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au secours, la Croix Rouge

Publie le lundi 14 février 2005 par Open-Publishing

AU SECOURS, LA CROIX-ROUGE !

Mis à jour le :15 janvier 2005. .
CONTRE MAUVAISE FORTUNE, ENCORE ET TOUJOURS DU COEUR AU VENTRE

Le jugement est tombé le 11 janvier. Suite à la plainte en diffamation déposée contre CQFD par la Croix-Rouge française et son ex-président, Marc Gentilini (parti en décembre, juste avant le tsunami, et qui doit se mordre les doigts en voyant son successeur lui voler la vedette sur tous les écrans du grand charity-show actuel), la 17e chambre correctionnelle de Paris nous a condamnés à 500 euros d’amende et à 1 euro symbolique de dommages et intérêts, seulement de Gentilini, pas pour la Croix-Rouge. S’y ajoutent 1 000 euros au titre des frais de justice. Au total, 1501 euros à raquer... Pour un canard oisif et chômant comme le nôtre, l’addition n’est pas bénigne et nous lançons, sans fausse honte, un appel à étrennes à nos lecteurs. Mais au vu des fortunes que réclamaient les humanitaires gourmands (65 000 euros au total), c’est une belle victoire. Un coup de rouge pour Me Emmanuel Nicolino, notre vigoureux avocat ! Déboutée, la Croix-Rouge ! Un euro pour Gentilini, et encore : symbolique ! N’empêche. Bien que fort occupée à faire le bien en Asie du Sud-Est et ailleurs, la CRF n’a jamais faibli dans ses ardeurs judiciaires. Et ceci malgré l’arrivée de l’excellent Jean-François Mattéi à la présidence de l’honorable institution (comment oublier le ravissant polo Lacoste de J.-F. lorsque, durant la canicule de l’été 2003, il déclara en substance depuis son lieu de villégiature sur la Côte d’Azur : « Pour l’instant, tout va bien ! »).

Il faut dire que la vénérable société, sainte patronne des arbitres et pompier n°1 des conflits planétaires dispose non seulement d’un service de presse incroyablement attentif et chatouilleux, mais aussi d’un pool d’avocats plutôt teigneux, et pas du tout bénévoles, eux. Le cabinet Stasi, qui s’est illustré récemment en défendant les « copains » de la Direction des Constructions Navales de Toulon (malversations diverses et prêt illégal de main-d’œuvre dans les bas-côtés de la Défense Nationale) a démontré à cette occasion qu’il peut aussi embrasser de nobles causes : il s’était chargé d’étriller proprement notre dangereux « journal de voyous » devant les juges. Une performance qu’il estimait valoir 5 000 euros. Alors, d’après le principe selon lequel on a les ennemis qu’on mérite, on pourrait se demander ce que fait le mensuel au clébard furieux dans les petits papiers de ces bons samaritains ? La réponse tient peut-être au fait que l’acte charitable a besoin d’une complète passivité des assistés pour pouvoir garder commodément la pose. Et nous, bien qu’un peu efflanqués, nous n’arrêtons pas de remuer et de montrer les dents. Ni puissants, ni larmoyants, nous ne sommes pas photogéniques. Pour mieux comprendre les fondements d’un tel acharnement humanitaire (un autre procès nous attend, voir page 2), écoutons un peu le sieur Michel Brochier, homme d’affaires, conseiller d’arrondissement sur la liste de Charles Millon et président de la Croix-Rouge de Lyon, qui expose dans le magazine Acteurs de l’économie ses conceptions sociales et les raisons de sa participation à un club très sélect de notables locaux, le Cercle de l’Union : « Ici, pas ou peu de femmes, pas de teintes hétérogènes, pas de pauvres, pas de politique. [...] On y trouve des gens du même milieu : éducation, fortune, relations, critères de sélection qui font que l’on en est, ou espère en être, ou pas. [...] Eh oui, c’est mon milieu. » (citation dénichée par le Canard Enchaîné du 05/01/05).

Comme quoi, la bonne vieille école des dames patronnesses n’a pas encore dit son dernier mot. Sa philosophie est parfaitement synthétisée dans le laïus ci-dessus, mais aussi dans les actes récents auxquels la CRF sert de locomotive : ceux, par exemple, qui voudraient faire oublier à grands coups de « communication » que les six milliards de « l’extraordinaire élan de générosité » occidentale pour les victimes des tsunamis asiatiques sont une somme six fois inférieure à la dette extérieure payée chaque année par les onze pays concernés. Saignée financière contre laquelle aucune huile médiatique de la Croix-Rouge n’a cru bon de se mobiliser jusqu’à ce jour. On aiderait donc les pays sinistrés à relever la tête simplement pour qu’ils puissent continuer à honorer leur dette. Les mauvais esprits vont encore dire que la charité est une des conditions nécessaires à la perpétuation de l’injustice. À partir de là, il est somme toute dans l’ordre des choses qu’on s’efforce de faire valdinguer CQFD, ce « journal voyou », du côté des sinistrés plutôt que de celui de tels bienfaiteurs.

Publié dans CQFD n°19, 15 janvier 2005.