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Petites leçons de dramaturgie sur la charte des droits fondamentaux de l’union. Première partie

Publie le samedi 26 mars 2005 par Open-Publishing
4 commentaires

de Barbara Bouley
MetteurE en scène et dramaturge

A l’attention des futurs acteurs et actrices de la constitution européenne

1 -La présomption d’innocence et le droit à la vie.

Note préliminaire : au théâtre, le terme « dramaturgie » désigne une étude approfondie d’un texte en vue sa mise en scène ou de sa mise en espace.
Cette étude de texte doit logiquement permettre aux acteurs et actrices de la pièce de l’interpréter.

Hypothèse : Si je voulais voter OUI en toute conscience, c’est-à-dire en compréhension de ce texte dans son intégralité afin de pouvoir le jouer convenablement, il me faudrait faire un petit travail dramaturgique sur 511 pages.

511 pages à décortiquer en 65 jours...

Sachant qu’il m’a fallu déjà 5 heures pour décortiquer les deux simples articles des droits fondamentaux qui suivent, combien me faudrait-il d’heure pour décortiquer l’ensemble du texte ?
Réponse : 40 H de disponibilité par jour.
Cette opération temporelle est mathématiquement impossible, vous en conviendrez ?

Rions et avançons...

1/Etude dramaturgique sur le passage concernant la présomption d’innocence

Est écrit dans L’ARTICLE II. 108 :

1.Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

Mais...

Quand on lit attentivement les explications relatives à la charte de ces droits fondamentaux (Pages 310 à 420) on a :

Toute personne peut être privé de son droit à la liberté s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après accomplissement de celle-ci.

Question à résoudre pour une mise en scène ou mise en espace du texte :
Comment mettre en relation les termes « droit à la présomption d’innocence » avec les termes « soupçonner » ou « motifs raisonnables de croire à » ?

2/ Etude dramaturgique sur le droit à la vie

Est écrit dans l’ARTICLE II/62

1.Toute personne a le droit à la vie

2.Nul ne peut être condamné à la peine de mort, ni exécuté.

Mais quand on lit attentivement les explications relatives à la charte de ces droits fondamentaux (Pages 310 à 420) on a :

La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire.

 a)Pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;
 b)Pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue
 c)Pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection.

Question à résoudre pour une mise en scène éventuelle du texte :
 Que signifie le terme « absolument nécessaire » ?
 Que signifie au juste le terme de « violence illégale » ?
 Si une arrestation régulière peut entraîner la mort que fait-on de la présomption d’innocence ?
 Que signifie exactement le terme « émeute » ?

Pour information :

Dans le dictionnaire « le robert », je lis pour le mot Emeute :
Soulèvement populaire, généralement spontanée et non organisé pouvant prendre la forme d’un simple rassemblement, tumultueux accompagnés de cris et de bagarres.

A savoir que : Dans le droit pénal français on ne parle jamais d ‘« Emeute » mais d’attroupement armé (L.410 et suivants, L.430 et suivants : articles sur les atteintes aux intérêt fondamentaux de l’état).

Nous sommes là face à un élargissement de la terminologie.

Je pose donc une autre question aux auteurs de cet article :

 Une manifestation tumultueuse (comme celles des lycéens par exemple) peut-elle être considérée comme une émeute ?
 Pourrait-on nous expliquer le sens des multiples restrictions d’un article qui donne pourtant droit à la vie et interdit la peine de mort ?

Notes de conclusion :

Au théâtre, il n’est pas rare que quand un dramaturge et un metteur en scène ne comprennent pas le texte d’un auteur contemporain, ils demandent à l’auteur de venir expliquer son texte aux acteurs et actrices.

AJ-65 du REFERUNDUM, il serait grand temps que les auteurs de ce texte donnent des explications précises sur certains articles des DROITS FONDAMENTAUX afin que nous, acteurs et actrices (citoyens et citoyenne d’une future Europe) puissions, ensemble, jouer le texte qu’ils nous proposent.
Pour l’heure, aussi bien dans leur forme et dans le fond, les articles II.62 et II. 108 sont injouables.

A suivre : Petite leçon de dramaturgie

L’union : Un espace de liberté, de sécurité et de justice


La "Charte des droits fondamentaux de l’union"
Vous pourrez lire le texte de cette Charte fondamentale dans la Partie II de la Constitution européenne aux pages 41 à 55 (soit 14 pages).
Vous pouvez lire le texte des explications relatives à cette charte (Annexes ou face cachée !) dans les pages 310 à 420 (soit 110 pages !).

Messages

  • Dans les années 1960, aux USA, alors que les populations issues de l’esclavage se battaient pour leurs droits civiques, le mot "émeute" s’est vu défini comme "un rassemblement de plus de trois personnes", ce qui donnait autorisation aux forces de l’ordre de faire à peu près tout ce qu’elles voulaient (charger, emprisonner sans prévenir les proches, tabasser, ...)
    (Howard Zinn, dans "Une histoire populaire des USA de 1492 à nos jours - Agone).

    En France, un rassemblement de trois personnes peut, dans certains cas et en certains lieux, être "seulement" un délit. Trois personnes qui font du lèche-vitrine, ce n’est pas la même chose que trois personnes dans un hall d’immeuble. Et encore, selon que l’immeuble se trouve à Neuilly ou à .... (complétez vous-même, car en aucun cas je ne présuppose les lieux de la "délinquance", contrairement aux lieux de la non-délinquance)

    Avec ce traité qui va muer en Constitution dès son adoption, je suppose que nous saurons rattraper notre "retard" sur les USA et "enfin" se donner les moyens de prévoir toutes formes de contestation, pour les 10 prochaines décades au minimum !

    Dites, vous y croyez vous, à la démocratie qui nous fait voter pour un truc qui est adopté pour une durée illimitée. C’est quand qu’on peut changer, si ça ne marche pas ? C’est comment aussi, puisqu’il faut l’unanimité ? En aucun cas il n’est possible de revoter, en dehors de l’unanimité. Si ça ce n’est pas de la dramaturgie !

    • "Dites, vous y croyez vous, à la démocratie qui nous fait voter pour un truc qui est adopté pour une durée illimitée."

      Ce "truc" s’appelle un traité.
      Un traité est le plus fréquemment conclu pour une durée illimité.
      (c’est-à-dire qu’aucune date d’expiration n’est prévue à l’avance)
      Rien de nouveau sous le soleil, donc.

      "C’est quand qu’on peut changer, si ça ne marche pas ?"

      Outre la possibilité de réviser le traité (possibilité à laquelle vous ne croyez pas pour des raisons d’ordre pratique),
      tout Etat a le droit de se retirer unilatéralement d’un traité qu’il a conclu.
      En l’occurence, les modalités de retrait du Traité constitutionnel sont prévues par l’article I-20.