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A Aulnay, les salariés de PSA remontés contre le gouvernement

par Le Monde

Publie le mardi 11 septembre 2012 par Le Monde - Open-Publishing
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En ce début d’après-midi, le gigantesque parking du site PSA d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) prend l’eau : des averses d’une pluie froide trempent les vestes et les pieds, rendant plus pénible encore l’attente des quelques centaines de salariés rassemblés pour écouter leurs représentants résumer leur réunion de la matinée au ministère du redressement productif autour du rapport d’audit d’Emmanuel Sartorius.

Les mines sont graves, l’espoir maigre. "Pour moi, Aulnay c’est fini, confie avant même l’arrivée des syndicalistes Willy, 37 ans dont dix-sept dans l’entreprise. Maintenant, ils disent qu’ils vont reclasser certains salariés sur le site de Poissy [Yvelines], mais ce ne sera pas tout le monde. Je trouverai peut-être du boulot ailleurs, mais sûrement pas à 1 900 euros net par mois comme aujourd’hui." Autour de lui, la même moue : aucun salarié ne croit vraiment au maintien du site de 3 000 salariés, dont la fermeture a été annoncée par PSA en juillet. Pourtant, seule une minorité de salariés sont présents. "L’espoir de ceux qui ne débrayent pas, c’est qu’on leur trouve une place ailleurs. Ils pensent que s’ils se mobilisent, ils vont anéantir leur chance d’être reclassés dans le groupe", explique un autre ouvrier souhaitant rester anonyme.

Lire : PSA : le gouvernement valide la fermeture d’Aulnay et "PSA supprime 8 000 emplois en France, et provoque une onde de choc"

MONTEBOURG, "C’EST QU’UNE POULE MOUILLÉE !"

Le retour des représentants du personnel fait monter la tension d’un cran tandis que la pluie redouble, obligeant les salariés à se serrer sous un auvent. "L’expert a dit que la situation financière du groupe les obligeaient à faire ce plan social, résume au micro Tanja Sussest, déléguée du syndicat maison SIA, majoritaire, provoquant des huées dans l’assemblée. Elle ajoute que seuls les élus locaux et les représentants syndicaux étaient présents face aux équipes du ministre et du cabinet d’expertise. "Nous aurions voulu une réunion tripartite, pour que la direction puisse répondre directement à certaines questions restées sans réponse, s’indigne-t-elle. Mais M. Montebourg a dit qu’il la recevrait dans un second temps." "C’est qu’une poule mouillée !", hurle un salarié, suscitant l’approbation de tous. "Il n’a qu’à démissionner !", lance un autre.

Le président de la République, qui avait discuté avec les salariés le 2 mai entre les deux tours de la présidentielle, n’est pas épargné. "François Hollande a décidé d’aller à Rennes ce matin, alors qu’il nous avait promis qu’il nous recevrait s’il était élu", continue la syndicaliste. "C’est du cinéma !", crie un troisième salarié hors de lui. "Alors on vous propose d’aller lui rendre une visite, à M. Hollande, vous êtes d’accord ?" "Ouiiiii !", répondent en chœur les salariés. "Et au Salon de l’automobile, on va y aller aussi, et dès le premier jour !", propose encore Tanja Sussest. On veut garder nos emplois. Leurs 1 000 euros par année d’ancienneté, on en veut pas !"

"IL FAUT QUE LE GOUVERNEMENT MOUILLE LA CHEMISE"

Délégué central CGT, Jean-Pierre Mercier annonce que M. Montebourg a accepté la tenue d’une réunion tripartite dont la date est encore à fixer. "Mais quand on lui a dit que pour négocier, il fallait bloquer le plan, il n’a rien répondu", déplore-t-il. Le représentant syndical tente de galvaniser les salariés défaitistes. "Il faut se mobiliser. Hollande nous a dit : ’Si je suis élu, je vous recevrai’, eh bien entre le 17 et le 21, il va nous recevoir. Qu’il le veuille ou non, on va y aller ! Il faut que le gouvernement mouille la chemise. Et pour ça, il faut être extrêmement nombreux, il ne faut rien s’interdire pour faire pression sur le gouvernement et sur Peugeot !"

Le micro est à peine posé que l’esplanade se vide, les salariés du matin rentrent chez eux, ceux du soir commencent à badger pour retourner au travail, écœurés. "Moi, dimanche soir, j’ai regardé M. Hollande à la télé. Je l’ai entendu parler de patriotisme. Pourquoi alors ferment-ils Aulnay et gardent-ils Madrid ?", s’emporte Medhi chez PSA depuis quinze ans. Le rapport Sartorius s’interroge en effet sur le choix d’Aulnay (Seine-Saint-Denis) plutôt que du site espagnol, qualifié d’"usine ancienne, de petite capacité, située en ville, ce qui pose des problèmes logistiques".

"NOUS, ON A QUE NOTRE TRAVAIL ET NOS MAINS !"

Derrière lui, un collègue en blouse grise de travail enrage : "C’est fini les élections pour Hollande ! Fini ! Nous, on avait voté pour lui..." Medhi reprend la parole : "Ils se mettent d’accord avec Peugeot, qui est riche, qui a plein d’argent, alors que nous, on a rien ! On a que nos mains et notre travail !" Mehmet Sari, 38 ans dont dix-huit à Aulnay a l’air perdu : "Je ne comprends pas. L’Etat n’est pas à nos côtés. Moi, ma vie est ici, à Aulnay. La réponse que j’espérais, c’est qu’on continue ici à construire des véhicules, pas à Poissy, Mulhouse ou Rennes. Je suis désorienté."

L’amertume des salariés a changé de cible : il n’est plus question de la direction du groupe automobile. Ce sont désormais François Hollande et Arnaud Montebourg qui sont vilipendés. "On ne peut pas faire confiance à quelqu’un qui se contredit à chaque fois", estime encore Saadia Hyernard, 41 ans, en rappelant le coup de colère du ministre contre PSA cet été.

Avec Daniel, son mari, ils se sont rencontrés dans l’entreprise. "Déjà que s’il n’y avait qu’un de nous deux qui était concernés, ce serait dur, mais là, on va perdre notre travail tous les deux", s’inquiète-t-elle. Je ne me vois pas repartir à zéro ailleurs, à enchaîner les CDD d’un an ou de six mois, parce qu’on voit bien qu’en ce moment, c’est très dur d’obtenir un CDI", confie-t-elle les yeux dans le vague. Puis elle relève la tête : "Donc notre avenir, il est entre nos mains, on ne peut compter que sur nous. L’Etat nous aidera pas ! Mais on va se battre pour nos emplois, ici ou ailleurs."

L’ultimatum est donc fixé : si François Hollande ne répond pas à leur appel à les recevoir, des salariés s’inviteront la semaine prochaine à l’Elysée. L’un d’eux prévient : "Si on se retrouve le nez contre une grille fermée, ça fera mauvais effet."

Aline Leclerc

http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/09/11/a-aulnay-les-salaries-de-psa-remontes-contre-le-gouvernement_1758739_3234.html#xtor=AL-32280308

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