérald Andrieu

Publie le mardi 8 novembre 2011 par Gérald Andrieu - Open-Publishing

Dans le dossier des sondages de l’Elysée, la toute première affaire du quinquennat de Nicolas Sarkozy, il n’y aurait rien à voir, rien à enquêter. C’est ce que vient de dire la Cour d’appel de Paris...

La première affaire du quinquennat de Nicolas Sarkozy, bien avant le feuilleton à rebondissements Woerth-Bettencourt, n’aboutira donc jamais ? La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris vient en tout cas de mettre ce lundi un nouveau et sérieux coup de frein à l’affaire dite des sondages de l’Elysée rebaptisée par certains « l’Opiniongate ».
 
Petit retour en arrière. À l’été 2009, la 4e chambre de la Cour des comptes révèle au grand jour « l’addiction sondagière » de Nicolas Sarkozy et, au passage, l’existence d’une étrange « convention » signée en 2007 entre un cabinet d’études et l’Elysée qui, selon l’expression de son président Alain Pichon, «  ne préservait pas bien les intérêts de la Présidence  » ! Une jolie litote pour expliquer que le Château était lié, via son cabinet Publifact et sans qu’aucun appel d’offre n’ait été lancé, au conseiller personnel du Président Patrick Buisson, ancien directeur de la rédaction de Minute et de Valeurs Actuelles. Le coût (aux environs d’1,5 million d’euros) relevé par les magistrats de la rue Cambon l’aurait pourtant nécessité.


Une étrange convention tenant plus du haïku que d’un roman de Proust

Tant pis pour le code des marchés publics, l’Elysée s’était contenté d’un texte tenant plus du haïku que d’un roman de Proust. Une « seule page » laissant tout pouvoir à Publifact expliquait alors la Cour des comptes : « Aucun bon n’était émis. La Présidence recevait l’étude accompagnée d’une facture indiquant le titre du sondage et sa date de réalisation, sans aucun autre élément permettant d’attester de la réalité du service fait et de son coût réel.  »
 
Une première plainte contre X déposée par la bien nommée association anticorruption Anticor pour « délit de favoritisme » avait été classée sans suite en novembre 2010 par le Parquet au motif ubuesque que l’irresponsabilité pénale dont jouit le chef de l’Etat « doit s’étendre aux actes effectués au nom de la présidence de la République par ses collaborateurs ». C’est en effet l’ancienne directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy, Emmanuelle Mignon, qui avait signé cette convention.
 
Pourtant, en mars dernier, après un nouveau dépôt de plainte par Anticor (avec constitution de partie civile cette fois), le juge du pôle financier au Tribunal de grande instance de Paris, Serge Tournaire, avait estimé, au contraire, qu’il y avait bien matière à enquêter. Mais la chambre d’instruction vient donc d’en décider autrement « considérant » notamment « que l’ouverture d’une information judiciaire aurait pour conséquence de permettre à un juge d’instruction (…) de réaliser éventuellement une perquisition au cabinet du Président de la République pour saisir les archives concernant la signature et l’exécution du contrat [avec Publifact] ainsi que des auditions qui auraient pour but d’établir si le contrat a été conclu et exécuté à l’initiative exclusive de Mme Mignon ou à la demande du Président de la République, ce qui reviendrait à ce que ce dernier “fasse l’objet d’une action, d’un acte d’information ou de poursuite” mettant en cause ou atteignant la personne du chef de l’Etat, ce qui conduirait à porter atteinte au principe constitutionnel de l’inviolabilité du Président de la République ». En clair : le Parquet nous avait dit que l’immunité du Chef de l’Etat s’étendait de facto à ses collaborateurs. Cette fois, la Cour d’appel nous explique qu’une enquête aurait le mauvais goût de nous dire si ledit collaborateur a agi seul ou sur ordre du locataire de l’Elysée… Il faudrait choisir !