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Villepin et Sarkozy, copains comme cochons ?

par ZE FML

Publie le mardi 6 décembre 2011 par ZE FML - Open-Publishing

Ces frères ennemis auraient-ils trouvé en l’« union nationale » un point commun si fort que Dominique de Villepin a sincèrement « pardonné » à Nicolas Sarkozy les affres de la gue-guerre Clearstream ? Décryptage proposé par la blogueuse Ze Fml.

Selon un proche, Nicolas Sarkozy aurait déclaré : « La situation est grave, le pays a besoin d’union ».

Deux heures avant, François Baroin appelait sur I-Télé à l’union nationale pour défendre le triple A. Hum, l’exécutif semble tenir là un sujet… Mais pourquoi déclencher cette séquence « union nationale » maintenant ? Décryptage.

En premier lieu, reprendre cette thématique permet de régler le cas de Dominique de Villepin. Tout au long de l’été, et depuis la rentrée, les deux hommes se sont régulièrement rencontrés. Jusqu’à ce que la presse finisse par évoquer ces entretiens, à la suite d’une visite de Villepin à Sarkozy à la Lanterne, un peu moins discrète que les autres. Depuis, l’ancien Premier Ministre n’a cessé d’envoyer des signes du réchauffement des relations entre les deux hommes, allant même jusqu’à déclarer sur BFM TV l’avoir pardonné pour l’épisode Clearstream.

Dominique de Villepin a annoncé depuis une semaine qu’il rendrait sa décision sur sa candidature à la présidentielle le 13 décembre prochain, dans tout juste une semaine. S’il ne reste guère de suspense sur la réponse qu’il livrera, il faut tout de même qu’après avoir tenté de s’imposer dans la campagne depuis deux ans - et lancé un parti dans cette optique - l’ancien Premier Minsitre s’explique… notamment vis-à-vis de ses soutiens, peu enclins à comprendre un retrait de candidature, et encore moins le doute qui pourrait exister sur un éventuel soutien à Sarkozy.

Justement, depuis la rentrée, Dominique de Villepin ne cesse d’évoquer la thématique d’union nationale. Selon lui, ce serait la solution pour faire face à la crise. Son passage sur BFM TV, la semaine dernière, avait déjà permis d’envisager cette thématique de l’union nationale comme porte de sortie pour l’ancien Premier ministre. N’ayant pas les moyens de se présenter à la présidentielle –sondages en berne, absence d’équipe, manque de financement, raréfaction des troupes-, et étant quelque peu malmené par la justice, d’un côté par sa proximité avec Alexandre Djouri, de l’autre par sa citation dans l’affaire Relais & Châteaux -dans laquelle il estime n’avoir rien à de reprocher - Villepin a en effet besoin de justifier son retrait de la course, et naturellement autrement que par ces considérations matérielles : il lui faut sortir de la course par le haut, c’est-à-dire en expliquant sa décision comme étant motivée par l’intérêt général.

La configuration idéale, pour Villepin, serait que sa justification politique soit partagée par d’autres, histoire de lui offrir une sortie de campagne digne, et à la hauteur de son rang d’ancien Premier ministre. C’est là qu’intervient Nicolas Sarkozy. La séquence du rapprochement entre les deux hommes étant terminée - le passage de Villepin sur BFM TV a servi de grand pardon- il est temps de passer à la phase politique de leur rapprochement. Or, celui-ci ne peut pas porter sur les questions sociales ou sociétales, Villepin s’étant trop démarqué. Cela ne peut donc passer que par un grand principe, qui soit partagé par les plus hautes autorités politiques, afin de donner un accent de responsabilité, voire de panache, au retrait de l’ancien Premier ministre.

Et si c’était l’union nationale ? Dès la semaine dernière, l’insistance prononcée de Villepin sur ce sujet avait laissé penser que ce serait son argument pour se retirer de la campagne. Difficile, en effet, de prétendre diriger lui-même le pays et choisir un gouvernement d’union nationale, lorsque l’il plafonne à 2% dans les sondages. D’ailleurs, il le dit lui-même : « Je ne me considère pas comme indispensable à ce rassemblement ». Comme un aveu avant l’heure du retrait de la course à la présidentielle. Tout au mieux pourrait-il espérer diriger ce gouvernement, sous la férule d’un autre président. Et encore, les prétendants sont nombreux pour le poste, et les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. S’il est bien évidemment possible que Villepin ait des ambitions, il n’en reste pas moins que sa priorité du moment n’est pas de se recaser, mais d’abord de sortir de cette situation inextricable de vrai-faux candidat.

C’est finalement au hasard d’une phrase prononcée au cours de cet entretien télévisé que l’on trouve la réponse : l’ancien Premier ministre reconnaissait lui-même à propos de sa visite à la Lanterne, avoir « fait passer un message politique à Nicolas Sarkozy », à savoir « que le temps de l’union nationale était venu et qu’il avait tout intérêt à changer la donne politique »… sans annoncer dans le même temps avoir rencontré d’autres candidats pour porter auprès d’eux l’étendard de cette idée.

Une semaine après cette interview, les déclarations de ce proche de Nicolas Sarkozy –le off ne devant rien au hasard- concomitamment avec les déclarations de François Baroin résonnent comme la confirmation de cette théorie du retrait, en laissant penser que Villepin aurait convaincu Sarkozy. Ainsi, Villepin pourrait quitter la course avec panache, se targuant d’avoir mis de côté ses rancoeurs personnelles vis-à-vis de son frère ennemi, et œuvré au rassemblement national, en convainquant, lui qui devait être pendu à un croc de boucher, le président d’une de ses idées.

Nicolas Sarkozy a, de son côté, beaucoup à gagner dans cette séquence. D’une part, il aura l’assurance de compter un candidat de droite de moins dans la course à la présidentielle, lui permettant d’éviter l’éparpillement des voix de droite au premier tour. Si peu de soutiens de Villepin peuvent voter Sarkozy, il ne faut pas oublier que de nombreux sympathisants de l’UMP pourraient se laisser tenter par Villepin s’il était candidat. Le président ayant déjà fort à faire avec ceux qu’il a déçus, et notamment la frange s’étant enfuie vers le FN, il a tout intérêt à éviter la multiplication des candidats de droite sur sa gauche. Si l’offre est réduire à droite, cela permettra au moins de conserver les électeurs incapables de franchir le Rubicon à gauche.

Autre intérêt pour l’actuel locataire de l’Elysée : en jouant sur la corde de la réconciliation avec Villepin, particulièrement accentuée par la thématique de l’union nationale, Sarkozy se refait une virginité. Le président paraît apaisé, comme touché par la grâce de la sagesse du dirigeant…

Mais surtout, il peut dramatiser les conséquences politiques de la crise économique –le terme « grave », choisi pour qualifier la situation, ne doit en ce sens rien au hasard- et se poser comme le recours ultime aux yeux des Français. Tout ceci se conjugue avec la précédente séquence de l’UMP, qui entendait positionner Nicolas Sarkozy comme le mieux placé pour diriger le pays, car le plus expérimenté… par rapport à Hollande, naturellement. Or cet argument a bien fonctionné chez les sympathisants de droite, et on ne change pas une stratégie qui prend sur le terrain … fut-elle à l’inverse du leitmotiv de la rupture, qui le porta à la présidence 5 ans plus tôt.

S’il est impossible d’affirmer que l’union nationale soit l’objet d’un deal Villepin-Sarkozy, il reste cependant difficile de croire à autre chose qu’une séquence bien orchestrée entre les deux frères ennemis de la droite, tant elle arrange les deux hommes. Réponse le 13 décembre prochain, lors de la conférence de presse de Dominique de Villepin.

http://www.marianne2.fr/Villepin-et-Sarkozy-copains-comme-cochons_a213313.html