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Le projet de surveillance d’Internet à la française passe mal

par D.LC

Publie le mercredi 11 décembre 2013 par D.LC - Open-Publishing

Quelques mois après les révélations sur le scandale de la surveillance de l’agence de sécurité américaine et du système Prism de collecte de données, la France - prompte à condamner les écoutes à l’automne - prépare son propre système de surveillance digitale.

Celui-ci même réussi à choquer le flegmatique Wall Street Journal (article payant) qui le juge plus néfaste que son cousin américain.

En France, la riposte s’organise : les acteurs du web ont condamné unanimement mercredi le volet surveillance de la loi de programmation militaire adoptée mardi soir, qui élargit l’accès des services de renseignements aux données informatiques et téléphoniques, sans l’accord d’un juge.

Plusieurs associations ont déjà annoncé qu’elles demandaient aux parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel afin de questionner les Sages sur une potentielle atteinte aux libertés fondamentales gravées dans le marbre de la Constitution. Une saisine du Conseil constitutionnel doit être demandée par un minimum de 60 députés ou 60 sénateurs. A défaut de saisine, le texte sera promulgué et publié au Journal officiel, et donc entrera en vigueur.

Les paragraphes controversés, issus de l’article 13, autorisent le « recueil » auprès des opérateurs de communications électroniques, des hébergeurs et des éditeurs, « des informations ou documents traités ou conservés par leurs réseaux ou services de communications électroniques ». En clair, selon les opposants : les données de connexion mais aussi des emails ou encore des photos.

Les contours de la surveillance trop flous

Le texte s’inscrit dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Il prévoit que les demandes d’informations émanent non pas d’un juge mais d’agents des ministères de l’Intérieur, de la Défense ou de l’Economie, et qu’elles seront validées par « une personnalité qualifiée placée auprès du Premier ministre ». Les modalités techniques pour intercepter ces données restent floues, le texte indiquant seulement qu’elles peuvent être « recueillies sur sollicitation du réseau », ce qui laisse la porte ouverte à la possibilité d’installer des sondes mouchardes.

« En créant pour les services de renseignement un accès à toutes les données conservées par les hébergeurs et non plus aux seules données techniques, la France soulève de nombreuses interrogations en terme de protection des libertés », a condamné l’Asic, principale association française des acteurs du web.

Au nom de ses membres - Google, Facebook, Deezer, Dailymotion, Yahoo ou encore PriceMinister - l’Asic estime que cette loi « fragilisera la position française dans le débat européen et international sur la protection des données personnelles ».

Un système sans contrôle indépendant

La saisine du Conseil constitutionnel est également demandée par le think tank Renaissance numérique : « Nous ne pouvons croire que les parlementaires aient volontairement décidé de donner un tel pouvoir à des autorités administratives sans possibilité de contrôle de leur part ou de celle du juge », a déploré son président Guillaume Buffet.

« Seul le Conseil constitutionnel peut à présent empêcher l’application de ces dispositions attentatoires aux libertés fondamentales des citoyens », renchérit la Quadrature du Net, association qui défend les libertés des internautes, qui dénonce « une surveillance généralisée des informations et communications sur internet ».

Des fédérations professionnelles du secteur, le Syntec Numérique ou l’Association française des éditeurs de logiciels (Afdel), s’inquiètent également des conséquences de la nouvelle loi. De son côté, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) avait « déploré » fin novembre n’avoir pas été saisie des dispositions de l’article 13 relatives à l’accès en temps réel aux données de connexion.

Mercredi matin, la ministre déléguée à l’Economie numérique Fleur Pellerin a essayé de balayer les doutes sur son compte Twitter. Pour l’instant, sans succès.

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