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Médecine du travail, trahison !

par le toubib !

Publie le mardi 31 janvier 2012 par le toubib ! - Open-Publishing

Une surenchère du MEDEF encouragée par la complaisance des syndicats CGT et CFDT

Avec la loi du 20 juillet 2011 votée au forceps malgré les protestations de nombreux élus, le MEDEF poursuit inéluctablement l’objectif de faire entrer en force dans les textes réglementaires l’ensemble des dispositions qu’il avait voulu faire signer aux organisations syndicales (OSR) en septembre 2009, à l’époque sans succès. Dans cette logique et s’appuyant sur le levier d’une démographie destructrice délibérément organisée, les organismes patronaux ont dicté au gouvernement un décret à paraître prochainement et prétendument négocié avec les partenaires sociaux.

De négociation, il n’en est nulle trace dans le texte consolidé présenté officiellement aux syndicats représentés à l’Assemblée Générale du COCT, le vendredi 9 et le lundi 12 décembre. Les seules modifications de la réglementation sont celles du MEDEF. Ce qui est surprenant, ce n’est pas la cohérence et la ténacité des représentants patronaux, c’est l’approbation générale que leur accordent les délégations CGT et CFDT par les prises de positions respectives du Dr H. FOREST, secrétaire confédéral, pour la CFDT et de J.F NATON conseiller de la CGT. Ce dernier considère que « La loi et ses décrets d’application constituent un pas en avant, dans la prise en compte de l’absolue nécessité d’une cohérence entre missions et organisation, entre missions et gouvernance. Il s’agit donc d’une étape que nous voulons franchir en sachant qu’elle en appellera d’autres ».

En fait, ces positions ne sont pas nouvelles. Le refus de signer le protocole du MEDEF, en septembre 2009, a été décidé par la CFDT en opposition avec sa propre délégation. La CGT avait été la dernière des organisations syndicales à se prononcer contre. Les congrès de ces deux organisations, qui ont suivi peu après, n’ont pas évoqué la question de la médecine du travail. Plus tard, quand la loi sera discutée au Sénat et fortement critiquée par les élus de gauche, les positions des sénateurs seront rendues plus difficiles du fait des initiatives concertées de ces deux organisations syndicales. Les élus ont eu à prendre en considération un courrier commun, adressé par les directions des deux Confédérations aux présidents des commissions sociales des deux assemblées, soutenant le projet de texte et appelant à son vote.

Le projet de décret d’application de la loi du 20 juillet 2011 met donc logiquement en oeuvre le programme du MEDEF.

La démédicalisation est mise en place en supprimant la notion de population de salariés en charge et d’effectif maximum surveillé par médecin.
La Commission Médico-Technique des SIST est élargie à tous les personnels, à raison d’un représentant pour 8 salariés (Médecins, IPRP, Infirmiers, personnels administratifs « Assistants de Service de Santé au Travail »). Les propositions relatives aux priorités du service et aux actions à caractère pluridisciplinaire que la CMT pourrait initier sont soumises à l’accord du Conseil d’Administration. La CMT est, en fait, réduite au rôle d’instance de consultation sur les questions de fonctionnement du SIST.

Les modalités de l’exercice de la surveillance médicale des risques professionnels échappent aux obligations opposables à l’employeur et sont déterminées in fine par les chefs d’entreprise au gré des accords ou conventions locales, c’est la « contractualisation ».

L’ouverture aux médecins non spécialistes est confirmée sans autre garantie qu’une vague formation.
L’équipe pluridisciplinaire créée par la loi ne trouve dans le texte aucune définition précise de son rôle ou de son fonctionnement.
Il en est de même de celui du médecin du travail qui « avec l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail qu’il anime et coordonne, conduit des actions sur le milieu de travail et procède à des examens médicaux. »

Le projet de texte allège le contrôle social (celui qu’avaient jusqu’à présent les représentants des salariés sur leur SIST). Le Conseil d’Administration pseudo paritaire, qui tient ses prérogatives d’Assemblées générales d’employeurs, décide. Présidé par un employeur qui dispose d’une voix prépondérante, il se contrôle lui-même. Les commissions de secteur (paritaires) disparaissent. La Commission de Contrôle garde pour mission de se prononcer sur le rapport annuel relatif à l’organisation, au fonctionnement et à la gestion financière du service et sur le rapport de chaque médecin, mais son secrétaire n’est plus choisi parmi les représentants des salariés mais désigné par les représentants des employeurs parmi eux. Son président n’est plus le Président du SIST, mais un salarié, ce qui permet aux employeurs de partager la responsabilité des atteintes à la santé du fait du travail avec les représentants des victimes des conditions de travail.
Dans les grandes entreprises, c’est actuellement l’employeur qui administre le service de santé au travail autonome (SA), mais sous la surveillance du CE. Avec le projet de décret, le CE risque de perdre une bonne part de ses prérogatives.

Le projet de décret réduit également le contrôle de la puissance publique, puisque toutes les conditions actuelles de l’agrément disparaissent. Le terme est conservé pour faire illusion mais n’a plus rien à voir avec le précédent. La seule obligation du SIST sera de transmettre un dossier au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, l’absence de réponse valant accord tacite. C’est ainsi que les personnels des SIST perdent le seul contrôle de l’Etat sur les moyens de travail minimum qui leur sont alloués. Les « obligations » de moyens qui pèseront sur les employeurs seront appréciées en tenant compte des réalités locales (lire la pénurie organisée).

Ce texte concrétise non seulement la mainmise des employeurs sur les actions de prévention des risques professionnels mais va au-delà. En effet, il charge les directeurs des SIST d’actions qui dépassent et dénaturent les objectifs fondamentaux de la médecine du travail (lutte contre les addictions, maintien dans l’emploi, etc.), actions sans aucun rapport avec la prévention des risques professionnels et des atteintes à la santé du fait du travail.

Ainsi, non seulement l’approbation des deux principales organisations syndicales peine à se justifier, mais elle encourage la surenchère du patronat. C’est ainsi que le CISME, organisation patronale pour la santé au travail, fournit des « données à prendre en compte » pour aller plus loin dans la déréglementation[1][1]. Il considère que les visites d’embauche prévues (à l’embauche) ne pourront pas être faites et qu’il faut donc les limiter aux postes qu’il considère comme à risque. De même pour les visites de reprise : il propose d’en charger les infirmiers. Pour le reste, « si le principe d’une visite médicale tous les deux ans assurée par un médecin du travail devait être maintenu, il ne serait quasiment jamais respecté ». Leur solution est toute trouvée « Il parait opportun de parler d’entretien individuel plutôt que de visite médicale ». La fiche d’entreprise dont le « contenu doit être revu et contractuellement adaptable » doit être « confiée à l’équipe pluridisciplinaire » c’est-à-dire à un salarié sans protection. Selon le CISME, il faut limiter le nombre de cas de surveillance médicale renforcée (SMR), voire faire en sorte que « le suivi médical des salariés soumis à SMR devienne du domaine exclusif des médecins, celui des autres salariés étant à adapter dans le cadre de la contractualisation ». L’organisme patronal conclut en menaçant : « La non -prise en compte des réalités détaillées dans ce document mettra en cause le développement d’une prévention adaptée et applicable sur l’ensemble du territoire ».
Pourquoi les employeurs se gêneraient-ils, eux qui jusqu’à présent n’ont été réellement contrés que par les salariés de la profession ? Les travailleurs qui relèvent des SIST, ceux qui sont donc les plus visés par ces textes, représentent 93% des salariés du secteur privé. Il est inexact de dire qu’ils ne s’inquiètent pas de l’altération de leur santé du fait de leur travail. Notre expérience nous démontre quotidiennement le contraire. Ce sont ces personnes qui vont devoir demain négocier seules avec leur employeur des conditions de travail préservant leur santé. Ce sont leurs représentants aux CE, CHSCT, DP, DS etc., qui devront seuls en obtenir les réalisations. Bien loin d’un « pas en avant, dans la prise en compte de l’absolue nécessité d’une cohérence entre missions et organisation, entre missions et gouvernance », cette loi et son décret ne constituent qu’une régression sociale brutale. Comme toutes les dispositions socialement scélérates, ils associent reculs social, scientifique et professionnel. Ils sont inadmissibles car ils frappent les plus faibles des plus faibles, ceux qui doivent négocier le droit de pouvoir continuer à travailler en dépit de leur santé, de leur handicap ou de leurs restrictions d’aptitude. Ils sont inacceptables car inutiles, improductifs, incompatibles avec le maintien d’une main d’oeuvre qualifiée indispensable à une industrie moderne. Il est des cas où le fil rouge du réel changement social est facile à placer. Pour nous, ce changement ne peut exister sans l’abrogation pure et simple de la loi du 20 juillet 2011 et de ses avatars réglementaires,

Le 20 janvier 2012
Le Groupement National « SAUVONS LA MEDECINE DU TRAVAIL »
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