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contribution syndicale à un débat de fond sur l’avenir de la CGT

par GP

Publie le mardi 26 novembre 2013 par GP - Open-Publishing
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Syndiqué depuis maintenant 24 ans à la CGT, simple délégué du personnel dans ma petite entreprise de 114 salariés mais secrétaire du syndicat, 17 syndiqués et 72% aux élections, je suis de plus en plus inquiet du fonctionnement du syndicat.

J’ai vraiment l’impression que tout fonctionne comme une entreprise multinationale, la direction générale (BC) avec son PDG et son conseil d’administration qui est à Montreuil avec tout autour ses chefs de pôle (fédérations), qui dirige ses filiales dans les régions et départements (UR+UD+US), et plus bas ses établissements distincts (UL) et les syndicats avec les syndiqués qui font le boulot. Les seules fois où l’on m’appelle, c’est quand il y a un retard de cotisations et les seules informations, outre la NVO ou Ensemble, nous viennent de notre UL.

Je suis très inquiet car nous avons laissé passer l’ANI sans un réel combat, puis la réforme des retraites sans un réel combat, et nous n’allons plus jamais au combat sauf bien sûr dans quelques régions comme en Bretagne quand le torchon brûle. Pour moi, la CGT n’est plus capable d’anticiper alors que tous les feux clignotent et que beaucoup de salariés sont pris au piège entre leur patron et leurs crédits, entre accepter des reculs ou perdre leur emploi.

J’avais fait un stage de niveau 1 en 1991, où on m’avait enseigné ce qu’était la culture de classe en partant du vécu des stagiaires et en le reliant à l’histoire des luttes de la CGT. J’ai participé à plusieurs grands mouvements, en 1995 avec les cheminots, en 2003 avec les fonctionnaires, en 2005 avec le CPE, en 2010 contre la réforme Fillon des retraites, des millions de salariés dans les rues, et aujourd’hui nous en sommes où, même la réforme des conseils des prud’hommes n’est nulle part évoquée.

Alors que nous vivons un recul de civilisation et un recul démocratique, alors que ceux qui détiennent le pouvoir politique sont sous la coupe de ceux qui détiennent le pouvoir financier, alors qu’il y a un mécontentement général et une colère grandissante, alors qu’on sent les salariés à la fois renfermés sur eux-mêmes et ouverts à lutter ensemble si tout le monde y va en même temps, rien ne se passe comme si la direction confédérale attendait patiemment la fin de l’orage et que le gouvernement lui avait fourni des parapluies pour se protéger des embruns projetés par la colère.

Nos salaires sont quasiment gelés depuis 3 ans, les taxes et impôts ne cessent d’augmenter, quand on discute à l’UL, tous les camarades se plaignent de l’aggravation des conditions de travail ou des accords d’entreprise dénoncés, tous pestent contre le gouvernement et contre les patrons, mais aussi contre la mollesse de la CGT du haut de la pyramide qui n’ose plus affronter et prendre ses responsabilités. Aussi que va devenir la CGT quand les Unions Locales seront dissoutes pour être remplacées par des syndicats de territoire ou de zones industrielles ou commerciales, c’est bien cela qui va se passer si on s’intéresse un peu aux nouveaux statuts et aux paroles de Thierry Lepaon dans plusieurs interviews.

Pour ma part, je pense que la CGT est au bout de son cycle, que ses dirigeants ont pris la décision de la saborder, exactement comme le ferait une direction générale d’entreprise pour mater un syndicat trop rebelle dans un établissement, et si la CGT restructure, c’est bien pour supprimer toutes les oppositions venues des syndicats eux-mêmes, et d’où s’expriment les réelles revendications des salariés.

La CGT est aujourd’hui étouffée par sa bureaucratie syndicale, ses permanents, et par la composition de la commission exécutive confédérale où cadres et techniciens ont étouffé les ouvriers qui sont ultra minoritaires. Les directions des UD et des Régions sont complétement dans le moule confédérale et actuellement, sachant que la restructuration va se mettre en place, beaucoup de permanents sont déjà à la recherche de postes dans la nouvelle CGT.

FO a créé sa mutuelle, la CFTC est en cours, pour bénéficier de ces mutuelles, il faut adhérer au syndicat, c’est un premier pas vers la suppression du paritarisme, qui s’il n’est pas parfait, permettait de contrôler les patrons. C’est aussi un pas vers la syndicalisation obligatoire comme dans plusieurs pays européens, prélevée sur la fiche de paie, c’est-à-dire à termes, la fusion-absorption-réorganisation des syndicats dans un syndicat unique et réformiste complétement noyé dans la confédération européenne des syndicats, donc à termes la disparation des droits du travail (code du travail, conventions collectives et statuts des services publics) nationaux.

La loi de 1998 sur la représentativité syndicale issue d’un accord signée par la CGT et la CFDT, a déjà fait beaucoup de dégâts, et elle a été complétée par la loi ANI qui achève des années d’avancées sociales et de conquêtes acquises grâce à la détermination de la CGT. Pourtant, alors que plus personne en bas ne veut se rassembler avec la CFDT, la CGT d’en haut insiste comme si elle en était amoureuse, mais si c’est un amour vache et même sadomasochiste. Désormais, on entend de plus en plus de camarades syndiqués qui se posent des questions sur leur engagement dans cette CGT-là, car elle ne rassemble plus mais elle divise.

Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir sonné le danger de ce désintéressement par l’écœurement, et si les salariés ont confiance en leur syndicat CGT et délégués CGT dans les entreprises, il est certain qu’ils portent un regard plus que critique sur la direction des fédérations et confédération, mais aussi des Unions Départementales.

Ceci veut dire que l’étiquette n’a plus de valeur réelle, que la vieille marque de fabrique CGT n’est plus qu’une façade fragilisée, et qu’il suffit que leurs délégués et syndicat changent d’appartenance syndicale pour tout le personnel les suive, car les salariés font confiance à ceux qui les soutiennent dans leurs revendications, les informent sur leurs préoccupations et ne les trahissent pas.

Depuis quelques mois, sur les réseaux sociaux, de plus en plus de bases syndicales tirent la sonnette d’alarme mais sans être entendues, est-ce une volonté confédérale de la CGT de se désintéresser de cette contestation interne qui monte, afin de l’écœurer pour éliminer ceux qu’elle considère comme des troublions et avoir les mains libres pour continuer la restructuration de la CGT qui annonce sa disparition dans des fusions-absorptions programmées ?

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