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Note aux syndicats à propos des suicides à La Poste

par Jean-Louis

Publie le mercredi 14 mars 2012 par Jean-Louis - Open-Publishing
6 commentaires

La Poste est confronté à une véritable « crise des suicides » comme à France Télécom. Cela fait maintenant plusieurs suicides sur le lieu de travail qui mettent en accusation la politique de l’entreprise : une postière du centre financier de Paris, un cadre supérieur à Rennes, un cadre supérieur sur la plate-forme de Tregunc. Plusieurs tentatives de cadres supérieurs, peu médiatisées, ont aussi eu lieu.

Cette note résulte d’une discussion en Bureau Fédéral la semaine dernière avant le second suicide en Bretagne. Pour SUD, ces évènements dramatiques ne sont qu’un élément de l’immense mal-être au travail des postières et des postiers, quel que soit le métier, qu’ils soient agents d’exécution ou cadres. Ce mal-être s’exprime de diverses façons : nombre d’arrêts-maladies, fatigue, perte de sens du travail, autoritarisme, pressions du management à tous les niveaux et objectifs démesurés... Cela concerne tous les métiers, même si le Courrier est en pointe dans l’affirmation de son autonomie et a un management particulièrement rigide et totalitaire.

Le Président de La Poste, responsable de la stratégie mortifère du groupe, reçoit successivement toutes les organisations syndicales cette semaine et SUD sera reçu le 16 novembre. Il affirme sa volonté de poursuivre l’ « effort d’adaptation de l’entreprise » et que « les conclusions auxquelles onarrivera ensemble avec les organisations syndicales ne freinent pas la dynamique de modernisation de l’entreprise ». Les mesures annoncées ne seront donc sans doute pas du tout à la hauteur des enjeux et de la crise sociale que révèlent les récents suicides.

C’est l’échec d’une stratégie que nous dénonçons depuis le début, le point de rupture est largement atteint et ce doit être une occasion de faire jouer un rapport de force et de l’installer dans la durée. Pour ce qui concerne SUD, nous exigeons un arrêt des réorganisations. Ce doit être un leit-motiv de notre campagne. Et nous exigeons de pouvoir discuter de l’ensemble des problèmes de management et d’organisation du travail qui sont à la source du malaise actuel.

FO a fait la proposition d’une rencontre des fédérations syndicales. Nous verrons s’il est possible d’aboutir à une position commune. Pour le moment, SUD, CGT et FO réclament l’arrêt des réorganisations. Ce n’est pas forcément la position de toutes les organisations syndicales. Néanmoins, il semble qu’il va y avoir une déclaration commune parlant d’arrêt des réorganisations. Lors de la rencontre avec Bailly et dans notre expression publique, nous développerons les éléments ci-après qui viennent compléter la note et la motion CF.

Un nouveau communiqué de presse sera publié à l’issue de la rencontre avec Bailly. Un tract sera élaboré et nous verrons quelles initiatives unitaires pourront être prises au delà de notre propre campagne.

Une crise de la ligne managériale

 Cette crise est le résultat de la métiérisation qui fait qu’en termes de règles et de déploiement de la stratégie, chaque métier fait ce qu’il veut et que les règles varient d’un métier à l’autre. Cette métiérisation, c’est la stratégie de Bailly depuis 2003 et c’est donc lui qui est responsable du désordre actuel En outre, la décentralisation des décisions jusqu’au Chef d’Etablissement (cf : Responsabilisation du Management) entraîne une déliquescence de la gestion en matière de règles RH. Tout et n’importe quoi se fait. Souvent les agents n’ont plus personne à qui s’adresser pour avoir une réponse.

 Il s’agit donc pour nous, à rebours de la tendance actuellement à l’oeuvre, de porter la
recentralisation du pouvoir de décision et de définition des règles applicables, seule façon de redonner des repères aux agents et aux managers. Cela passe par la reconstitution d’un réseau RH unifié répondant aux besoins de tous les métiers. Les managers se trouvent dans la position de prendre les décisions et de les assumer face au personnel alors que la définition des contraintes qui pèsent sur les décisions ne se fait pas à leur niveau. Cela les place dans des contradictions insurmontables.

 Le système de direction mis en place refoule l’expression des interrogations et des
désaccords sur la base d’un discours où il n’y a qu’une seule stratégie possible. La culture du résultat et de la performance conduisent également à gommer les problèmes rencontrés. Les problèmes ne remontent donc pas la ligne hiérarchique qui est de fait coupée de la réalité de l’entreprise.

 Cela se traduit par des objectifs surdimensionnés et un accroissement des pressions
managériales à tous les niveaux. Les pertes de repères et de sens du travail
Ce qui crée un malaise dans le personnel, c’est l’évolution de l’entreprise vers une simple logique de pure productivité ou une logique purement commerciale au détriment de l’esprit de service public.

Factrices et facteurs sont heurtés par une logique qui les éloigne des usagers, sauf à monnayer le service (Bonjour Facteur). De même pour la transformation du métier de guichetiers en métier de banquier. De façon plus générale, des personnels se sentent dépossédés de la maitrise de leur travail et ne peuvent plus exécuter ce qu’ils considèrent comme des tâches de qualité. Cela touche tout particulièrement les plus anciens qui voient que les notions de service public sont vidées de tout contenu.

Il y a aussi une perte de repère sur le statut individuel des agents, fonctionnaires ou salariés et confrontés pareillement au harcèlement permanent des encadrants, du simple flicage aux entretiens de « recadrage » en passant par les avertissements écrits. Autre aspect important, la notion d’incertitude qui pèse sur le futur des postières et postiers, agitée en permanence par les patrons dans un discours sur les « défis majeurs » que doit affronter La Poste. Alibi de toutes les réorganisations cette « pensée unique » ne laisse pas d’alternative ou d’espace au questionnement, à la discussion.

les réorganisations permanentes

La mesure prise en juillet 2010 de ne pas faire de nouvelles réorganisations dans un délai inférieur à 18 mois ne suffit pas. De fait, entre le temps de préparation de la réorganisation et l’apprentissage de la nouvelle organisation, le temps de stabilité est trop retreint. D’autant que dans le cadre des innovations, des évolutions sont préprogrammées dans des délais inférieurs aux 18 mois.

L’option de la direction est d’accompagner les personnels pour mieux les adapter à « l’accélération du changement », mais on a atteint les limites à partir desquelles, les individus sont en difficulté pour s’adapter, quel que soit l’accompagnement « au changement ». D’autant que les organisations sont bousculées par le manque d’effectifs et la pression sur les volants de remplacement et cela dans tous les métiers, notamment à l’Enseigne et à la Distri. Cela induit changements d’horaires, charges de travail supplémentaires, organisation du travail différentes.... En outre, les baisses de trafic ou des flux de clientèle n’entrainent pas une baisse de charge de travail équivalente. D’où l’exigence d’arrêt des réorganisations.

L’intensification du travail

L’intensification du travail sur le plan physique et sur le plan de la mobilisation mentale s’accroit et se traduit par des états de fatigue et d’épuisement ainsi que par des dépassements horaires récurrents (cadres, distribution...). Dans certains services, les heures supplémentaires sont un moyen de pallier au manque d’effectifs mais se traduisent par une fatigue accrue. L’intensification du travail et la difficulté à y répondre alimentent le stress et le mal être au travail qui retentissent évidemment sur la vie personnelle.

Messages

  • A La POSTE : L’inspection du travail met en cause JP BAILLY pour mise en danger de la vie d’autrui et homicide

    Un jeune cadre et père de famille de 28 ans s’est tué mercredi 29 février en sautant du dernier étage de La Poste République à Rennes, en plein centre ville et devant des dizaines de personnes. Sa direction avait prévu de le muter le lendemain même de son suicide. (lire l’article du point).
    Un autre cadre, en arrêt maladie, s’est pendu sur son lieu de travail, dimanche 11 mars, 10 jours avant de reprendre le travail : selon les syndicats "il n’acceptait pas de faire subir à ses collaborateurs les pressions qui l’ont conduit au burn out" (lire l’article de 20 minutes)
    Ces gestes désespérés interviennent après la tentative de suicide d’un autre cadre, humilié devant ses pairs par sa direction pour lui faire abandonner son poste (lire l’article de l’Observatoire ) ,et après la défenestration en septembre 2011 d’une salariée du centre financier de Paris, lors de l’échec de sa reprise du travail après congé longue maladie.
    Les syndicats soulignent la responsabilité de l’entreprise qui « se lance dans une
    politique de restructurations incessantes et de mobilité permanente destabilisant l’ense
    mble du personnel de la POSTE »
    Après RENAULT et ORANGE nul ne peut ignorer les conséquences destructrices de ce type de management.
    L’Inspection du Travail ne s’y est pas trompée : Suite au suicide de septembre 2011 au
    centre financier de Paris, son enquête a conclu à une « faute caractérisée » des dirigeants de La POSTE , qui n’ont pas évalué les risques psychosociaux induits par leur politique de réorganisation, exposant ainsi leurs salariés à des risques d’une particulière gravité :
    « S’agissant des risques psychosociaux, j’ai constaté qu’ils sont analysés dans le
    document d’évaluation des risques sous l’angle du stress et des violences internes et externes.
    Cependant, il n’est pas fait mention du risque psychosocial sous l’angle de
    l’organisation du travail et de l’impact humain des réorganisations malgré l’analyse du
    médecin du travail qui mentionne des risques organisationnels et un risque
    psychosocial lié aux réorganisations » . L’inspection du Travail a donc transmis
    au parquet un rapport mettant en cause JP Bailly, PDG de La Poste, pour mise en
    danger de la vie d’autrui et homicide involontaire, au titre de l’article 221-6 du code pénal :
    Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende. En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75000 euros d’amende .
    Le syndicat SUD s’est porté partie civile Lire la lettre de l’Inspection du travail avec les
    commentaires des syndicats.
    .
    On lira également avec profit dans la presse (voir l’article du monde) les extraits du rapport d’expertise de l’ ISAST : l’expertise, conduite à la demande du CHSCT concerné, alimente et renforce l’argumentaire développé par l’Inspection du Travail et souligne en quoi l’organisation et le management de La Poste mettent en danger la santé des salariés.
    Source : http://www.observatoiredustressft.org/index.php?view=article&catid=37%3Acommuniques-de-l-observatoire-du-stress&id=2053%3Aa-la-poste-linspection-du-travail-met-en-cause-jp-bailly-pour-mise-en-danger-de-la-vie-dautrui-et-homicide-involontaire&format=pdf&option=com_content&Itemid=67

    • Et il n’y a pas que les suicides il y a tous les agents qui subissent des mesures arbitraires distillés par des petits chefs imbus du peu d’autorité qu’ils détiennent.

      Appuyés par des sbires à qui on fait miroiter un semblant d’avancement, un peu plus d’autonomie. Ces petits "collabos" devraient regarder un peu en arrière, comment par exemple en 1941 certains n’ont pas hésiter à dénoncer qui leur voisin un peu trop mat de peau, qui un peu trop contestataire, envoyant parfois à la mort ces gens qu’ils cotoyaient tous les jours.

      Des agents donc qui ne se suicident pas forcément mais qui sombrent pour certains dans la dépression pour d’autres dans des débuts de déprime.

      Un miroir de la société capitaliste et ultra libérale, un monde à la Sarkozy, au mérite de celui qui sera parfaitement servile.

      "L’arbitraire est au moral ce que la peste est au physique"

  • Avant, La Poste et les Télécommunications étaient réunis en un seul ...

    SERVICE PUBLIC

    Et il n’y avait pas de suicide dû au travail.

    C’est depuis la privatisation qu’il y a tous ces problèmes !

  • On pourrait parler de l’ONF ou de Renault aussi...
    c’est une "stratégie managériale" généralisée.

    • Même situation à l’Education Nationale : atteintes aux statut des professeurs, mise en cause de la transmission des connaissances, autoritarisme borné des proviseurs et principaux incompétents, enseignants livrés seuls à la vindicte de certains élèves appuyés par certains parents...

      TOUS ENSEMBLE : GREVE GENERALE !