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Des ouvriers contre le crime industriel

par Pièces et main d’œuvre

Publie le vendredi 17 août 2012 par Pièces et main d’œuvre - Open-Publishing
4 commentaires

À Tarente, ces jours-ci, des ouvriers et des habitants dont le « niveau de vie » et le « pouvoir d’achat » dépendent d’un complexe industriel, proclament que leurs vies valent plus que leurs emplois.

Une grande manifestation d’ouvriers contre la fermeture de leur usine au nom de la défense de l’emploi et de l’économie : c’est ce qu’aurait dû être la journée du 2 août 2012 à Tarente, dans les Pouilles, au sud de l’Italie. Une ville dévastée par l’Ilva, aciérie monstrueuse qui a tué, blessé et rendu malades des centaines d’habitants et de travailleurs depuis cinq décennies (cancers, maladies respiratoires et cardio-vasculaires, surmortalité de 15 %), ravagé l’environnement et contraint la population à vivre recluse pour fuir les dioxines.

Le PIB d’abord. L’Ilva représente 72 % de celui des Pouilles. L’emploi est la « première des priorités », comme disent ici le Front de gauche, le PS, les Verts et les syndicalistes. Des emplois, l’Ilva en fournit 11 500 à Tarente. Aussi les centrales syndicales – CGIL, CISL, UIL – marchent-elles main dans la main avec le patron, Riva, troisième producteur d’acier en Europe. Ensemble, ils défendent leur machine de mort contre la décision de mise sous séquestre prononcée par une juge le 26 juillet 2012, pour raison de salubrité publique.

Le 2 août, donc, les ouvriers devaient manifester spontanément – en cars affrétés par la boîte – afin de donner l’image d’une ville mobilisée pour l’industrie. Mais la manip’, selon l’AFP, a tourné court. « La manifestation a été interrompue par des contestataires qui ont sifflé les dirigeants syndicaux présents dans le cortège et lancé oeufs et fumigènes. Ce groupe accuse les syndicats de collusion avec la direction de l’usine Ilva (groupe Riva) et de défendre l’activité de l’usine plutôt que la santé des ouvriers et des habitants de Tarente. Les contestataires ont pris d’assaut le podium où devaient s’exprimer les syndicalistes, notamment la leader nationale de la CGIL, principal syndicat italien, Susanna Camusso. Les forces de l’ordre sont intervenues mais le meeting a tout de même été suspendu. » (1)

Qui sont ces contestataires ? Des intellectuels coupés des masses, des ennemis du prolétariat drapés dans leur bonne conscience écologiste, diraient les syndicalistes d’Arkema, de PSA, de Doux, militants du NPA, de Lutte ouvrière, du Front de gauche, et autres souteneurs de la réindustrialisation. Lisons plutôt le récit de cet assaut luddite par ses coupables, membres des « Cobas » (Comités de base), du « Comitato cittadini e lavoratori liberi e pensanti », de « Taranto respira », entre autres.(2)

Ayant convoqué une réunion en place publique au son du tam-tam quelques jours avant la manif, les opposants à l’usine meurtrière ont constitué un comité d’habitants et de divers collectifs. Mais aussi d’ouvriers de l’Ilva qui ont de longue date dénoncé de l’intérieur ses ravages ; le payant parfois cher, dans la plus parfaite indifférence de la FIOM-CGIL, syndicat majoritaire auquel ils appartenaient pourtant. « "La santé prime sur tout le reste, même le travail", lance l’un d’eux ».(3) Objectif du comité : « attaquer frontalement Riva et ses responsabilités, CGIL-CISL-UIL et les politiques pour leur complicité ». Et de dénoncer le chantage exercé sur la ville par l’industriel, « le système maffieux clientéliste inimaginable » mis en place par le syndicat principal, un « système de peur, de chantage, de manipulation ». (4) Oui, mais l’emploi n’a pas de prix.

La distribution massive de leur tract ayant reçu bon accueil, les contestataires ont eu l’honneur d’une campagne d’intimidation des syndicats, annonçant une « invasion de No-TAV, de black blocks, des centres sociaux, et autres amabilités ». (5) L’histoire serait imparfaite si cette campagne n’avait été déclenchée par un « imbécile d’écologiste » (sic). « Pensez un peu à qui on a affaire ! », soupirent à juste raison les anti-Ilva. (6) De notre côté des Alpes aussi, les écotechs Verts font campagne pour une industrie durable. (7)

En dépit de ces manœuvres, les contestataires ont gagné la bataille du 2 août : après l’interruption des discours des leaders syndicaux, nul ne peut ignorer qu’à Tarente, une partie de la population, appuyée par des ouvriers de l’Ilva, proclame que nos vies valent plus que nos emplois.
Salut à ces ennemis du crime industriel, du parti industriel et de sa mafia.

Fermez Doux, PSA, les centrales nucléaires ! Fermez les usines et la société industrielle !

NOTES :

(1) AFP, 2/08/12

(2) www.cobas.it/Notizie/La-magn...

(3) Le Monde, 15/08/12

(4) www.cobas.it/Notizie/La-magn...

(5) www.cobas.it/Notizie/La-magn...

(6) Idem

(7) Cf L’Enfer Vert. Un projet pavé de bonnes intentions, par TomJo (éditions Badaboum, 2011), en ligne ici.

http://www.piecesetmaindoeuvre.com/spip.php?page=resume&id_article=383

Messages

  • Bellaciao est dans mes marque-pages car la variété des articles proposés permet de penser, ou nous empêche d’oublier de penser ..bon d’accord reste à agir....

  • BELLACIAO ? Un ballon d’oxigène dans le flot de démagogie , de mensonges, de mutisme, des médias officiels aux ordres ! Toujours que la même version officielle de l’actualité : RAZ-LE-BOL !!!

  • Fermez Doux, PSA, les centrales nucléaires ! Fermez les usines et la société industrielle !

    Il faudra également se taire mon ami, car l’outil avec lequel tu écris fait partie de cette société industrielle.

    De même que si on veut en finir avec cette société industrielle il faut se mettre d’accord sur un prix qui oscille entre 6 milliards et 6 milliards et demi de morts.

    Notre ami décidera dans chaque groupe de 10 de ses potes les 8 ou 9 à tuer.

     A la courte paille ?
     Au poker ?
     A pile ou face ?
     Au jeu du béret ?

    Pour l’exécution, que choisit-il en écartant les objets de la société industrielle :

     Par lapidation ?
     A coups de bâton ?
     On étrangle à deux mains ?

    C’est un type de société oppressive dont il faut se débarasser, un type de société qui méprise les vies et les libertés des travailleurs dont il faut se débarasser.

    Ta conclusion extensive n’est pas conforme avec les faits de Tarente.

    La question de l’aciérie de Tarente, c’est 1 tiers de la production d’acier italienne, 20 000 emplois et leurs familles dans une région sinistrée et sans boulot, mais c’est aussi 92% des rejets de dioxine de toute l’Italie, 12% des rejets de toute l’Europe.

    Une augmentation des cancers, des maladies cardiaques autour du site. Une pollution insupportable et inadmissible.

    Les menaces de fermeture du site ont amené une protestation et une mobilisation des travailleurs concernés qui voient leur gagne-pain risquer de disparaitre rapidement tout en continuant de payer un lourd prix en matière de santé.

    A l’inverse une partie des "gens" ont estimé que c’était là une opportunité de fermer une usine polluante.

    Il s’agit donc de se préoccuper des deux aspects, l’emploi et la santé, qui, nous le verrons, sont parfaitement liés, dans le négatif comme dans le positif, et surtout d’en finir avec la violence des décisions du capital, ses chantages pour faire payer à la société ses méfaits.

    En attendant une société meilleure où loin en amont des mutations industrielles soient effectuées afin d’avoir des industries non polluantes (0%) où l’obsolescence accélérée cesse d’être encouragée, où une décroissance d’un certain type d’industrie prédatrice soit construite, Tarente doit fermer et les travailleurs conservés localement, et collectivement.

    Les travailleurs, premiers à subir pollution et pertes d’emplois, n’ont pas à être les variables d’ajustement de la dépollution ou de la production.

    Pour le patron c’est simple. N’ayant pas tant investi en matière de dépollution et de recherche, ayant sucé jusqu’à la moelle les travailleurs du site, cherche à s’en débarasser maintenant, où à faire payer à l’ensemble de la société le maintien du site.

    On a là tout le caractère crapuleux du capitalisme industriel qui pollue des régions entières, en exploite les populations, sans jamais investir sur ce qui permettrait une activité pérenne des hommes et des femmes.

    De la mine de Salsigne, jusqu’aux terrils, des zones chimiques et industriels (de Seveso à une partie de la banlieue de Toulouse, en passant par le canal rhodanien et la mine d’amiante de Canari, etc), le capital industriel et l’appareil d’état au service de celui-ci n’ont cessé de provoquer des drames à long terme pour après se casser dans la nature, fermer des sites et s’en aller ailleurs perpétrer leurs crimes contre l’humanité.

    "On" n’accompagne pas le capital industriel quand celui-ci ferme ses sites après avoir sur-exploité et pollué, pour pouvoir sur-exploiter et polluer ailleurs.

    "On" défend les travailleurs dans leurs emplois comme dans leur santé, là où ils habitent si tel est leur choix.

    Il n’y a pas de chantage à effectuer entre santé et emploi.

    Sauf les crétins, tout le monde sait ce que représente le chômage en matière de mortalité précoce. Balancer les gens au chômage serait doublement les tuer, par leur santé agressée par la pollution, par le fait d’avoir leurs vies raccourcies extrêmement par le chômage.

    Aux âges actifs, chômage ou inactivité s’accompagnent d’une surmortalité, pour les hommes comme pour les femmes.

    Dans les cinq ans qui suivent l’observation du chômage, le risque annuel de décès d’un homme chômeur est, à chaque âge, environ trois fois celui d’un actif occupé du même âge.

    La mortalité des chômeuses est environ le double, à âge égal, de la mortalité des actives occupées. L’excès de mortalité des inactifs est encore plus élevé.

    La surmortalité masculine est accentuée en cas de persistance du chômage ou de l’inactivité. Les raisons de la surmortalité des chômeurs sont multiples : un état de santé déficient qui provoque le chômage, les conséquences financières et psychologiques du chômage de longue durée, le rôle « catalyseur » du chômage. Le statut matrimonial, le niveau de diplôme et le groupe socioprofessionnel expliquent également une part de ce surplus de mortalité des hommes chômeurs, mais jouent peu sur celui des femmes chômeuses.../...

    Ainsi, sur la question de tarente, les deux aspects concourants à la surmortalité : Effets de la pollution et avenir de chômeurs sont réunis si les deux questions ne sont pas combattues en même temps.

    Et cela passe par le fait de faire payer le capital italien, la bourgeoisie italienne pour la dépollution comme pour maintenir non seulement des emplois sur place mais des collectifs de travailleurs (car une entrepris c’est aussi un collectif de travailleurs).

    Sur la question des COBAS, ils sont très divers en Italie et mènent souvent des luttes dures de résistance face à des plans de licenciements dans des usines . Strictement comme les collectifs de travailleurs dans les usines de PSA, Continental, Ford, etc, dans lesquels les révolutionnaires de LO et du NPA sont.

    Ne pas essayer d’instrumentaliser les COBAS dans une seule direction. Les COBAS ont ceci de se battre afin que jamais en repartant par le fondamental : la démocratie directe, le contrôle étroit des travailleurs, ne rien lâcher sur le fond, etc...

    Merci.

    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=lbYnXFHzNeA

    http://www.youtube.com/watch?v=ev1z9TIJqmI&list=UUUble6c9TUgIfb6qIA8dqMw&index=9&feature=plcp

    • Pour vivre, un humain a besoin de 2500 kcal par jour. Ce n’est pas de manque de travail pour produire cette nourriture, et même vêtir et dormir correctement, point n’est besoin de TRAVAIL, mais de résoudre l’ACTIVITÉ humaine à ce qu’elle est : SOCIALE.

      Moi j’en ai marre du TRAVAIL : c’est le TRAVAIL qui FAIT le Capital, l’exploitation de la femme et de l’enfant par l’homme, la thésaurisation, l’INTÉRÊT sur l’argent, et autres insanités radio-active, chimique et pourrissements émotifs.

      Il faut résoudre le travail, comme ici ces gens qui ne veulent plus que leur travail TUE.