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Lutte des classes en Russie (3) : dans l’agro-alimentaire

par Marie-Anne

Publie le jeudi 28 juin 2012 par Marie-Anne - Open-Publishing

Les luttes dans l’automobile ne sont pas isolées. D’autres secteurs sont aussi en mouvement.

La lutte contre le recours aux agences de main-d’œuvre dans l’agro-alimentaire

Ce secteur est globalement le fait d’entreprises transnationales. L’implantation syndicale y est difficile et fait face à une répression sévère. Les salariés luttent pour obtenir un minimum en matière de conditions de travail et d’application des normes légales en matière de rémunération.

En 2009, un syndicat s’implante à l’usine de fabrication de lait de conserve Verkhovski du groupe "Glavproduct", (elle-même détenue à 99% par l’américain Universal boissons). Avec l’appui du syndicat régional, ce syndicat réussit non seulement à se maintenir mais à gagner un nombre significatif d’adhérents qui lui ont permis d’établir le rapport de force. Ils ont réussi à arracher un certain nombre d’améliorations pour les ouvriers de l’usine. Malgré le refus de la direction d’entendre parler de la signature d’une convention collective, ils ont obtenu des vêtements de protection et la régularité des horaires de travail.

En 2012, l’arrivée d’un nouveau directeur donne aux ouvriers l’espoir d’être mieux écoutés, mais ils doivent vite déchanter. Ce directeur de combat s’est donné (ou a reçu) la mission de chasser le syndicat de l’usine. Il commence en février par licencier les deux responsables syndicaux, en toute illégalité, et ne ménage pas ses efforts pour imposer un « syndicat-maison » opposé aux véritables intérêts des travailleurs. Une procédure judiciaire est en cours pour faire annuler ces licenciements.

Mais la grande lutte des syndicats de ce secteur concerne le recours au prêt de main-d’œuvre, comme à l’usine Heineken de Saint-Pétersbourg. Les ouvriers ont fait grève à deux reprises en fin d’année 2011 pour l’amélioration des conditions de travail, contre l’annualisation des horaires et l’allongement des journées de travail, et l’externalisation de la main-d’œuvre : plus de 60% des salariés travaillant dans l’usine dépendent d’agences de main-d’œuvre. Les grévistes sont licenciés, mais le tribunal demande l’annulation de la sanction.

Scénario semblables dans les usines Baltika (Carlsberg) : à l’appel des syndicats, les ouvriers des différentes usines du pays, à Rostov, à Voronezh, à Yaroslavl et à Saint-Petersbourg, organisent des piquets de grève. Ils protestent contre la répression syndicale et en particulier le licenciement d’un responsable qui avait eu l’outrecuidance d’avoir porté, avec d’autres travailleurs, une réclamation devant l’Inspection du travail concernant des heures supplémentaires non payées. Mais la cible de leur action est l’extension de la précarité du travail et en particulier celle induite par la « vente » de main-d’œuvre. Outre la réduction des coûts, ce recours aux agences de travail est clairement une arme anti-syndicale, au côté de l’intimidation et du licenciement des militants.

Toutes les catégories de personnel y passent les unes après les autres, les chauffeurs, les gardiens, les ouvriers chargés de la mise en bouteille et ceux chargés du contrôle, de la maintenance… rien de tout cela ne colle vraiment avec l’image d’entreprise « socialement responsable » que Carlsberg veut donner d’elle-même auprès de ses salariés.

Instruit par l’exemple de Heineken, les syndicats de « Baltika » ont compris qu’ils devaient partir à l’offensive s’ils ne voulaient pas que la dégradation aille à son terme.

Parfois ce sont les salariés transférés à l’agence de main-d’œuvre qui déclenchent la lutte, comme à l’usine de fabrication de crème glacée "Inmarko" d’Omsk, appartenant à Unilever-Russie. Leur salaire et leurs indemnités maladie ont diminué, ils perdent des avantages connexes comme la prime de nuit. Le travail à la chaine est particulièrement intensif et ils n’en peuvent plus. Ces ouvriers transférés depuis un an à « Coleman Service » travaillaient pour la plupart depuis très longtemps à l’usine. Ils décident le 21 mai de se mettre en grève illimitée. Pour eux, c’est à Unilever de satisfaire leurs revendications. La grève les conduit à créer un syndicat dont l’assemblée constitutive a lieu le troisième jour de l’arrêt de travail. Ce dernier s’affilie au syndicat régional du commerce et à l’union locale d’Omsk. Il considère que sa tâche est d’offrir par la négociation collective des garanties sociales à tous les travailleurs qui s’impliquent dans l’entreprise, quel que soit leur employeur. Il dénonce le système de vente de main-d’œuvre comme une forme d’esclavage qui devrait être prohibée en Russie.

Unilever ne veut rien entendre et le bras de fer est engagé.

Voir aussi :
Lutte de classe en Russie : la réalité de l’exploitation capitaliste (1)
Lutte des classes en Russie (2) : les travailleurs s’organisent