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Débat présidentiel : Sarkozy Pinocchio face à Hollande

par Donald Hebert, Céline Lussato

Publie le jeudi 3 mai 2012 par Donald Hebert, Céline Lussato - Open-Publishing
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Le "Nouvel Observateur" a décerné en direct quinze Pinocchios à Nicolas Sarkozy lors du débat avec François Hollande mercredi 2 mai.

François Hollande l’a répété : s’il est élu, il agira en tant que chef de l’Etat et non en chef de parti. Reproche que fait le candidat socialiste au président sortant : "Dites la vérité. Vous n’avez pas organisé des réunions pour les collectes de fonds à l’Hôtel Bristol avec Woerth ?"

  • Réponse de Nicolas Sarkozy : "Non"

Les articles de presse ont pourtant plu sur les réunions du "premier cercle", ce groupe de donateurs les plus généreux de l’UMP, et sur la présence du chef de l’Etat lors de ces rendez-vous dans de prestigieux hôtels parisiens. Et notamment celui-ci de 20 Minutes concernant une soirée au Bristol en 2009, mais aussi celui-ci du Nouvel Observateur en 2011, dans lequel c’est bien le chef de l’UMP Jean-François Copé en personne qui confirme la rencontre du chef de l’Etat avec ces donateurs.

  • "M. Berlusconi n’est pas dans mon parti"

Faux. La formation politique de l’ancien président du Conseil italien est bien membre du PPE, le Parti populaire européen. Le PPE est également la prolongation de l’UMP, le parti de Nicolas Sarkozy. Le chef de l’Etat ne peut considèrer que son parti s’arrête à la France. Car c’est en affirmant qu’elle faisait partie de la même formation politique européenne qu’il avait justifié le soutien officiel de la chancelière allemande d’Angela Merkel. C’est aussi en plaidant pour le droit à la politique interne en Europe que la majorité a défendu cette intervention allemande dans le débat de l’élection présidentielle française. Bien entendu, Nicolas Sarkozy a le droit de prendre ses distances avec l’ancien chef du gouvernement italien, mais de là à dire qu’il n’est pas du même parti, non.

  • "Votre état-major n’est composé que de socialistes"

Faux. Dans son équipe de campagne, François Hollande compte notamment Jean-Michel Baylet et Christiane Taubira, élus du Parti radical. 

 

  • "La frontière entre la Turquie et la Grèce est complètement ouverte"

Evidemment, Nicolas Sarkozy s’est laissé quelque peu emporter par sa défense d’une renégociation des accords Schengen – par ailleurs déjà en cours - qui garantissent la libre circulation au sein des pays qui en sont signataires. En dehors des efforts grecs pour maîtriser les 206 km de frontières dont le président sortant parle (dont seulement 12,5 km de frontière terrestre), plusieurs opérations sont en cours notamment sous l’égide de Frontex (l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’UE). Frontex a ainsi, par exemple, déployé de novembre 2010 à février 2011 près de 175 policiers des 27 pays de l’UE (opération RABIT - Rapid Intervention Border Teams). Et, en 2012, l’opération Poséidon Terre a continué la mise en place d’équipes d’intervention rapide aux frontières afin d’accroître le niveau de surveillance. Le gouvernement grec a par ailleurs entrepris de construire une clôture de sécurité le long de la frontière avec la Turquie.

 

Nicolas Sarkozy a tenté de prendre au piège son interlocuteur sur le thème de l’immigration, d’abord en lui faisant confirmer qu’il était pour le maintien des centres de rétention. Ensuite en citant une lettre que le candidat socialiste avait adressé à l’association France Terre d’asile dans lequel il disait souhaiter que les centres de rétention soient "l’exception". Et le candidat-président de conclure :

  • "Vous venez de vous contredire."

C’est évidemment faux. Dans la lettre adressée à l’association France Terre d’asile, François Hollande a écrit qu’il souhaitait que les centres de rétention soient l’exception. Il ne se prononce donc pas contre leur existence. Il n’y a tout simplement pas de contradiction.


  • Nicolas Sarkozy affirme que sa politique a permis d’exonérer d’impôts "80% des successions"

Ce chiffre n’est pas forcément faux, mais la formulation induit en erreur. Il faut en effet préciser que plus de 75% des successions étaient déjà exonérées avant les différentes réformes du gouvernement.

 

  • "La dette a augmenté de 500 milliards d’euros. (…) La cour des comptes dit que sur ces 500 milliards, 450 sont imputables au déficit structurel. Et 200 milliards, c’est la crise."

Bien évidemment, le chef de l’Etat se trompe dans son addition. La dette (au sens de Maastricht) était de 1.717 milliards fin 2011, selon l’Insee, et de 1.209 milliards fin 2007, soit une augmentation de 508 milliards d’euros. Que dit le dernier rapport des magistrats de la Cour des comptes sur la question ? Le déficit, qui chaque année creuse la dette, a atteint 7,1% du Produit intérieur brut (PIB) en 2010. Sur ces 7,1%, 2,7 points sont dus à la crise, 3,7 points sont des déficits structurels, résultats des politiques de gauche et de droite depuis des décennies… et 0,7 point des déficits structurels provoqués par la politique de Nicolas Sarkozy. On peut donc attribuer un peu moins de 10% du déficit à sa politique. 

 

  •  "Quel est le seul pays qui n’a pas eu un trimestre de récession depuis 2009 ? La France."

Faux. La France a connu un trimestre de croissance négative : le deuxième trimestre 2011. En fait, le chef de l’Etat joue sur la définition de la récession - qui commence à partir de deux trimestres - et il serait plus exact de préciser que la France n’a pas connu de récession depuis le deuxième trimestre 2009. Ce qui est absolument faux, c’est de dire qu’elle est la seule dans ce cas.

En effet, l’Allemagne et les Etats-Unis n’ont connu qu’un semestre de croissance négative depuis le deuxième trimestre 2009, tout comme la France. Mais la Pologne et la Suisse, elles, n’en ont connu aucun.

 

  • "Il n’y a jamais eu de violence pendant les 5 ans de mon quinquennat."

Faux. Nicolas Sarkozy semble avoir oublié un épisode de son tout début de mandat : les émeutes de Villiers-le-Bel. Durant trois jours, du 25 au 27 novembre, de violentes échauffourées ont opposé plusieurs centaines de personnes aux forces de l’ordre après la mort de deux adolescents de 15 et 16 ans, tués lorsque leur mini-moto a été heurtée par une voiture de police. 

Lors de ces affrontements, des armes à feu ont été utilisés, 81 tirs étant recensés et 150 policiers blessés. Plusieurs villes voisines avaient été touchées, notamment Sarcelles, Gonesse ou Goussainville, où notamment des entrepôts ont été incendiés. Des violences tellement fortes qu’elles ont été couvertes par la presse internationale, et notamment par la chaine américaine CNN.

 

Le principe des Pinocchios de l’Obs :

Un Pinocchio = Une simple erreur, une imprécision.

Deux Pinocchios = Une erreur manifeste, un mensonge par omission

Trois Pinocchios = le mensonge prémédité, avec intention de nuire.

http://tempsreel.nouvelobs.com/les-pinocchios-de-l-obs/20120502.OBS0258/debat-presidentiel-nicolas-sarkozy-pinocchio-face-a-francois-hollande.html

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