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J’espère que la Grèce va foutre le bordel !

par Georges Moustaki

Publie le jeudi 12 avril 2012 par Georges Moustaki - Open-Publishing
7 commentaires

La Grèce est mon pays d’origine. Je l’ai connue à 30 ans, et j’en suis tombé amoureux. Mes deux parents étaient grecs. Ils vivaient à Alexandrie, ville grecque, fondée par Alexandre le Grand. Alexandrie abritait aussi une école de philosophie qui en faisait la rivale d’Athènes. Mes parents étaient des fils d’immigrés. Mon grand-père paternel était tailleur, il confectionnait des gilets, des pièces uniques. Il a trouvé l’Égypte accueillante, il s’y est donc installé. Mon grand-père maternel, resté en Grèce, a subi des persécutions qui l’ont contraint à s’exiler, lui aussi.

J’ai attendu l’âge de 30 ans pour me rendre en Grèce. Je ne souhaitais pas faire mon service militaire auquel j’étais astreint si j’y allais. Chaque fois que je renouvelais mon passeport au consulat de Grèce, on me demandait "Et votre service ? C’est pour bientôt ? Quand vous rendrez-vous en Grèce ?" Je leur répondais : "Envoyez-moi une demande officielle, j’y répondrai". Mais, je n’ai jamais rien reçu. À l’ambassade parisienne, la secrétaire me répétait : "Méfie-toi, si tu vas en Grèce, tu risques de te faire attraper..."

Après toutes ces mises en garde, j’ai fini par mettre un pied en Grèce, mais à reculons, même si j’avais passé l’âge du service. Et finalement j’ai fait un voyage merveilleux qui jusqu’à aujourd’hui me laisse des traces affectives très fortes.

La Grèce, je ne peux pas en parler avec une grande rigueur politique. Aujourd’hui, quand mes amis m’appellent pour me raconter leur situation, mon cœur se serre. Ce ne sont pas les plus pauvres, mais la crise a chamboulé tous leurs projets. Ils font partie de la bourgeoisie, ils ont fait des études, tout comme leurs enfants. Pourtant certains ont dû s’expatrier pour échapper à l’ouragan de la crise. Ceux qui sont restés et que l’on pensait à l’abri de tout commencent à connaître la misère.

Bien sûr, les plus riches, les grosses fortunes, les armateurs dont les bateaux battent pavillon maltais, s’en sortent toujours.

Ce que je vais dire maintenant n’est pas politiquement correct, mais à l’heure où la Grèce entrait dans l’Europe, les Grecs ont lentement glissé vers une caricature du modèle européen qu’ils enviaient, ouvrant moult boîtes et restaurants ostensiblement chics. Ils avaient un complexe, celui de croire que chez eux, c’était le tiers-monde et qu’il fallait faire aussi bien que les pays nantis. Ils auraient mieux fait de se réapproprier le mot "Europe" et de recréer un nouveau modèle, à leur sauce, plus enraciné dans leur culture. Après tout, l’Europe est un mot grec, qui signifie "celle qui voit bien".

Aujourd’hui, je suis heureux de voir que les Grecs sont très combatifs. Ils participent aux manifestations, signent des pétitions, lisent des déclarations. J’ai su que mon ami Theodorakis me disait que les Grecs essayaient d’imposer la voix du peuple à leur gouvernement, pour ne pas donner raison aux intérêts financiers de la communauté européenne.

J’espère que la Grèce va foutre le bordel. Ma sympathie va à cette attitude de contestation parce que ce n’est pas le peuple qui a créé la crise. Or, on lui fait en porter le poids. Finalement, c’est lui qui a le sens civique le plus développé, pas ceux qui veulent se conformer aux directives bruxelloises. Que le gouvernement grec ouvre grand ses yeux et ses oreilles.

Les Grecs sont très politisés. Avant la dictature des colonels, tout était sujet à discussion ; ils commentaient à tour de bras les événements politiques. À l’époque, j’admirais beaucoup le fait que les Grecs ne discutaient pas l’un contre l’autre, mais l’un avec l’autre. Comme s’ils avaient passé une sorte de pacte tacite, pour le bien commun.

Lorsque les Colonels sont arrivés au pouvoir, ma conscience politique s’est réveillée. Avant, je ne faisais que des chansons d’amour ou d’humour. Depuis, je n’ai eu de cesse de donner une tournure engagée à mes textes.

http://www.huffingtonpost.fr/georges-moustaki/crise-grece-bordel_b_1419117.html?ref=fb&ir=Canada+Quebec&comm_ref=false&src=sp

Messages

  • Très sympa cet article.Tous les peuples doivent "foutre le bordel", par-delà les frontières et les nations, dans un élan de solidarité internationale... mais il va falloir tout nettoyer, il va falloir se débarasser des "classes dirigeantes" , des "plans d’austérité" des "dettes", "crise", de toutes les foutaises que tentent de faire rentrer dans nos têtes quelques pourris qui laissent les autres crever ; bonne chance aux Grecs et bon courage à ceux d’ici, qui vivent en fait la même histoire sans le savoir encore.

  • Georges Moustaki soutient Philippe Poutou dont la parole "le touche"

    PARIS, 16 mars 2012 (AFP) - Le chanteur Georges Moustaki annonce soutenir le candidat à la présidentielle du NPA, Philippe Poutou, homme "attendrissant" dont "la parole le touche" et dont il juge les revendications "radicales et justes", dans une tribune publiée vendredi dans le Huffington Post.

    Dans cette présidentielle, "s’il y a un candidat dont les arguments m’interpellent, dans le sens où sa parole me touche, c’est Philippe Poutou", écrit le musicien, qui estime que le candidat "a l’air perdu dans l’univers politicien".
    "Il le dit lui-même qu’il ne sera pas élu, mais il tient à cette tribune pour que le monde ouvrier ait voix au chapitre. Et je trouve cela attendrissant, oui c’est le terme qui convient selon moi", poursuit Moustaki.
    "De surcroît, je trouve ses revendications radicales et justes", ajoute l’auteur du "Métèque", âgé de 77 ans.

    Le chanteur, qui avait soutenu Ségolène Royal en 2007, juge par ailleursque "le plus cabotin dans cette campagne, c’est Jean-Luc Mélenchon, qui est très bon".
    "Ma sensibilité se rapproche des libertaires, des grévistes. Pas d’une idéologie ni d’une mouvance. Je n’ai ni pour vocation ni pour mission d’imposer mes idées. J’ai des pulsions, des utopies...", précise-t-il.

    • à 77 ans , l’ami GEORGES a toujours les idées claires , et comme je sais que la maladie l’a contraint à abandonner sa carrière , j ’ai une amicale pensée pour lui en publiant une de ses plus belles chansons " engagées" même si je sais qu ’il n’aime pas beaucoup ce terme lui préférant celui de poète , qui ne peut être qu’ engagé .

      " SANS LA NOMMER ..."

      Je voudrais sans la nommer
      vous parler d’elle
      comme d’une bien aimée,
      d’une infidèle , une fille bien vivante
      qui se reveille
      à des lendemains qui chantent
      sous le soleil

      REFRAIN :
      c’ est elle que l’on matraque ,
      que l’on poursuit, que l’on traque
      c ’est elle qui se soulève,
      qui souffre et se met en grève,
      c’est elle qu’on emprisonne ,
      qu’on trahit qu’on abandonne,
      qui nous donne envie de vivre,
      qui donne envie de la suivre
      jusqu’au bout , jusqu’au bout

      je voudrais vous la nommer
      lui rendre hommage
      jolie fleur du mois de mai
      ou fruit sauvage ,
      une plante bien plantée
      sur ses deux jambes
      et qui traine en liberté ou bon lui semble

      REFRAIN :
      c est elle que l on matraque ...

      je voudrais sans la nommer l
      vous parler d’elle ,
      bien-aiméé ou mal-aimée
      elle est fidèle
      et si vous voulez que je vous la présente,
      on l’appelle REVOLUTION PERMANENTE

      REFRAIN :

      c’est elle que l’on matraque
      que l’on poursuit, que l’on traque,
      c’est elle qui se soulève ,
      qui souffre et se met en grève,
      c’est elle que l’on emprisonne,
      qu’on trahit , qu’on abandonne
      qui nous donne envie de vivre
      qui donne envie de la suivre
      jusqu’au bout jusqu’au bout

      jusqu’au bout , jusqu’au bout

      GEORGES MOUSTAKI