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Deux ans de discours xénophobes et recul des droits des migrants

par Maxime Azadi

Publie le jeudi 8 mars 2012 par Maxime Azadi - Open-Publishing
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Au moment où le président français Nicolas Sarkozy multiplie ses discours ouvertement xénophobes, la Cimade lance un appel pour une politique d’hospitalité. « Depuis 2009, les responsables politiques et les médias ont multiplié et légitimé les discours ouvertement xénophobes » déplore l’organisation.

Plus de 9 milles personnes ont signé l’appel pour une politique d’hospitalité lancé par la Cimade. Parmi les premiers signataires figurent des philosophes, historiens et des sociologues.

La Cimade est une organisation non gouvernementale qui accueille, oriente et défend les demandeurs d’asile, les réfugiés et tous les migrants.

La haine de l’étranger

Dénonçant la politique « inefficace qui provoque de surcroit des dégâts humains considérables et met en péril nos libertés », la Cimade affirme que « la haine de l’étranger ou de l’autre continue plus que jamais à scander le rythme des discours politiques, détournant le regard des citoyens des enjeux autrement plus graves de sous-emploi, d’inégalités sociales et d’injustice fiscale. »

« Dans ce contexte, l’intégration des immigrés est devenue une injonction généralisée, visant à discriminer les étrangers en s’appuyant sur l’argument de ‘l’assimilation’ à de supposées ‘valeurs communes’, qui ne sont que le masque d’un nationalisme d’exclusion. » ajoute-elle.

Parallèlement, la Cimade présente dans son rapport « Migrations. États des lieux 2012 » un panorama global des conséquences des politiques publiques en matière d’immigration depuis 2009.

« Les deux années passées depuis la publication de Migrations-État des lieux 2009 ont marqué des étapes supplémentaires dans le recul des droits des migrants, dans l’affirmation d’une politique sécuritaire mettant à mal les libertés et dans la stigmatisation des étrangers et des immigrés en France » conclut l’organisation, dans ce rapport est fondé sur l’expérience quotidienne, sur le terrain, de plus de 2000 militants.

Proposant une analyse des politiques publiques en matière d’immigration, la Cimade dénonce « les politiques européennes sécuritaires vis-à-vis des pays du Sud aux pratiques abusives des préfectures en matière d’hébergement des demandeurs d’asile en passant par les labyrinthes dans lesquels se perdent les demandeurs de visa ou les dérives de la politique du chiffre en Outre-mer. »

La Cimade publie également 40 propositions pour une politique d’hospitalité au moment où Sarkozy estimait qu’il y a "trop d’étrangers sur notre territoire", dans la course aux élections présidentielles.

Les révolutions arabes n’ont pas changé le système inégalitaire de l’Europe

Au niveau européen, Cimade attire l’attention sur les révolutions arabes qui ont « brusquement dévoilé au printemps 2011 la complaisance des États européens avec certains régimes autoritaires en échange notamment de leur collaboration dans la lutte contre l’immigration vers l’Europe. » Il dénonce, « Cependant, malgré la nouvelle donne politique, les États européens refusent de revoir le système inégalitaire qu’ils ont mis en place ces dernières années. Les États du sud de la Méditerranée se voient donc poussés, à nouveau, par un chantage économique, à remplir indéfectiblement leur rôle de ‘gendarmes de l’Europe’ ».

Selon le rapport, 60 % migrations internationales sont des migrations sud-sud, tandis que plus de 2000 migrants ont disparu en Méditerranée entre février et septembre 2011.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), cité dans le rapport, depuis la fin du régime de Ben Ali en Tunisie, le 14 janvier 2011, 25000 personnes sont arrivées sur l’île de Lampedusa.

« Tout en saluant la révolution, l’Europe n’a pas tardé à s’inquiéter des ‘risques migratoires et terroristes’ allant jusqu’à verrouiller des frontières internes à l’espace Schengen. La majorité des Tunisiens arrivés en Europe après avoir risqué leur vie en mer ont été expulsés ou vivent cachés, sans possibilité de régularisation. En comparaison, la Tunisie a accueilli au même moment près de 300000 personnes fuyant la guerre civile en Libye » affirme la Cimade.

Le budget de l’agence européenne chargée de la surveillance des frontières, Frontex, a augmenté de 254 % entre 2007 et 2011, ajoute l’organisation.

En France, la logique purement sécuritaire

L’organisation affirme qu’en France, « la logique purement sécuritaire de gestion des flux migratoires s’est matérialisée notamment par le fait que désormais toutes les questions relatives aux migrations relèvent du ministère de l’Intérieur. »

Contrôles d’identité massifs et systématiques

Malgré des condamnations par des juridictions françaises et par la Cour de justice de l’Union européenne, la France a continué d’organiser des contrôles d’identité massifs et systématiques à ses frontières terrestres, intérieures à l’espace Schengen, rappelle l’organisation. « Il est vrai que cette pratique, interdite par la Convention de Schengen, permet d’interpeller et d’expulser 10 000 personnes chaque année, soit un tiers des objectifs fixés par le gouvernement. Enfin, l’année 2011 a été marquée par le désaveu par la Cour de justice de l’Union européenne du délit de séjour irrégulier appliqué en France. »

Des chiffres accablants

*28 000 personnes étrangères ont été expulsées depuis la Métropole en 2010.

*Le quota est fixé à 30 000 pour 2011.

*35 000 migrants ont été expulsés depuis l’outre-Mer dont 26 000 uniquement depuis Mayotte.

*356 enfants ont été enfermés en centre de rétention en Métropole. On estime que 6 000 enfants ont été enfermés puis expulsés depuis Mayotte.

Humilier, précariser pour mieux dissuader

« Aux guichets des préfectures et des consulats, il est de plus en plus difficile pour les étrangers et étrangères de faire valoir leurs droits, qu’ils soient touristes, hommes d’affaires, étudiants, travailleurs, demandeurs d’asile ou réfugiés. »

« Depuis quelques années, c’est une véritable politique visant à les dissuader et à les décourager d’entamer les démarches pour entrer ou séjourner légalement en France qui a été mise en place. Car le discours sur l’immigration « choisie » de 2007 est bel et bien enterré, aujourd’hui l’objectif du gouvernement est de réduire l’immigration légale. »

Les personnes étrangères incarcérées

« S’il est difficile pour les personnes étrangères de faire valoir leurs droits auprès des administrations, cela est presque impossible pour les personnes étrangères incarcérées. Celles-ci représentent 18% de la population carcérale alors qu’elles ne représentent que 7% de la population française. En effet, à infraction égale, elles sont plus souvent condamnées à des peines de prison ferme que les personnes française. »

L’obsession de la fraude

« À toutes les échelles, la suspicion a été élevée en mode de gouvernance. Les étrangers sont soupçonnés de vouloir profiter du système social français alors même que la plupart n’en ont pas la moindre connaissance, les conjoints de Français de simuler des fausses intentions pour faire des mariages dits ‘gris’, les étudiants de s’inscrire à l’université dans le seul but de pouvoir séjourner en France, etc. Dans cette même logique, le gouvernement s’en est pris aux demandeurs d’asile, considérés comme de possibles fraudeurs. Le nombre de procédures prioritaires, procédures utilisées en cas de « demande manifestement infondée » s’est considérablement accru. En 2011, 26% de l’ensemble des demandes d’asiles ont été examinées en procédure prioritaire, une procédure expéditive, qui ne garantit pas de véritable protection pour les demandeurs d’asile. »

« De plus, 14,5% des demandeurs d’asile ont été placés sous procédure Dublin. Finalement, seulement 60% des demandeurs d’asile ont accès à la procédure normale, sans pour autant, dans les faits, avoir accès à l’ensemble de leurs droits, dont le droit à l’hébergement. Les demandeurs d’asile sont devenus une variable d’ajustement des politiques migratoires restrictives. »

Étrangers malades sans droits

« L’adoption d’une nouvelle loi sur l’immigration le 16 juin 2011 a aussi été l’occasion de restreindre encore plus l’accès au droit au séjour pour les étrangers malades. Désormais seuls les étrangers dont le traitement approprié à leur état de santé est ‘absent’ dans leur pays d’origine ont droit de séjourner en France. Auparavant, les étrangers qui n’avaient pas accès au traitement approprié dans leur pays d’origine étaient protégés. En effet, tous les traitement sont théoriquement « présents » dans tous les pays du monde, mais encore faut il y avoir accès. 28 000 personnes étrangères gravement malades vivent et sont soignées en France. En restreignant ce droit au séjour, cette nouvelle disposition renforce la clandestinité, aggrave le non-recours aux soins, nuit aux actions de prévention et retarde la prise en charge médicale. Sans compter que l’accès à l’Aide médicale d’État a lui aussi été sévèrement restreint.

Or c’est grâce à cette aide médicale que de nombreux étrangers en situation irrégulière peuvent avoir accès aux soins. Ces réformes volontairement médiatisées et présentées comme des mesures de lutte contre les fraudes sociales, sont pourtant contraires aux impératifs financiers (traitement précoce moins coûteux qu’à des stades avancés) et aux principes de santé publique. »

Deux ans de discours xénophobes

« Depuis 2009, les responsables politiques et les médias ont multiplié et légitimé les discours ouvertement xénophobes. Port de la burqa, identité nationale, déchéance de la nationalité, chasse aux Roms, ces deux dernières années ont été marquées par une succession de polémiques qui ont largement contribué à stigmatiser les étrangers comme les Français d’origine étrangère Et les préjugés et idées reçues, pourtant battus en brèche par les chiffres et les réalités, continuent à rythmer les discours politiques. Les plus hautes autorités ont répandu l’idée que l’intégration serait un problème insoluble, voire qu’il serait impossible d’intégrer certains étrangers du fait de différences culturelles trop importantes. Ces discours décomplexés sont accompagnés de politiques publiques toujours plus restrictives en matière de naturalisation et d’intégration, celle-ci relevant désormais de la seule responsabilité des étrangers. » (http://www.actukurde.fr/)