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Assange : l’Equateur et ses alliés lancent un avertissement à Londres

Publie le dimanche 19 août 2012 par Open-Publishing

L’Equateur a reçu un puissant soutien de ses amis de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA) alors que dimanche, Julian Assange s’apprêtait à faire sa première apparition publique depuis qu’il s’est retranché à l’ambassade équatorienne à Londres, le 19 juin.

Les ministres des affaires étrangères du bloc ALBA, qui comprend notamment le Venezuela, Cuba et le Nicaragua, ont averti le gouvernement britannique que l’entrée de la police dans l’ambassade équatorienne à Londres pour y arrêter le fondateur de Wikileaks aurait "de graves conséquences dans le monde entier", à l’issue d’un sommet d’urgence convoqué samedi soir à Guayaquil (nord-ouest de l’Equateur).

"Nous lançons un avertissement au gouvernement du Royaume-Uni sur les graves conséquences qui se déclencheraient dans le monde entier en cas d’agression directe contre l’intégrité territoriale de la République de l’Equateur à Londres", indique le communiqué. Le sommet avait été organisé deux jours après que Quito eut accordé l’asile diplomatique à M. Assange, réfugié à l’ambassade équatorienne de Londres pour éviter son extradition vers la Suède.

"Nous refusons les menaces intimidatrices proférées par les porte-parole du gouvernement du Royaume-Uni parce qu’elles violent les principes de souveraineté et l’intégrité territoriale des nations", ajoute la déclaration. "Les menaces proférées par le gouvernement du Royaume-Uni, qui supposent la possibilité d’une entrée indue dans le siège diplomatique de l’Equateur à Londres pour arrêter Julian Assange, constituent des actes d’intimidation attentatoires à l’intégrité territoriale de la République de l’Equateur", estiment encore les ministres de l’ALBA, même si le ministre des affaires étrangères britannique William Hague a démenti avoir cette intention.

"MENACES GROSSIÈRES"

Le président équatorien Rafael Correa avait également dénoncé samedi les "menaces grossières" de la Grande-Bretagne. "Jamais, au moins tant que je serai président, l’Equateur n’acceptera des menaces comme celle que la Grande-Bretagne a proférée cette semaine de manière totalement grossière, manquant d’égards et inacceptable", avait déclaré M. Correa à Loja (420 km au sud de Quito), à l’occasion d’un compte rendu hebdomadaire de travail.

Des messages laissés par des militants pro-Assange devant l’ambassade de l’Equateur à Londres.

Londres a pourtant assuré jeudi au plus haut niveau qu’il n’était pas question d’une intrusion dans l’ambassade. "Il n’y a dans cette affaire aucune menace d’un assaut de l’ambassade", a déclaré le ministre britannique des affaires étrangères William Hague, soulignant au contraire que le dénouement du cas Assange pourrait prendre "un temps considérable".

Les Equatoriens "ont déformé nos propos", a déclaré un responsable britannique. Mais pour Quito, qui affirme avoir reçu un document écrit évoquant la possibilité d’une intrusion, la menace persiste puisque, selon le chef de la diplomatie équatorienne Ricardo Patino, "il n’y a pas eu un autre document désavouant le premier document, ou des excuses pour la menace proférée".

Le cyber-militant australien, âgé de 41 ans, est réclamé par la justice suédoise qui veut l’interroger sur le viol et l’agression sexuelle de deux jeunes femmes qu’il nie avoir commis. Il redoute que son extradition vers la Suède soit le préalable à une extradition vers les Etats-Unis où il devrait répondre d’espionnage pour avoir publié sur son site des centaines de milliers de documents confidentiels américains.

UNE DÉCLARATION DEPUIS LE BALCON DE L’AMBASSADE ?

Jeudi, il avait annoncé sur Twitter qu’il "ferait une déclaration publique devant l’ambassade d’Equateur dimanche à 14 heures" (15 heures, heure française), soit "deux mois exactement après qu’il y est entré", et qu’il s’agirait de "sa première apparition publique depuis mars".

La question est à présent de savoir comment M. Assange pourrait sortir sans être aussitôt arrêté par la police qui cerne l’ambassade équatorienne. Julian Assange risque bien l’arrestation immédiate s’il sort devant l’immeuble de briques rouges situé derrière le magasin Harrod’s, et même s’il met les pieds dans les parties communes de cet immeuble, dont l’ambassade n’occupe qu’un appartement : en effet, elles sont considérées comme "territoire britannique", a confirmé le Foreign Office. La police a indiqué "qu’elle était au courant" de la possibilité d’une telle sortie et "mettrait en place le plan approprié", le cas échéant.

M. Assange pourrait cependant s’exprimer sans risque depuis le balcon de fer forgé blanc de l’ambassade, a laissé entendre une source officielle britannique. Samedi, un porte-parole de WikiLeaks a déclaré "ne pas avoir de détails sur la manière dont cela va se passer", ajoutant qu’il comptait garder pour lui le peu qu’il savait, "pour des raisons de sécurité".

Le casse-tête diplomatique autour du cas de M. Assange continuait pendant ce temps. Après la réunion de l’ALBA, l’Equateur a convoqué les ministres des affaires étrangères de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) dimanche à Guayaquil (Equateur) pour faire un point sur la situation, tandis que l’organisation des Etats américains (OEA) a annoncé qu’elle convoquerait une réunion le 24 août à Washington de ses ministres des affaires étrangères.

Lire : L’Equateur, le petit pays qui défie les grands

Les Etats-Unis, qui ont dit rejeter la notion "d’asile diplomatique" invoquée par l’Equateur, et le Canada, ont voté contre cette réunion. Quito a annoncé aussi envisager de saisir la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye pour contraindre la Grande-Bretagne à délivrer un sauf-conduit à M. Assange.

Le ton est aussi monté entre la Suède et l’Equateur, dont le ministre Ricardo Patino avait émis l’idée jeudi que Stockholm pourrait ne pas respecter les droits de défense de M. Assange. "C’est inacceptable", a commenté le premier ministre suédois Fredrick Reinfeldt.

Le ministre australien du commerce, Craig Emerson, a de son côté indiqué que l’ambassade australienne à Washington s’était "préparée à la possibilité d’une extradition" de M. Assange, avant de minimiser ces propos en remarquant qu’il est naturel que les diplomates se préparent à toutes les situations. "Il n’y a aucune preuve d’une telle démarche pour le moment", a-t-il assuré.

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