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Procès Kerviel : Témoin Vs Témoin

par BAKCHICH

Publie le vendredi 15 juin 2012 par BAKCHICH - Open-Publishing

Un trader, cité par la Société Générale, a avoué avoir eu recours à des opérations ficitives dès 1997. Maxime Kahn a été chargé en 2008 de rattraper les pertes de Jérôme Kerviel.

Jeudi 14 Juin, 9h. Egéries de « chaines infos en continu » et JRI sont massés devant l’entrée de la Première Chambre de la Cour d’Appel ; on attend du lourd.

On se lève tous pour Mireille. Dommage qu’un jour pareil, elle ait maintenu ses deux micros en direction de ses assesseurs et qu’on doive tendre l’oreille. La première partie de l’audience est consacrée aux témoignages de Maxime Kahn et Philippe Houbé. Plus dissemblables, tu meurs.

Le premier, trader « star » de la Société Générale comme le qualifie Maitre Koubbi, barbe de trois jours et cravate fine, chargé de déboucler à la va-vite les positions de Kerviel.

Le second, au look de comptable de province, s’avancera d’un pas mal assuré ; première impression trompeuse.

Yes, la SG Kahn

C’est donc d’abord Maxime Kahn qui va focaliser l’attention. Il entrera peut être dans l’histoire des excès de la finance comme le trader chargé dans le plus grand secret par sa banque de « déboucler » (NDR : en résumé liquider et miniser l’impact) les positions explosives de Kerviel.

L’exercice est délicat. Il a été chargé par ses boss dans la journée du dimanche 20 Janvier 2008 d’une mission capitale qui doit débuter le lendemain. Trader senior, pas besoin de lui faire un dessin. Dans le plus grand secret, on l’enferme dans une petite salle du 7ème étage où on lui a aménagé un poste de travail, et roule ma poule…

Petit bémol : depuis le vendredi précédent, le marché pique du nez. Let the bathblood begin.

Compte tenu des sommes en jeu, la banque risque d’être accusée d’avoir eu un impact anormal sur le marché. On fixe donc par prudence une limite à 15% du volume qui sera ensuite réduite à 10%. Il doit rendre compte toutes les 30 minutes à Luc François de l’avancée de la situation par SMS.

Un débouclage express en 72 heures

Maitre Koubbi ne tient plus en place. Son interrogatoire suit toujours une même logique. Etait-il vraiment seul à déboucler ? A-t-il réellement terminé sa besogne mercredi en fin de journée ? Le résultat de l’opération est-il sincère ? La théorie du complot qui plane dans la Première Chambre depuis l’ouverture des débats prend de la consistance. Kahn ne se démonte pas, il en a vu d’autres ; il récite consciencieusement sa leçon. A tel point que même l’Avocat Général s’en émeut : Pourquoi avoir débouclé en 3 jours ?

Vaguement mal à l’aise, Kahn rappelle à l’assistance que les positions « surnaturelles » étaient d’un montant total supérieur aux fonds propres de la banque. A ce stade, la moindre indiscrétion pouvait l’exclure du marché inter-bancaire. Bref, liquidités en berne égal solvabilité en danger égal beaucoup de galères pour tout le monde.

Confidence valant son paquet de cash ? Il admet avoir pensé que sa mission consistait à couvrir la banque de façon « macro » sur les subprimes Américains. Tiens tiens … « Ne connaissant pas la réalité, j’envisageais l’hypothèse la moins improbable ».

Titillé par Koubbi et sommé d’obtempérer par la Présidente, Kahn va concéder s’être fait un bonus de « plusieurs millions d’euros » pour l’année 2006, payables en 2007.

Il laissera ensuite la barre au tant attendu Philippe Houbé.

L’homme inspire un mix de respect et de compassion. Il a pris des risques considérables pour venir témoigner. Dans la maison depuis près de 30 ans, il annonce un salaire brut annuel de 41000 euros. Un ange passe dans l’assistance.

Pour la faire courte, son analyse confirme ce que l’on savait déjà : en 2007, les opérations de Kerviel ont dégagé un résultat positif d’1,5 milliard : « je croyais au départ qu’il s’agissait de sacrifier une victime expiatoire pour le salut de la banque […] Je vois des dirigeants qui, pour défendre leurs postes et leurs privilèges, salissent l’entreprise[…] On insulte la profession, le bon sens et la justice[…] C’était techniquement impossible et réglementairement interdit ».

Des opérations fictives dès 1997

Prenant de l’assurance, il affirme que les positions de Kerviel ne pouvaient pas être dissimulées par « des petites bidouilles d’amateur » .

D’autant plus qu’en 1997, ce qu’il se fera prier pour admettre sous la pression de Maitre Koubbi, Kahn avait déjà débouclé les positions de l’un de ses traders ; là encore, dissimulées par des positions fictives. Comme pour s’en excuser, il affirme que l’ingéniosité de Kerviel était bien supérieure ; Indice 100 en 2008, la qualité des contrôles en vigueur en 1997 dépassait péniblement 30…

Kerviel « tournait comme un avion » comme le dira Phillipe Houbé, générant pour Fimat des commissions jackpot. C’est peut être dans cette direction qu’il faut chercher les causes profondes d’un aveuglement toujours aussi général qu’inexpliqué à ce stade du procès.

http://www.bakchich.info/societe/2012/06/15/proces-kerviel-temoin-vs-temoin-61445