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Le père de Samer Al-Barq : “Chaque minute compte maintenant”

Publie le mardi 11 septembre 2012 par Open-Publishing

Parmi les prisonniers politiques palestiniens incarcérés en Israël et en grève de la faim, quatre détenus sont entre la vie et la mort. Le père de Samer al-Barq appréhende chaque coup de fil susceptible de lui annoncer la mort de son fils. Levons-nous pour sauver Hassan Safadi, Samer Al-Barq, Ayman Sharawna et Issa Al-Eisawy !

Le père de Samer al-Barq protestant devant l’ambassade égyptienne à Ramallah le 6 septembre et demandant à l’Egypte d’accueillir son fils.

Voici ce qu’écrit à ce sujet, Shahd Abusalama, qui vit à Gaza :

L’autre soir, je suis allée avec un groupe d’amis et de cousins à la plage pour échapper aux coupures de courant dans nos maisons. J’avais prévu de profiter du coucher de soleil et de respirer un peu d’air frais en discutant du mariage de ma sœur, dans un mois. Au lieu de cela, je me suis retrouvée disant combien j’avais honte d’être préoccupée par les études pendant mes examens au lieu d’écrire sur mon blog sur les grévistes de la faim. S’en est suivie une conversation interminable et émouvante à leur sujet. Il était très tard lorsque nous avons réalisé que nous étions tellement absorbés par la conversation que nous avions manqué le coucher de soleil.

"Pourquoi Samer al-Barq et Hassan Safadi ne sont-ils pas encore parvenus à la victoire, même après que leurs grèves de la faim aient battu tous les records ?" nous sommes-nous demandé.

Qui devons-nous accuser pour l’état critique dans lequel ils se trouvent ? Faut-il blâmer les dirigeants palestiniens, pour lesquels la question semble sans importance ? Ou ces hommes politiques qui font du commerce avec les vies des Palestiniens ? Ou les factions divisées qui se préoccupent plus de leur propre profit que de l’intérêt public ? Ou le mouvement populaire en Palestine qui n’a pas fait assez ? Ou la détérioration de la situation économique qui frappe la population en Palestine et qui les pousse à s’immoler par le feu, comme Ehab Abu Nada ? Ou la communauté internationale et les organisations pour les droits de l’homme qui se taisent tout en observant ces crimes contre l’humanité en Palestine, dans les geôles d’Israël, dans la prison à ciel ouvert de la Bande de Gaza ou en Cisjordanie occupée ?

Je suis troublée. Je peux excuser mon peuple opprimé, pour le renversement de leurs priorités. Il est lui aussi confronté à une mort lente sous le régime d’apartheid étouffant. Les gens sont préoccupés par leur survie quotidienne. Ils n’osent pas faire des projets d’avenir dans un endroit aussi instable d’un point de vue politique, économique et social.

Mais qu’en est-il des gens libres, dans le monde ? Nos grévistes de la faim sont des combattants de la liberté, ils luttent pour la justice, pour l’humanité. Pourquoi leur tourner le dos ?

Quand je suis revenue de la plage, j’ai téléphone à la famille de Samer, à Jayyous, un petit village près de Qalqilia. Mes mains tremblaient que j’ai parlé à son père. J’ai pensé qu’il serait content d’un appel de Gaza. Il le fut, mais dans mon cœur, je me suis sentie inutile et honteuse de l’appeler tard, car il attend l’annonce de la mort de son fils à tout moment. Je savais, de toute façon, que mes paroles seraient vaines. J’ai essayé de me ressaisir et de ne pas pleurer lorsque je lui ai dit, "Je prie pour que vous ayez de la force, et pour que vous teniez bientôt votre fils dans vos bras, vivant et vainqueur, inshAllah," mais je n’étais pas assez forte pour contrôler l’émotion de ma voix.

Chaque minute, chaque seconde peut faire la différence pour la vie de Samer maintenant. Il a commencé sa grève de la faim deux jours avant la grève massive entamée le Jour des Prisonniers, le 17 avril, pour protester contre la détention administrative. La fin de la détention administrative était une des revendications de la grève de la faim de masse. En échange de son abolition, un accord a été atteint le 14 mai entre le service pénitentiaire israélien et le haut comité des grévistes de la faim, avec médiation égyptienne, pour répondre aux exigences de nos détenus.

Addameer a rapporté, "L’accord comprend une clause qui limitera l’utilisation de la détention administrative à des circonstances exceptionnelles et ceux qui sont emprisonnés en détention administrative au moment de l’accord ne verront pas le renouvellement de leurs ordres."

En conséquence, Samer a mis fin à sa grève. Mais une semaine après la fin des 28 jours de grève de la faim massive, il a découvert que son ordre de détention administrative avait été renouvelé, ce qui l’a poussé à reprendre sa grève pour protester contre la violation de l’accorde. Sa grève de la faim renouvelée dure depuis 110 jours.

"Depuis que Samer a commencé sa grève de la faim, nous n’avons pas été autorisés à le voir," m’a dit son père au téléphone. "Pour faire pression sur lui et qu’il mette fin à sa grève, le service pénitentiaire israélien le prive de son droit aux visites de sa famille. Nous n’avons aucune nouvelle de lui depuis, seulement par le Comité international de la Croix-Rouge."

J’ai demandé à son père si je pouvais parler à la mère de Samer. "Elle ne parle presque plus," m’a t-il répondu. "Elle est traumatisée et dépressive à cause de ce que son fils endure. Elle pleure tout le temps. Elle ne s’arrête que lorsqu’elle s’endort. Elle a été hospitalisée plusieurs fois. Prie pour elle !"

Je suis restée silencieuse quelques secondes, incapable de dire un mot. J’ai du mal à imaginer combien il peut être douloureux pour une mère de vivre la mort lente de son fils. Puis son père a repris, en colère, "Ça me rend fou de voir mon fils détenu sans raison."

"Rien n’a été trouvé contre lui ?"

"Non, rien du tout, sauf que c’est un homme religieux, qui porte la barbe, qui a vécu au Pakistan, a obtenu sa maîtrise en sciences, et a enseigné la science à l’université," a-t-il continué. "Il s’est marié là-bas avec une Pakistanaise, mais ils ont à peine vécu un an en paix ensemble, pour des raisons inconnues et mystérieuses."

"Il a été kidnappé au Pakistan par le renseignement jordanien et il a été détenu en Jordanie pendant près de cinq ans, sans inculpation. Puis les services secrets jordaniens l’ont livré à Israël en juillet 2011, qui le détient indéfiniment, à nouveau sans inculpation. Depuis, son ordre de détention administrative a été renouvelé sept fois. La dernière fois, c’était le 22 août, après plus de trois mois de sa grève de la faim. Son état qui s’est rapidement détérioré n’a pas empêché les services pénitentiaires israéliens sans pité de prolonger sa détention."

La détention de Samer a été très dure. Il a passé trois sans en isolement dans les geôles jordaniennes. Lorsqu’il a été arrêté par Israël, il a subi encore plus de brutalités, en particulier pendant sa grève de la faim. Pour essayer de faire pression sur lui, les services pénitentiaires israéliens l’ont transféré à la clinique de la prison Ramleh, ou "l’abattoir", comme de nombreux ex-détenus la qualifie lorsqu’ils se rappellent les négligences médicales, l’humiliation et la discrimination qu’ils y ont subies.

Akram Rikhawi, qui souffre de plusieurs problèmes de santé, et qui a fait 102 jours de grève de la faim contre la négligence médicale que lui et ses camarades malades et handicapés ont enduré dans les geôles israéliennes, a décrit la clinique de la prison Ramleh comme "un abattoir, pas une clinique, avec des geôliers en blouses de médecin."

Les autorités carcérales ont fait pression sur Samer et son camarade Hassan Safadi pour qu’ils mettent fin à leur grève par diverses méthodes. Ils ont été mis dans une cellule d’isolement étroite, avec à peine assez d’espace pour leurs fauteuils roulants, ils les ont enchaînés à leurs lits d’hôpital, même s’ils ne peuvent pratiquement plus bouger. Et même pire, les geôliers les ont physiquement attaqués chaque fois qu’ils protestaient contre leurs conditions d’incarcération épouvantables à Ramleh. Le 13 août, ils ont cogné la tête de Hassan par deux fois contre la porte en fer de sa cellule, et il est tombé évanoui sur le sol. Les gardiens de prison l’ont alors traîné à travers une salle, devant tous les autres prisonniers.

Le père de Samer me dit, "Une délégation du Comité international de la Croix-Rouge et de Médecins pour les droits de l’homme-Israël les a vus récemment et a dit que la mort de Samer était imminente, à moins d’un miracle. Il a perdu plus de 20kg."

Pour convaincre Samer de cesser sa grève de la faim, Israël a proposé de le déporter, mais pas dans les territoires palestiniens, parce qu’il représente "une menace" à la sécurité israélienne. Souvenez-vous que la déportation de Palestiniens, à l’intérieur ou à l’extérieur des territoires palestiniens, est un crime de guerre selon l’article 49 de la 4ème Convention de Genève. Mais Israël a essayé de voir si un pays voulait le recevoir, et il n’est le bienvenu nulle part ! Aucun pays ne le veut parce qu’il représente une "menace mondiale" !

Hier, le père de Samer a protesté devant l’ambassade égyptienne à Ramallah pour demander à l’Egypte de le recevoir.

A la fin de notre conversation, j’ai demandé à son père de me dire ce qu’il souhaitait dire au monde. Il a répondu, avec passion et rapidement, "Son audience a lieu dimanche 9 septembre, personne ne sait si le tribunal se prononcera en sa faveur ou contre lui. D’ailleurs, je ne pense même pas que Samer puissent attendre plusieurs jours. Il est immobile sur son lit d’hôpital, et il souffre terriblement."

"Chaque minute compte maintenant. Je veux que le monde sache que mon fils n’est pas en grève de la faim parce qu’il veut mourir. Il veut désespérément une vraie vie, avec la liberté, la dignité et la justice. J’exhorte le monde à agir, ou s’il meurt, nous porterons la responsabilité de sa mort."

Source :
http://palestinefrommyeyes.wordpres...

http://www.europalestine.com/spip.php?article7611

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