Pas un drapeau en berne dans nos écoles, ni dans nos mairies, ce vendredi

Pauvres de nous ! On croyait avoir fait le plus dur en subissant, de
vendredi midi à dimanche soir, sur le service public et partout
ailleurs, la fin annoncée, supposée, programmée, retardée, redoutée,
et finalement officielle de Karol Wojtyla.

Une chaîne publique d’informations télévisés relayant sans vergogne,
sans recul, la propagande vaticane un week-end durant, sans aucun
sens de la mesure, ni esprit critique, voilà le pitoyable spectacle
offert à la France entière, pendant trois jours. Est-ce être un
méchant sectaire que de demander la tête du directeur de
l’information de cette chaîne ?

Mais on n’avait pas tout vu ! Dès dimanche, les zélés préfets
commençaient à demander aux mairies de mettre leurs drapeaux en berne
pour la journée de lundi. Certes, on n’a pas droit aux trois jours de
deuil à la Fidel Castro, il est vrai que Seillière, qui essaie, avec
Raffarin, de nous voler notre lundi de Pentecôte, n’aurait pas été
d’accord. Mais quand même nos drapeaux en berne pour la mort du chef
de l’Eglise catholique, l’année du centenaire de la loi de 1905 :
cherchez l’erreur !

La droite, l’ensemble de l’UMP a tombé le masque, et montré
l’influence du lobby catholique en son sein.

Pour beaucoup d’entre eux (pas tous), la laïcité, c’est bien contre
le voile, mais la France reste quand même la fille ainée de
l’Eglise ! Villepin, chez qui certains croyaient avoir détecté un
laïque, montre son vrai visage.

Le Front national, pas en reste, insulte les laïques qui osent
critiquer le règne de Wojtyla.

Les sites catholiques extrémistes se déchaînent contre l’Ufal,
coupable d’avoir publié deux communiqués qui tranchaient avec les
propos des thuriféraires qui se sont relayés à la télévision tout le
week-end.

Par rapport aux drapeaux en berne, la réaction a été rapide, tout au
long de ce lundi. Bonne nouvelle, des organisations qui avaient
oublié la laïcité quand il s’agissait de lutter contre les signes
religieux à l’école (nous pensons aux Verts, à la LDH, à la Ligue de
l’Enseignement et à la FSU) redécouvrent la nécessité du combat
laïque quand il s’agit de lutter contre la connivence droite-Eglise
catholique. Nous nous en félicitons.

Ne boudons pas notre plaisir de constater que de nombreux maires ont
refusé les consignes de leurs préfets, et ont laissé le drapeau de la
République tel quel, sans y mettre de berne.

Réjouissons-nous que des socialistes comme Arnaud Montebourg, Jean-
Luc Mélenchon ou Michel Charasse aient été meilleurs que la direction
du PS, qui n’a rien trouvé de mieux à dire, par sa porte-parole
Annick Lepetit, qu’elle ne polémiquerait pas, vue la popularité du
chef de l’Eglise catholique. Même Bayrou a été meilleur, en
condamnant la mise en berne du drapeau !

Il reste que, d’ici vendredi, les conditions sont crées pour que les
élus laïques, et les chefs d’établissement scolaires, soutenus par
les syndicats enseignants, refusent massivement de voir le drapeau de
la République, au détriment de la loi de 1905, porter le deuil de
Karol Wojtyla.

Nous sentons en effet dans ce pays que trois choses ne vont passer
toutes seules, dans les deux mois qui vont suivre : d’abord, les
drapeaux en berne pour les obsèques du chef de l’Eglise catholique :
de nombreux maires et directeurs d’écoles refuseront les instructions
officielles.

Ensuite, le lundi de Pentecôte : là aussi, il va y avoir un
gigantesque mouvement de désobéissance populaire contre Raffarin, si
celui-ci ne fait pas machine arrière.

Enfin, le 29 mai, malgré le rouleau compresseur médiatique, malgré la
grosse majorité de la classe politique et des élus, le « non » peut
gagner.

Défense de la laïcité, refus de voir augmenter son temps de travail
au profit de Seillière, refus de l’Europe libérale, trois belles
batailles progressistes et symboliques qui méritent d’être menées et
gagnées.

Extrait de ReSPUBLICA N° 344 du 5 avril 2005