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A propos d’un « djihadiste solitaire » ...

par Vivian Petit

Publie le jeudi 22 mars 2012 par Vivian Petit - Open-Publishing
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Ce qui devait arriver arriva. Particulièrement présent en Amérique du Nord dans les années 1990, le phénomène des tueries en milieu scolaire a touché la France. Pour ceux qui veulent prendre au sérieux la béquille existentielle de l’assassin, l’homme était un « djihadiste solitaire » « autoradicalisé », qui passait ses nuits sur internet devant des images de décapitations. L’acte commis par cet individu isolé serait « religieux » et « politique », et tant pis pour ceux qui pensent que ces notions renvoient au collectif. Tant pis aussi pour ceux qui savent que le 29 janvier 2010, au Sénat, Alain Chouet, qui fut directeur de la branche « antiterroriste »de la DGSE de 2000 à 2002 avait affirmé qu’« Al Qaida est mort en 2002 ». (1)

En réalité, l’injonction des sociétés occidentales à « être quelque chose » pousse des individus à n’être plus rien au point d’en souffrir. La conscience du vide qui hante le monde va croissante. Que, depuis un siècle, de Joyce à Houellebecq, un grand nombre de héros de romans soient l’incarnation du rien devrait donner à réfléchir. (2) N’ayant rien à dire ni à faire, l’homme a donc tué pour la célébrité, et s’est saisi d’une cause pour légitimer son acte. Il y a quelques années, avant la marque Al Qaida, c’était celle de la Légion qui semblait le faire rêver de la même manière. Par ailleurs, nous savons que les auteurs de l’attentat de Londres (le 7 juillet 2005) n’étaient pas particulièrement pratiquants, et ne prirent contact avec « la nébuleuse Al Qaida » que quelques jours avant l’attentat planifié de longue date ...

L’événement a donné à la majorité des candidats à la présidence l’occasion de s’unir contre la barbarie, sur l’air du « Il faut défendre la société » cher aux pacificateurs. Il ne faut pas importer les conflits du Moyen-Orient, disent ceux là même qui utilisent en banlieue les techniques de contre-insurrection expérimentées dans les guerres coloniales. Ne pas importer les conflits du Moyen-Orient sur notre territoire, selon ceux qui ont imposé la présence de soldats à l’intérieur des gares. Pas d’amalgame entre les conflits du Moyen-Orient et les tensions qui traversent la société française enfin, pour Juppé qui s’exprimait à Jérusalem en compagnie du président de la Knesset, après que ce dernier eut dressé un parallèle entre l’assassinat d’enfants en France et les ripostes palestiniennes aux violences des colons de Cisjordanie. (3)

Le meurtrier n’a évidemment pas « mis la France à genoux ». L’effondrement du vieux monde était déjà inexorable avant qu’un solitaire ne cherche son heure de gloire. Pas plus que les observateurs n’avaient eu besoin de ces assassinats pour gloser sur le délitement du corps social. Un salaud doublé d’un crétin.

Notes

1 L’intervention d’Alain Chouet lors du colloque organisé au Sénat est visible à cette adresse : http://videos.senat.fr/video/videos/2010/video3893.html

2 Sur le vide de l’homme moderne, nous pouvons nous référer à Théorie du Bloom de Tiqqun, éditions La Fabrique, 2004. Sur les liens entre le sujet atomisé et les tueries en milieu scolaire ou familial, voir Quelques actions d’éclat du Parti Imaginaire, dans Tiqqun, Organe conscient du Parti Imaginaire - Exercices de Métaphysique Critique, auto-édition, 1999. Ces textes sont disponibles sur le site http://www.bloom0101.org

3 La tuerie étant soit disant commise pour venger les enfants de Gaza, il n’est pas inutile de rappeler que le Hamas a exprimé son soutien aux propos de Catherine Ashton : « Quand nous pensons à ce qui s’est passé aujourd’hui à Toulouse (...), quand nous voyons ce qui se passe à Gaza et dans différentes parties du monde, nous pensons aux jeunes et aux enfants qui perdent leur vie ».Les propos de Catherine Ashton ont déclenché une vive polémique en Israël.

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