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Trames noires : les mouvements de droite en Italie de l’après-guerre à aujourd’hui

Publie le samedi 9 avril 2005 par Open-Publishing

De Giuseppe Scaliati traduit de l’italien par Karl&rosa

Introduction

Ce texte entend offrir au lecteur un panorama large et exhaustif de l’histoire et de la composition des mouvements de la droite italienne de l’après-guerre à aujourd’hui. La variété des sigles, des personnages et des revues qui lui sont liés est la conséquence de la diffusion ramifiée et de l’hétérogénéité de la galaxie des mouvements néo-fascistes.

Déjà un an et demi après la Libération de l’Italie, les survivants du régime fasciste furent en mesure de se réorganiser politiquement en créant sans aucun obstacle - et en violant explicitement la Constitution italienne - un parti rappelant clairement et évidemment la République sociale italienne, dénommé Mouvement social italien.

Même en jouissant d’une représentation parlementaire limitée, les néofascistes du MSI et les mouvements qui lui étaient proches ont joué, souvent ensemble, un rôle de premier plan dans nombre d’histoires, souvent obscures, de notre République. En effet, les rapports entre le MSI et les différents groupes de la droite extrémiste ont toujours été plus ou moins étroits, dans la mesure où beaucoup de ces mouvements pouvaient compter sur le soutien et le financement du parti. Non seulement, mais ces mouvements étaient créés à l’intérieur du parti lui-même par des éléments influents, qui militaient ensuite dans les deux.

Il n’était donc pas rare que le MSI joue un rôle de référence pour l’extrémisme noir à travers ses organisations collatérales, comme le syndicat CISNAL et, le plus souvent, à travers les organisations juvéniles du parti, telles que le FUAN et le Front de la Jeunesse. Ces organisations ont représenté, surtout durant les dites "années de la tension", de véritables "containers" de l’éversion. Il y avait donc un lien très étroit, de la part des militants du MSI, entre militantisme légal et militantisme subversif, mis en œuvre en qualité de souffleurs ou même de fauteurs par les différentes organisations liées d’une façon ou d’une autre au parti.

La figure intellectuelle qui a accompagné la naissance et le développement des mouvements de la droite de l’après-guerre à aujourd’hui, en Italie comme ailleurs, est incarnée dans la personne du baron philosophe Julius Evola, point de référence idéologique dans les idées nationalistes duquel, des idées imprégnées de rappels historiques et de racisme, se sont reconnus des personnages, puissants et influents même dans les appareils de l’Etat, tels que Rauti, Delle Chaie, Borghese, Freda.

Outre à l’apport théorique, les néofascistes italiens ont pu compter sur d’autres soutiens, bien plus concrets, comme celui des services secrets italiens dits "déviés", des services grecs sous le régime des colonels et des services américains, en particulier de la CIA, mais aussi sur le soutien d’appareils de l’Etat comme le Corps des Carabiniers et l’Etat-major de la défense. Leur apport à la droite éversive a été important, surtout quand ces services "déviés" se sont mis à dévier les enquêtes et à couvrir des néofascistes notoires, impliqués dans des meurtres et des massacres. Le but de cette collaboration était d’arrêter l’avancée politique de la gauche en instaurant un climat de tension, mis en œuvre au moyen d’attentats et de massacres que l’on puisse attribuer aux adversaires politiques et, par conséquent, de faire surgir un désir d’ordre cadrant avec l’imposition d’un virage autoritaire de la part de l’Etat.

Aux années 70, dans le cadre de ce même projet, un allié très précieux des néofascistes fut Licio Gelli, à la tête d’une loge maçonnique "déviée" dénommée Propagande 2 (P2), dont le but était de faire des adeptes parmi des personnages illustres de la politique, des membres du Conseil supérieur de la magistrature, des officiers de l’armée, des entrepreneurs, dont le premier ministre actuel Silvio Berlusconi, et surtout de nombreux néofascistes. Licio Gelli, par le financement et l’instrumentalisation de secteurs de l’extrême droite néofasciste cherchait, grâce à une espèce de chantage au moyen de plusieurs tentatives de coup d’état, de peser sur les choix de politique nationale.

En outre, un apport logistique non négligeable a été fourni aux néofascistes par l’organisation atlantique dominée par les USA, l’OTAN, particulièrement dans le Nord-est de la Péninsule, où elle pouvait grâce à ses bases fournir un soutien à la lutte contre la gauche. Le projet anticommuniste américain était calqué sur la dite "doctrine Truman", qui prévoyait la guerre totale au communisme, une guerre orthodoxe vis-à-vis de l’Union soviétique et non orthodoxe vis-à-vis de ces pays ayant une présence communiste potentiellement en mesure de modifier les équilibres existants. Dans certains cas, les néofascistes trouvaient des financements pour leurs activités par l’intermédiaire de bandes criminelles armées, avec lesquelles certains militants des groupes éversifs gardaient des rapports étroits.

L’enchevêtrement et les trames des néofascistes et de leurs organisations se sont tissés grâce à l’indifférence - et parfois grâce aussi à la complicité - du parti italien qui a dominé la scène politique italienne pendant plus de quarante ans, la Démocratie chrétienne, qui en outre a parfois bénéficié des votes des représentants du MSI - désireux de jouer le rôle de son principal interlocuteur - au Parlement pour élire les présidents de la République ou pour soutenir des gouvernements monocolores chancelants. En effet, en 1957, le MSI sauva par ses votes le gouvernement tripartite DC-PSDI-PRI présidé par Antonio Segni, puis le gouvernement suivant de Adone Zoli (par une abstention stratégique) et enfin, en 1959, il porta encore secours à un cabinet Segni, qui sera élu président de la République en 1962, toujours grâce au soutien déterminant du MSI.

Les liens qu’une bonne partie des groupes néofascistes ont toujours gardés avec le monde catholique intégriste ne sont pas moins importants, même si des poussées vers une redécouverte des racines païennes causée par la suggestion des aspects mystiques et exotériques du nazisme n’ont pas manqué ; ou l’intérêt, montré par les néofascistes particulièrement de nos jours, envers le fondamentalisme islamique et l’athéisme.

Les liens entre la droite et les groupes catholiques radicaux, au nom du refus du "monde moderne" et de la "démocratie et de l’égalitarisme" ont toujours été profonds, à partir des FAR d’Almirante et Evola, où les rapports avec le monde traditionaliste catholique étaient maintenus par le futur et très dévot dirigeant du MSI Fausto Gianfranceschi, jusqu’à arriver à nos jours, où des représentants de la droite au gouvernement, membres de Alleanza nazionale, sont associés à l’Allaince catholique, une organisation catholique intégriste réputée pour ses batailles contre l’homosexualité et l’invasion islamique. Des batailles qui peuvent aussi bénéficier, outre de la participation d’Alleanza cattolica e d’Alleanza nazionale, du soutien et de l’étroite collaboration de la Ligue Nord de Umberto Bossi et d’autres formations de la droite extraparlementaires comme Forza Nuova, Movimento sociale-fiamma tricolore et Fronte sociale nazionale.

La renaissance de la droite profite, outre du révisionnisme historique, des importants financements dont ces groupes arrivent à disposer. De plus, en période électorale, il n’est pas rare qu’ils arrivent à exercer un poids non négligeable au niveau local et, par conséquent, à mettre dans la balance leur poignée de voix, qui peut être déterminante. La Casa delle libertà guidée par Berlusconi, en outre, conte en son sein les héritiers du parti néofasciste, devenu désormais une force politique avec un pouvoir énorme, Alleanza nazionale, qui, même si elle a rompu publiquement avec son passé à plusieurs reprises, garde encore dans ses rangs des dirigeants nostalgiques et des protagonistes des "années de la tension" et ne dédaigne pas de fréquents contacts et des initiatives communes avec l’ultra droite et le monde catholique intégriste.

L’organisation néofasciste qui est aujourd’hui en train d’essayer de remplir le vide causé par le virage "démocratique" de Alleanza nazionale est Forza nuova. Ce mouvement se compose d’un mélange de naziskins, nostalgiques, catholiques traditionalistes et ex terroristes noirs et arrive à recueillir du consensus dans différentes classes sociales, avec une variété d’adhésions qui embrasse le skinhead et l’étudiant de bonne famille et même le chômeur. Ces dernières années, on est en train d’assister à une pénétration de plus en plus importante de Forza nuova au sein de certains groupes de tifosi de foot, mais aussi à une prise de position en matière de globalisation sur des thèmes presque identiques à ceux des alter mondialistes.

Les deux autres plus grands groupes de l’extrême droite, le Movimento sociale- Fiamma tricolore fondé par Pino Rauti et le Fronte sociale nazionale de l’ancien avant-gardiste Adriano Tilgher, ont réussi, entre affrontements physiques et contrastes idéologiques, à se rapprocher après que les précédentes tentatives avaient échoué. A la nouvelle alliance, réalisée surtout en vue des élections européennes de juin 2004, participe aussi, outre le mouvement Forza nuova, le parti nouveau-né de la transfuge de Alleanza nazionale, Alessandra Mussolini. En effet, la petite fille du duce, après un long et tourmenté militantisme - dans le MSI d’abord, dans l’Allenza nazionale après - a décidé, à la suite de contrastes "idéologiques avec Gianfranco Fini, d’abandonner le parti et de participer activement au nouveau cartel électoral national populiste de l’extrême droite italienne.

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