Accueil > Le "complotisme" touche tous les milieux, Bac +10 comme Bac -5

Le "complotisme" touche tous les milieux, Bac +10 comme Bac -5

par Zinroque

Publie le mercredi 19 septembre 2012 par Zinroque - Open-Publishing
3 commentaires

A l’occasion de notre dossier sur les complotistes en kiosque le 12 septembre, entretien avec l’enquêteur Bruno Fay, auteur du livre “Complocratie”*. Le journaliste décrit l’émergence massive d’un “complotisme ordinaire” coincé entre incompréhension, mépris médiatique et existence de vrais complots.

Pourquoi avoir enquêté sur les personnes taxées de complotisme ?

La genèse de mon travail est partie de rencontres avec des gens autour de moi. Des proches qui me disaient “t’as vu le 11 Septembre ou la mort de Lady Di ? C’est un complot”. Il n’étaient ni illuminés, ni extrémistes. Pourquoi ces gens-là, cultivés et éduqués, croient à des complots ? Vers 2002/2003, je me suis dit : “merde c’est intéressant, j’ai besoin d’une grille de lecture pour comprendre”. En me penchant sur les travaux existants, j’ai constaté un décalage entre la vision des spécialistes** du complot et la réalité que je percevais.

Quel décalage ?

Une nouvelle forme de conspirationnisme est apparue. Elle ne concerne plus des cercles restreints d’antisémites, d’extrémistes ou d’idéologues qui propageaient des théories autour du complot judéo-maçonnique avec un objectif politique. Ces cercles existent encore, mais ils sont noyés dans la masse. Ça reste une minorité. L’essentiel, c’est la remise en question des versions officielles.

Vous qualifiez ce phénomène de “complotisme ordinaire”…

Ordinaire, car il touche tous les milieux, de Bac + 10 à Bac – 5. Le problème traduit davantage une crise de confiance entre les citoyens et les gouvernants économiques, politiques et les professionnels de l’information. On ne croit plus la parole officielle. C’est la fameuse phrase : “on nous cache tout, on nous dit rien”. Quand on se trouve face à des chiffres très importants, par exemple 57 % de Français qui croient à un complot sur DSK, il n’y a pas 57 % de fous ou de fachos en France. C’est ça que je nomme le nouveau conspirationnisme de masse, un complotisme ordinaire.

Quels sont les facteurs ayant contribué à cette transformation ?

Il y a des raisons technologiques correspondant à la montée d’Internet et des réseaux sociaux. L’accélération de l’information y contribue également. Une info en chasse une autre, on n’a plus le temps de revenir sur des événements, d’aller au fond des choses. Le problème qu’on a derrière tout ça, c’est le traitement médiatique. Les journaux ont tendance à rejeter toutes les théories du complot en bloc. Soit on les tourne en ridicule, soit on met tous les complotistes dans le même sac. Quand Guillaume Durand laisse entendre que Kassovitz serait antisémite, il est complètement à côté de la plaque. En tapant sur les complotistes, on les marginalise, voire on les “extremise”. Le traitement médiatique entretient leurs propres croyances et renforce la crise entre citoyens et gouvernants.

Dans votre livre, les vrais manipulations ou vrais complots semblent jouer aussi un rôle important.

Les armes de destruction massive en Irak, la paillote en Corse, le nuage de Tchernobyl… les mensonges politiques avérés sortent aujourd’hui plus rapidement. Ils entretiennent ce climat-là. Certains se disent “si nous sommes manipulés sur certains faits de manière objective, pourquoi ne nous mentirait-on pas sur le reste ?” Malheureusement, les médias n’ont plus le temps d’enquêter, de démêler le vrai du faux. Il s’agit sûrement d’une conséquence de la surinformation. Toujours est-il que ce trou noir se remplit par le besoin de chercher des théories alternatives.

Par exemple autour de la mort de Ben Laden, avant Internet, tu n’avais que ta propre imagination. Aujourd’hui, si tu cherches, tu trouveras quarante théories. Tu peux trouver des réponses, je ne dis pas qu’elles sont bonnes, mais tu peux trouver des réponses. De plus, une théorie du complot cesse d’en être une lorsque le complot est avéré. Sur l’affaire du Rainbow Warrior (du nom du bateau de GreenPeace coulé en 1985 par les services secrets français), quand tu regardes les premiers articles sortis dans les journaux sérieux, les premières réactions, c’était de dire Edwy Plenel est complètement frapadingue. Et en creusant, au bout de deux mois, ils se sont rendu compte que c’était vrai.

Certaines personnes surfent-elles sur ce phénomène ?

Beaucoup d’industriels et de politiques ont compris qu’ils pouvaient jouer sur le complotisme. Pour se défendre, c’est très facile de traiter un adversaire de conspirationniste, ça coupe court au débat.

Une sorte de néo point Godwin ?

Oui, en quelque sorte. J’ai un exemple très précis avec Denis Robert quand il a fait son travail sur Clearstream. C’était un travail très complet, mais il s’est fait traiter de complotiste. A chaque audience, Richard Malka, l’avocat de Clearstream, disait “Denis Robert le conspirationniste”. Là, on est sur le point Godwin, les termes suivants sont souvent “négationnistes”, “extrémistes”… Moi, je ne mets aucune connotation négative derrière le mot “complotiste”. Les médias ne devraient pas traiter par le mépris les théories du complot, ne serait-ce que pour les invalider. Neuf fois sur dix, on s’apercevrait que c’est complètement farfelu, mais mieux vaut le démontrer.

Ce serait la seule solution ?

Non, il faut aussi renforcer l’information des citoyens en limitant notamment l’usage du secret défense. Il y a de vrais abus. Lors d’un entretien, Michel Rocard m’a dit : “C’est normal que l’Etat mente”. Je ne sais pas si ce postulat est encore valable au temps de l’hyper information.

Propos recueillis par Geoffrey Le Guilcher

Retrouvez notre dossier sur les complotistes dans le n°876 des Inrocks, actuellement en kiosque et disponible dans notre boutique.

*Complocratie, enquête aux sources du nouveau conspirationisme, de Bruno Fay (Broché, 2011)

** Pour aller plus loin, lire la récente édition française du livre de Richard Hofstadter : Le style paranoïaque, théories du complot et droite radicale en Amérique (François Bourin éditeur). A lire également, les travaux de Pierre-André Taguieff : La Foire aux illuminés, ésotérisme, théorie du complot, extrémisme (2005).

par Geoffrey Le Guilcher

http://www.lesinrocks.com/2012/09/12/actualite/le-complotisme-touche-les-bac-10-comme-les-bac-5-bruno-fay-11299953/

Messages

  • L’avocat de la défense est-il un complotiste ?

    "Selon certains beaux esprits (souvent pas les plus cultivés ni les mieux documentés mais jouissant d’un ministère moral dans cette société qui confine parfois à l’illégitimité ), remettre en question les "versions officielles" du 11 septembre, de l’affaire Tarnac, ou plus près de nous, de l’affaire Mérah...serait faire preuve de "complotisme" ou de "conspirationnisme".

    Ces personnes prennent probablement Naomie Klein (ou Noam Chomski, ou Michael Moore... à supposer qu’ils les aient lus) pour une grande malade, j’imagine.

    En règle générale, ces personnes appuient leur jugement (qui est un jugement destiné exclusivement à disqualifier complètement l’interlocuteur à qui il s’adresse, donc, le niveau zéro de la rhétorique), sur le seul argument que des actions mauvaises, cachées, manipulatoires, attentant à la vie de telle ou telle catégorie de "sa" population...serait une chose que "l’État français" ou "le gouvernement américain".... (dont tout le monde connaît l’immense droiture morale, la probité, et la charité chrétienne qu’ils mettent en œuvre quotidiennement de par le monde) ne pourrait pas faire. (...)"

    http://osemy.blogspot.fr/2012/04/lavocat-de-la-defense-est-il-un.html

  • Si complot il y a contre la liberté et sa mise en place, ce n’est pas du fait d’une organisation secrète ou-quoi-ou-qu’est-ce, mais simplement parce que les intentions de ces malades qui se sont occuper à se procurer le pouvoir, sont d’un type caractériel exactement identique, et donc convergent vers un même mode opératoire central.

    Ainsi, c’est cette convergence — conséquences des diverses variétés de maladies sociales et chacune dotée de ses propres justifications particulières — qui se retrouve, comme répondant, comme le maillet à la cloche, à une organisation sociale donnée tournant autour de ces deux points complémentaires : ce pouvoir de pouvoir imposer et la restriction de la liberté.

    Il n’y a pas de complot contre la liberté et sa mise en place : il n’y a que des gens qui s’arrangent pour qu’elle ne se mette pas en place, sinon eux perdraient la leur, qui est une prérogative de malades du pouvoir.

    • Mais évidememnt qu’i n’y a pas d’"organisation secrète".

      I y a simplement des "organisations" qui n’existent pas.

      Ca n’est pas qu’elle n"’existent" pas " en fait, mais que leur existence médiatique est égale à presque zéro. Ce qui aujourd’hui équivaut à ne pas exister puisque la "masse" ne connaît pas.

      C’est le cas du Groupe de Bilderberg, ’Créé en 1956), qui jusqu’"à l’avénement du Web n’existait pour personne, même pour des personnes bien informées, ou qui croyaient l’être. Ou du "Council For the Foreign Relation" avec Kissinger à sa tête, qui n’était pas plus connu.

      Idem pour les Réseaux du Stay behind, dont le Gladio avait fait l’objet d’une enquête en 1982 dans le Le Monde Diplo.

      En 98 ça faisait 36 ans que je bossais dans la presse d’info, et pas n’importe laquelle, la presse dite "communiste", (qui à l’époque pouvait encore prétendre au label), et il m’a fallu une connexion personnelle au Web pour commencer à comprendre.

      Lorsque j’ai parlé de ça dans le milieu, de la presse mais aussi du Parti, déjà on a commencé par me regarder comme un mec bizarre.

      "Complotiste" on disait pas , ça a été inventé plus tard, 2001, à l’occasion du 9/11.

      Mais pas trop dans le bon rail de la "bien pensance".

      Parce que ces mecs devaient s’imaginer que pour être un bon "communiste" il fallait aussi "bien penser" comme les Bourgeois nous préconnisaient de le faire. ((- :

      Et ça m’a pas "découragé" de chercher, au contraire.

      A mon avis, le "complot" c’était pas tellement Bilderberg ou le CFR, ou même les Stay Behind et Pasqua...

      Eux ils se cachaient même pas, vu que personne en face ne les dénonçait.

      Mais le "complot", c’était plutôt ceux qui "savaient", dans le hiérarchie du PCF, qui étaient en charge d’informer les militants révolutionnaires de ce qui se passait réellement, et qui la fermaient sur le sujet.

      Pourquoi ??? Pour qui ???

      Je laisse ça à votre appréciation.

      Mais ne cherchez pas trop. Du moins publiquement

      On va vous taxer de "complotistes".

      Et par les temps qui courent... Guantanamo n’est pas très loin. ((- :

      Un chose assez rigolote : Aux USA ceux qui cherchent ainsi sont nommés "péjorativement" les "Truthers", les "Chercheurs de la Vérité".

      Finalement ça correspond bien mieux à la réalité...

      M’étonneront toujours les Américains !

      C’est pas pour rien que Georges Orwell était un des leurs.

      Is’nt It ?

      G.L.