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LETTRE AUX UTOPISTES ET AUX REVEURS PONCTUELS

Publie le mardi 22 mars 2005 par Open-Publishing
2 commentaires

71 jours sans sommeil...

de Barbara Bouley

Un dramaturge européen contemporain nous dit dans un de ces poèmes :
« Quand la brèche entre riches et pauvres s’élargit les choses deviennent barbares ! » Je crois en la véracité des mots du poète européen Edward Bond.

Préambule : Images et sonorités
Quand j’arpente les rues de Paris, de Bruxelles, de Gênes ou d’Athènes, quand j’entre dans les Mapans de Yaoundé ou de Libreville, quand j’écoute les multiples voix d’Europe et du monde qui arrivent par l’amplificateur du poste radio, je visualise de plus en plus précisément cette brèche dont parle Edward Bond.

En tant que citoyenne, la vision quotidienne de cette brèche-là m’appelle à voter NON le 29 mai prochain.

Aux abstentionnistes, je n’ai que peu de chose à dire (pour le moment) :
Je rêve seulement qu’ils ne se croisent pas les bras, le 29 mai prochain dans l’attitude du spectateur blasé, car ce que l’on nous propose ici n’est pas un spectacle.

Pour celles et ceux qui s’apprêtent à voter OUI, je propose le débat et...71 jours sans sommeil. Il nous reste peu de temps pour comprendre et débattre de ce texte indigeste que l’on nous propose au référendum.

Pour que le NON s’exprime le 29 mai 2005, je ferai d’abord appel aux poètes morts car pour que le NON s’exprime, 71 jours, c’est court et nous aurons besoin de beaucoup d’esprits.

Je me suis toujours, librement, située dans l’espace des utopistes et c’est de cet espace d’observation-là que j’écris, aujourd’hui, en faveur du NON à la constitution européenne.

Les utopistes et les rêveurs ponctuels ont la possibilité aujourd’hui, par ce NON dans les urnes, de dire STOP à l’urgence, à l’accélération du temps chronos institué pour tous, par une poignée d’ « élites spécialistes européens de l’économie mondiale ».

Cette accélération du temps chronos saccage les temporalités autres (le rêve notamment, l’inspiration entre autres, le temps nécessaire à la recherche, c’est certain), saccage le temps sensible, le temps novere, le temps de l’imprévu.

Cette accélération du temps chronos saccage (et le poète européen René Char l’avait vu) le dernier foyer : Celui de la rencontre.

Les utopistes et les rêveurs ponctuels ont la possibilité de dire NON à la montée de l’insignifiance décrite par le poète et philosophe européen Cornélius Castoriadis.

Cette accélération du temps chronos détourne les lycéens, les universitaires, les chercheurs, les philosophes et les artistes de leur fonction première au sein de nos cités qui est de questionner.

Questionnons encore. Restons curieux :

Sommes-nous réellement face à un projet de constitution européenne ou face à la charte de l’économie libérale en Europe ?

Pourquoi cherche-t-on à nous faire peur, encore et toujours, en nous racontant qu’il y a urgence, que si l’Europe ne se fait pas là maintenant, elle se fera jamais ?

Pourquoi cherche -t- on à nous faire croire que cette soi-disant constitution-là est immuable ?

Qu’elle est coulée dans le bronze ?

Pourquoi cherche-t-on à pétrifier le corps européen à peine né ?

Pourquoi cherche-t-on à nous faire croire qu’il n’est qu’une Europe possible et que c’est celle scribouillée sur un bout de papier par une « élite spécialiste européenne de l’économie mondiale » ?

Pourquoi cherche-t-on à nous faire adorer cette icône : une Europe croissante, puissante et, soi-disant garante d’une paix pour les siècles à venir ?

Pourquoi cherche-t-on à nous faire croire au réalisme d’une Europe éternelle alors que même les neiges du Kilimandjaro ne le sont plus ?

Si cette élite tient à nous faire croire qu’une nouvelle grande Cité est née, pour le bien de tous ses habitants, alors, j’en appelle au poète européen P.P.Pasolini :
« Une nation nouvelle est née. Les problèmes sont infinis. Les problèmes ne se résolvent pas ; Ils se vivent.

Mais...La vie est lente.

La marche vers le futur n’a pas de solution de continuité.

Le travail d’un peuple ne connaît ni rhétorique, ni délai.

Son futur est dans la fièvre du futur.

Et la fièvre est une grande patience. »

Ce que l’histoire nous enseigne c’est que le risque est grand sans la Patience.
Et cette accélération du temps chronos orchestrée depuis Bruxelles a le pouvoir de saccager les espaces-temps nécessaires aux mises en récit et à la mémorisation de notre temps présent.

Elle risque de saccager le temps nécessaire à la restructuration de toute pensée.

Heureusement, le 29 mai prochain, les rêveurs ponctuels ont la possibilité de dire NON à la société du spectacle décrite par l’Européen Guy Debord.

De dire STOP à la disparition de la catharsis qui se prépare en Europe.

Utopistes et rêveurs ponctuels : Pouvez-vous accepter ce rite économique là (cette particulière « hominisation » du XXI éme siècle) qu’une poignée d’ « élites spécialistes européens de l’économie mondiale » nous proposent comme passage, sans être parfaitement conscients des effets sur votre vie de tous les jours, sur la vie de vos enfants et de vos petits-enfants ?

Avez-vous eu le temps de rêver à cette grande aventure que pourrait être une Europe libre, fraternelle, égalitaire et bienveillante ?

J’ai l’étrange sensation qu’on ne nous a pas laissé le temps ...

Barbara Bouley
MetteurE en scène et dramaturge
Montrouge, le 20 mars 2005

Messages

  • Prenons le temps de construire notre uto-réalité. Ne construisons pas pour nous, mais pour les générations qui suivent... à nous de leur prouver que nous y avons longuement réfléchi pour que le combat ne se durcisse pas plus qu’il ne l’est.

    Allons, d’utopies personnelles vers une réalité collective...

    Meilleures pensées,

    Tibo

  • J’ ai cru renoncer à mes rêves, mais ça n’est pas si facile que ça, ils perdurent et tiendront contre vents et marées. Ils subsistent, même tapis. L’utopie est elle utopique ? Le rêve est-il réalité ? Ce monde est-il réel ? Celui-là ou bien l’autre ? Romantisme ou foi en un autrement trop vaste ? Presque intouchable à tel point que l’on se persuade qu’il vaut mieux calmer son imagination trop féconde. On hésite, on plie et consent, mais le rêve subsiste comme un réel possible. Le oui fait croire que l’on va de l’avant, le non enclin à la culpabilité. Je ne savais plus : oui ou non. l’intuituition disait non, le sentiment de culpabilité imposait le oui. Merci, ce soir le non s’impose, dans l’espoir de retrouver bien vite le oui.