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Critique du sport. Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain ?

par Antoine (Montpellier)

Publie le mardi 31 juillet 2012 par Antoine (Montpellier) - Open-Publishing
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Le titre complet est "Critique du sport. Faut-il jeter le bébé (ce « royaume de la loyauté humaine exercé au grand air ») avec l’eau marchande du bain ?"

Hier Euro de foot, Tour de France, maintenant Jeux Olympiques, le sport de compétition occupe le devant des scènes médiatique, économique, politique (Hollande vient de rendre visite à "nos" sportifs à Londres) et, disons-le, pour un nombre invérifiable de gens, mentale. C’est l’occasion de revenir ici sur la critique du sport qu’a tendu à incarner en France la revue Quel Corps ? fondée, dans les années 70, par Jean-Marie-Brohm et nombre de ses camarades "antisportifs" regroupés dans la Tendance du Manifeste du Syndicat national d’éducation physique (SNEP), syndicat où s’affirmait aussi, dans le cadre de l’Ecole Emancipée, sous l’impulsion, entre autres, également de JM Brohm, l’équipe du Chrono Enrayé.

Aujourd’hui, Quel Corps ? ayant disparu, son combat est mené par Quel Sport ? qui ponctue sa généalogie de la critique sportive par ces mots qui permettent de cerner la radicalité de sa propre approche critique : "La troisième mi-temps s’achève à présent pour les zélateurs des fabuleuses histoires, sociologies, psychologies, ethnologies et autres didactiques (didactures…) du sport. La tyrannie de l’idiotie culturelle, l’imposture des illusionnistes et la morgue des bluffeurs devront désormais compter sur une nouvelle ligne de résistance. L’encéphalite délirante des shootés du stade et des dopés de l’amphi est terminée ! S’ouvre désormais la guerre de mouvement prolongée contre la bastille sportive, ses moutons et ses flancs-gardes."

Face à ce positionnement de rejet radical du sport et de l’idéologie sportive, le philosophe montpelliérain Jean-Claude Michéa déploie sa critique de la marchandisation du sport sans renoncer pour autant à valoriser ce « royaume de la loyauté humaine exercé au grand air  » (Gramsci) que celui-ci parvient encore (pour combien de temps ?) à être et qui le rattache à la culture populaire. Culture populaire dont Michéa refuse le dénigrement que lui inflige l’idéologie "libérale" de gauche comme de droite.

Nous renvoyons ci-dessous aux textes de Quel Sport ?, Et maintenant, Quel Sport ? Petite généalogie d’une tradition critique et son Adresse inaugurale. Nous sollicitons en contrepoint l’entrevue accordée par Jean-Claude Michéa à Miroir du football, 06/07/2010 - Jean-Claude MICHEA : « Nous sommes tous mendiants du beau jeu ! » qui, bien que centrée sur le football, aborde la problématique générale du sport de compétition en rejetant "les analyses mécanistes d’un Jean-Marie Brohm" . Nous rappellerons au passage que le père de JC Michéa, Abel Michéa fut un des grands journalistes de la revue soeur de Miroir du football, Miroir du cyclisme, ainsi que des pages sportives de L’Humanité.

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Et maintenant, Quel Sport ? Petite généalogie d’une tradition critique par Boris Maquet

Si, comme l’affirmait André Breton, « en matière de révolte, aucun de nous ne doit avoir besoin d’ancêtres » ni de personnalités tutélaires, l’aventure de Quel Sport ? serait malgré tout bien vite soldée si nous cédions au chantage d’un temps qui élimine son passé pour donner l’illusion perpétuelle de la nouveauté, en nous attribuant les splendeurs d’une création ex nihilo. En une période comme la nôtre de grande vaporisation orwellienne — et de grands recyclages — des principaux acquis de la critique radicale du sport par les divers appareils d’État et leurs serviteurs volontaires chargés de faire pousser les cent fleurs artificielles de l’idéologie sportive (UFRSTAPS, INSEP, IUFM, IRIS, etc.), il est absolument nécessaire de retrouver le fil qui nous relie au conatus critique, à l’éthique de la résistance et aux agencements politico-théoriques polymorphes des enragés de la lutte contre le sport de compétition. Certes, « pour peu qu’on soit attentif, on pourra toujours deviner, dans le dernier avenir entré en scène, les présages du futur “bon vieux temps” ». Et les moins amnésiques parmi ceux qui ont encore une haute estime de la révolution permanente verront bien que de Quel Corps ? à Quel Sport ?, une filiation apparaît spontanément comme le signe d’une « hantologie4 » infinie. Mais sachant bien que l’attention dialectique aux traces et à l’infime n’est pas fournie — loin s’en faut — dans le prêt-à-penser de l’homo sportivus de campus, je voudrais rappeler ici, très brièvement, quelques jalons importants de la lutte menée contre le sport en France.

L’intégralité du texte

Adresse inaugurale, Quel Sport ?

Depuis la fin des années soixante-dix et le début de la mondialisation capitaliste, le sport-spectacle de compétition est devenu une gigantesque pieuvre multinationale aux innombrables ramifications institutionnelles, économiques, politiques et idéologiques. Toutes les grandes manifestations sportives (Jeux olympiques, Championnats du monde, Coupes d’Europe, Traversées transatlantiques, Tours du monde à la voile, Tournois de tennis et de rugby, Courses et Rallyes automobiles, Tours de France, d’Italie et d’Espagne, etc.) organisées par la World Compagny sportive ont eu pour résultat de distiller le même opium du peuple sur l’ensemble de la planète. La sportivisation totale et totalitaire de l’espace public est donc en marche. Ses effets idéologiques sont délétères : union sacrée, idolâtrie des champions, crétinisation des supporters, massification populiste, nationalisme, racisme, sexisme. Sa logique est mafieuse : violences physiques et verbales, dopages, manipulations biologiques intensives, corruptions, trafics, combines et arrangements en tous genres.

L’intégralité du texte

06/07/2010 - Jean-Claude MICHEA : « Nous sommes tous mendiants du beau jeu ! » (Miroir du football)

Ecrivain, professeur de philosophie et auteur de plusieurs ouvrages * dont Les intellectuels, le peuple et le ballon rond (Climats, 1998 et 2003), Jean-Claude Michéa connaît bien le football sur le mode pratique et il sait très bien en parler. Entretien.

Contrairement aux anciennes formes de domination, qui laissaient généralement subsister en dehors d’elles des pans entiers de la vie sociale, le système capitaliste s’effondrerait très vite s’il cessait de trouver de nouveaux « débouchés », autrement dit de plier à ses propres lois l’ensemble des institutions et des activités humaines qui lui préexistaient ou qui s’étaient développées indépendamment de lui (qu’il s’agisse, par exemple, de la création artistique, de la recherche scientifique, de l’urbanisme, de la vie familiale, de l’organisation du travail ou des multiples traditions populaires). Il aurait donc été étonnant qu’un phénomène culturel aussi massif et aussi mondialisé que le football échappe à ce processus de vampirisation.
Et, de fait, le football est devenu en quelques décennies l’un des rouages les plus importants de l’industrie mondiale du divertissement, à la fois source de profits fabuleux et instrument efficace du soft power (puisque c’est ainsi que les théoriciens libéraux de la « gouvernance mondiale » ont rebaptisé le vieil « opium du peuple »).

L’intégralité de l’entrevue

Illustration : 10306110955168119.jpg

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Michéa : « Jamais les nuisances du système capitaliste n’ont été aussi claires »...et pourtant... (Montpellier Journal)

L’endettement de la France en 1848 vu par Karl Marx (Le philosophe montpelliérain Jean-Claude Michéa exhume un texte de l’intellectuel allemand pour démontrer la pertinence de la critique socialiste du XIXe siècle. Un document d’une certaine actualité.)

Et pourtant le philosophe montpelliérain s’étonne, comme Georges Orwell en 1937, que le socialisme perde « du terrain là où précisément il devrait en gagner ». [...]

Sur le conservatisme d’Orwell, le philosophe rappelle que « tous les historiens des révoltes populaires, au Mexique, au Moyen-âge, etc. montrent toujours que les révoltes populaires prennent appui sur quelque chose du passé. » Et plus près de nous, il cite l’exemple d’une manifestation de paysans contre la loi visant à leur interdire de réensemencer leurs champs avec leur propre récolte. « Les représentants de la Confédération paysanne parlaient de droit ancestral et coutumier des paysans depuis le néolithique à disposer intégralement de leur récolte. »

L’article de Montpellier Journal

L’endettement de la France en 1848 vu par Karl Marx (Montpellier journal)

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Jean-Claude Michéa : « Arriver à reconstruire un front commun entre les gens ordinaires » (Montpellier journal)

D’après les sondages, 37% [des gens] ne se reconnaissent plus ni dans la gauche ni dans la droite et 67% (ça inclue ceux qui ne se reconnaissent pas et ceux qui se reconnaissent) disent : « Mais de toute façon, ça ne changera rien. » Ça veut donc dire qu’il se passe quelque chose dans la société. Si la gauche aborde ces travailleurs, ces employés, ces petits entrepreneurs en leur disant « devenez de gauche », c’est leur poser une contrainte symbolique qui fait qu’on va les éloigner.

Il faut trouver un langage anticapitaliste – en terme de peuple contre la nouvelle aristocratie – qu’ils peuvent entendre. Le problème a été posé dans la Première internationale quand un certain nombre de mouvements – parfois des bakouniniens – disaient : « Quand on est socialiste, on doit être athée. Travailleur si tu veux rejoindre l’Internationale du Parti socialiste, abandonne ta religion. » Et là, Marx et la majorité de l’Internationale disaient : « Mais attendez, c’est probable que l’athéisme est plus compatible avec le socialisme [qu’avec la religion] mais on ne peut pas les diviser sur ce problème secondaire. On va dire aux travailleurs : tu viens te battre sur un programme anticapitaliste et on ne te demande pas de renoncer à ta religion, à tes symboles affectifs, à ce qui donne un sens à ta vie, tant que tu es d’accord sur l’essentiel. » […]

L’article intégral

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Critique du sport. Faut-il jeter le bébé (ce « royaume de la loyauté humaine exercé au grand air ») avec l’eau marchande du bain ?

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