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Defendre les 35 h : 35 h légales, réalité et contournement

Publie le jeudi 3 février 2005 par Open-Publishing
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Rtt, Cet, heures supp’, durée maxima, opt out, directive européenne allongeant la durée du travail

de Gérard Filoche

Le gouvernement Raffarin par décrets et par projets de loi, donne de plus en plus de coups contre la durée légale du travail à 35 h et contre le Code du travail qui permet aux salariés de faire respecter leurs droits en la matière :

 en déconnectant les aides massives aux entreprises de la mise en oeuvre réduction du temps de travail ce qui permet aux entreprises de rester à 39 heures ou d’y revenir tout en continuant à encaisser des exonérations à hauteur de 20 milliards d ’euros (c’est à dire 6 % de la masse salariale nationale, une paille !!).

 en augmentant le contingent d’heures supplémentaires à 220 h, (227 en réalité avec la suppression d’un jour férié, ce qui revient à faire travailler certains salariés 14 mois en 11, en admettant qu’ils prennent quand même un mois de congé ; ce qui revient aussi à diminuer la majoration des heures supplémentaires qui, jusque là, était au moins de 125 % à 150 % au delà de 130 h). (au fait : grève générale privé public le 19 mai prochain ?)

 en diminuant les majorations des heures supplémentaires à 10 % (dans la majorité des cas, puisqu’il s’agit surtout des 97 % d’entreprises de moins de 50 salariés...)

 en supprimant les repos compensateurs (déjà superbement ignorés sur les feuilles de paie par les employeurs alors qu’ils sont dus dés la 42° heure) et les jours dits de « RTT »

 en permettant aussi le « rachat » du compte épargne-temps (à taux horaire constant, sans majoration, ce qui est une manière de faire faire des heures supplémentaires « gratuites »...)

 en permettant sur la base du "volontariat" de travailler couramment jusqu’aux limites européennes (durée maxima actuellement limitée à 48 heures hebdo, même si elle est remise en cause, elle-aussi, vers 65 h par l’extension du système « d’opt out » britannique, voire 78 h en décomptant les astreintes, ce que réclame la France)

 en étendant le forfait-jours aux itinérants non cadres (ce qui remet en cause, à la fois, les durées maxima quotidiennes - limitées à dix heures pour des raisons d’ordre public social, de santé et d’emploi).

 en déduisant les temps de transport inclus et nécessaires au travail du temps de travail effectif (ce qui est odieux pour des centaines de milliers de salariés, de toutes branches, obligés de se déplacer sur directive de leur employeur)

 en facilitant les licenciements et en rendant impossible toute réintégration, même en cas de licenciement abusif reconnu (les salariés victimes de licenciements iniques, déjà, n’avaient pas beaucoup de chances d’être réintégrés, mais ils n’en n’auront plus du tout, même pas au niveau du groupe : des salariés qui ont peur d’être virés ne sont guére armés pour faire décompter et payer chacune de leurs heures de travail...)

 en rendant les contrôles plus difficiles (suppression des registres inspections du travail qui facilitaient pourtant contrôles et mises en demeure de l’inspection, modification des bulletins de paie rendus opaques sous prétexte de « simplification », délais de prescription plus courts pour les délits patronaux

 proposition de loi Villain supprimant la prescription trentenaire - modification des règles comptables Ifrs, afin d’isoler, au plan comptable, les établissements les uns par rapport aux autres dans un même groupe et de justifier plus aisément les plans « sociaux »).

 en supprimant l’obligation d’établir un calendrier lorsqu’il y a annualisation de la durée du travail (le salarié est encore plus soumis aux aléas de la production).

Peu à peu, le gouvernement fait passer les 64 mesures du rapport de Virville, les 44 exigences du Medef, celles de différentes sectes patronales ultra libérales (Afep, Ethic...). Il a le culot de présenter cela comme une « libération » du travail, comme un « volontariat » alors que tout salarié est « subordonné » et que ses horaires dépendent uniquement du bon vouloir de l’employeur.

Déjà, très peu de salariés ont 35 h hebdomadaire comme durée réelle : la majorité travaille plus prés de 40 h, de 45 h, quand ce n’est pas 50 ou 60 h : 56 h pendant 12 semaines dans l’agriculture, dérogations à 60 h dans la haute-couture, 750 000 salariés de la restauration font des journées de 15 h et des semaines de 50 h... 750 000 chauffeurs font jusqu’à 56 h également, dans le bâtiment, 1 100 000 salariés sont prés de 45 ou 50 h, etc... Des millions de salariés des entreprises de moins de 20 sont restés aux 39 h payées 39 h 24 minutes... En fait, des millions de salariés n’ont jamais vu les 35 h réelles. Les heures supplémentaires ont augmenté de facto en nombre, en restant en majorité impayées, source énorme de fraude et de travail dissimulé.

Même insuffisamment appliquées, en l’an 2000, la marche vers les 35 h avait crée 350 000 emplois. Maintenant, on recule : ce gouvernement fabrique le chômage délibérément comme instrument de pression contre les revendications salariales légitimes

En fait, à leur façon, Chirac et Raffarin font ce qu’a fait Pétain dans sa loi du 28 août 1942 : il n’avait pas touché aux 40 h légales, mais il avait augmenté la durée maxima à 52 h et déduit les temps de casse-croûte, d’habillage, de pause, du temps de travail effectif. Il n’avait pas osé remettre en cause la conquête des grèves de 1936, mais il avait vidé les 40 h de leur contenu réel. Quand Chirac dit « les 35 h c’est un acquis social » et les vide de leur contenu, il fait exactement pareil. Mais Pétain, c’était la guerre alors qu’en 2005, la France en paix n’a jamais été aussi riche, aussi productive, aussi capable de redistribuer les richesses créées si ses décideurs le voulaient.

Raffarin prétend agir pour un « contrat 2005 » « au nom de l’emploi » alors qu’il détruit justement des emplois ! Pour comprendre, il faut déchiffrer la propagande du gouvernement tout comme le faisaient les populations au temps de l’Urss stalinienne : lorsque Raffarin dit qu’il veut « sauver les retraites », c’est pour mieux ouvrir la voie aux fonds de pension, lorsqu’il dit qu’il veut « sauver la Sécu », c’est pour mieux faire le jeu des assurances privées, lorsqu’il dit qu’il veut « assouplir les 35 h », et « la liberté de travailler plus pour gagner plus », c’est parce qu’il veut pousser à travailler plus en gagnant moins !

Raffarin travaille à rendre de plus en plus difficiles aux salariés, aux syndicats, a l’inspection du travail de faire respecter les durées légales, les durées maxima, le paiement et le décompte des heures supplémentaires. Il s’agit de bloquer les salaires dans le privé » comme dans la fonction publique : c’est en général dans les périodes, dans les activités ou dans les pays où l’on travaille le plus qu’on gagne le moins.

L’augmentation du temps de travail a pour résultat une nouvelle augmentation du chômage. Les premiers à retomber dans le chômage total seraient les intérimaires. Pourquoi embaucher, même temporairement, si on peut faire accomplir des heures supplémentaires, mal ou pas payées, quand on veut ?

Monsieur Sellières peut se réjouir. Il aura obtenu, dans sa « guerre » contre les 35 h, une forte augmentation de la productivité, les forfaits, l’augmentation du temps de travail, le tassement des salaires, 20 milliards d’exonérations de cotisations sociales par an, la hausse du chômage permettant de terroriser les travailleurs. Sans compter le discrédit de l’idée de la réduction du temps de travail et des partis de gauche.

On compte dans notre pays 3 millions de chômeurs officiels, 1 million de chômeurs non inscrits, 1,6 millions travailleurs en Cdd ou en intérim, plus de 2 millions de salariés à temps partiel non choisi. Au total 7 à 8 millions de personnes souffrent de l’absence d’emploi ou du sous-emploi. Près d’une personne sur trois.

Comment des dirigeants peuvent-ils oser faire la leçon, dire à ceux qui ont un emploi à temps plein qu’il faut travailler davantage pour accroître la richesse produite quand tant de personnes voudraient bien travailler à temps plein toute l’année ?!. Comment osent-ils faire miroiter un supplément de gain à des travailleurs, quand leurs parents, amis ou voisins sont réduits au Rmi, Rma, à la soupe populaire ou à 600 euros par mois pour cause de temps partiel ou d’emploi précaire ?

Une nouvelle réduction du temps de travail par la loi est incontournable.

77 % des salariés sont pour la réduction du temps de travail. M Raffarin trouve que c’est une aberration intellectuelle. L’Europe libérale discute d’une directive sur l’allongement de la durée du travail de 48 h à 65 h (voire davantage avec les astreintes). Tout va en sens inverse de ce que le progrès, la richesse de l’Europe et l’histoire devraient permettre.

Parti socialiste et Parti communiste, Verts s’engagent dans la préparation de leurs programmes. Ce n’est pas parce que la précédente tentative de réduire le temps de travail est mise en cause qu’il faut renoncer ; bien au contraire il faut persister, mais cette fois en étant précis sur les contenus, en écartant tout ce qui empêche la sécurisation de l’emploi pour tous et en se dotant des moyens financiers et des pouvoirs pour atteindre cet objectif .