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Des syndicalistes havrais menacés de prison ferme au Havre

par PACO

Publie le mercredi 12 mars 2014 par PACO - Open-Publishing
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Le fantôme de la loi « anti-casseurs » rode au Havre. Quatre militants de la CGT comparaissaient devant le tribunal de grande instance le 21 février pour deux affaires a priori plutôt banales. Le Procureur de la République a requis deux mois de prison avec sursis et 300 euros d’amende dans une affaire et pas moins de six mois de prison ferme et 500 euros d’amende dans l’autre. Les jugements seront rendus le lundi 31 mars. Une pétition circule pour dénoncer, encore, la criminalisation de l’action syndicale.

Il faut remonter au 10 septembre 2013 pour comprendre la première affaire. Ce jour-là, journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites, la rue grogne contre la gauche gouvernementale qui a décidé de marcher dans les pas de Sarkozy. Après la manif du matin, un groupe de militants se dirige vers les locaux du PS et du PRG pour causer avec les représentants locaux des partis au pouvoir. En vain. La tentative de dialogue se transforme en joyeux collage d’affiches sur les vitrines du PS. Au passage, la plaque de la députée PS est dévissée. Plus loin, l’ambiance dérape chez les radicaux « de gauche ». Prévenus par les socialos, armés d’extincteurs, ils attendent les cégétistes qui se prennent des jets de neige carbonique. Dans la bousculade, un énervé du PRG s’en prendra même à un policier. Leur beau local n’échappe pas pour autant aux affiches et aux graffitis. « Traitres ! » Au bout du bout, quatre cégétistes sont poursuivis pour dégradations, vol et recel de la plaque parlementaire (pourtant rendue intacte quelques jours plus tard). Le procureur requiert deux mois de prison avec sursis et 300 euros d’amende pour les cégétistes. Pour leur violence ridicule, les gens du PRG ont au bout du nez trois et six mois avec sursis plus 400 et 500 euros d’amende. Fin du premier acte.

La seconde affaire nous ramène au 10 janvier dernier. Un mouvement de grève de quatorze jours secoue alors l’entreprise SPB, un centre d’appels. Les salarié-e-s réclament des hausses de salaire et de meilleures conditions de travail. Une altercation éclate entre des militants CGT et un huissier provocateur qui sifflote L’Internationale en prenant les grévistes en photo. Dans la bousculade, la serviette de l’huissier, ex-policier, échoue au milieu d’un feu de palettes. Les circonstances de l’incident sont floues, mais le procureur n’hésite pas à réclamer pas moins de six mois de prison ferme et 500 euros d’amende à l’encontre des deux co-secrétaires généraux de l’UL CGT du Havre tout en les menaçant. Il assure que face aux actions syndicales qu’il considère « de plus en plus violentes », il fera toujours des « réquisitions de fermeté ». Fin du second acte.

Les deux affaires étaient jugées le 21 février. Tous les autres procès prévus ont été repoussés. La salle du tribunal s’est peu à peu vidée avant de se remplir de militant-e-s solidaires des « Quatre du Havre ». Il aurait fallu un grand chapiteau pour contenir tous leurs soutiens. Devant le palais de justice, bloquant la circulation, plus de 3000 personnes piétinaient dans le froid. Un bon millier de dockers et portuaires CGT étaient là ainsi que des délégations syndicales du privé comme du public venues de toute la région et au-delà. Des drapeaux Solidaires, FSU et Unef flottaient avec ceux de la CGT pendant qu’une sono diffusait de multiples déclarations et messages de soutien ponctués par une version punk du Chant des Partisans signée Grand Final, un groupe havrais.

Quels mauvais jours annoncent ces procès qui réactivent l’esprit de la loi « anti-casseurs » ? « On cherche à travers ces poursuites à criminaliser l’action syndicale en groupe et l’action politique », soutenait maître Eric Baudeu, l’un des avocats des militants CGT, devant le tribunal du Havre. Dans les années 70, il était possible de poursuivre quelqu’un pour le simple fait qu’il était membre d’un groupe qui avait commis des dégradations ou des violences même si cette personne n’était pas personnellement impliquée dans les faits reprochés. Cette notion de « responsabilité collective », plus que dangereuse pour les libertés, a été enterrée en 1981 avec l’arrivée de la gauche au pouvoir...

A l’évidence, la CGT havraise défrise de nombreux patrons et politiciens. Intransigeant-e-s dans les luttes (et pas mal de ces luttes paient...), les cégétistes locaux prônent un syndicalisme de combat. Dans les couloirs de l’union locale, l’aura de Jules Durand est par exemple toujours bien vivante. L’histoire de ce syndicaliste révolutionnaire condamné à mort en 1910 suite à une stupéfiante machination patronale hante toujours les consciences. Mémoire rebelle toujours, le 10 mars dernier, avant d’aller se faire entendre au conseil municipal, les militant-e-s de l’UL donnaient le nom de Louise Michel, la célèbre communarde anarchiste, à une salle de réunion. L’histoire contemporaine intéresse aussi ces cégétistes. On se souvient que c’est dans cette UL que l’écrivain révolutionnaire Jann-Marc Rouillan avait pu s’exprimer le 5 mars 2013 parce que le préfet et le maire UMP du Havre lui interdisaient l’accès de la Scène nationale-Le Volcan où il était invité à débattre en compagnie de Richard Bohringer.

Par son nombre de syndiqué-e-s, plus de 8800, l’UL du Havre est la troisième union locale de France. C’est peu dire que cette force dérange. Alors, il est tentant de vouloir transformer en criminels des syndicalistes trop remuants. Sauf qu’il ne va pas être facile d’intimider des camarades déterminés. Les co-secrétaires généraux de l’UL CGT ont donné le ton lors de leur convocation au commissariat central le 21 janvier. Pas question de céder à la prise d’empreintes ADN. Pas question de mettre sur le même plan action syndicale et criminalité. Après les « Cinq de Roanne », on n’a pas fini d’entendre parler des « Quatre du Havre ». « Notre syndicalisme œuvre pour le progrès social. Il est la voix des salariés sacrifiés face à la dictature du patronat, malheureusement encouragée par la politique du gouvernement », souligne le syndicat en dénonçant « l’union sacrée du patronat et d’un parti politique pour tenter de stopper l’action de la CGT au Havre. »

« Lorsque l’on touche à un militant de la CGT, on touche à toute la CGT », martèlent les militants de l’UL havraise. Sans risque de se tromper, on peut affirmer qu’au-delà de la CGT, c’est l’ensemble du mouvement social qui est menacé par ces basses manœuvres sans précédent. Au Havre (où les actions musclées n’ont pas manqué ces dernières années) ou ailleurs. Les jugements seront rendus le lundi 31 mars, à 13h30. Pour soutenir les « Quatre », un rassemblement est prévu devant le palais de justice du Havre dès midi.

Militant-e-s syndicaux, politiques, associatifs, vous pouvez également signer la pétition en ligne Pour la relaxe des Quatre du Havre.

Le blog de l’UL CGT du Havre.

Photos © Paco prises le 21 février 2014 au Havre.

Portfolio

Messages

  • Communiqué des syndicats CGT, FO, FSU, Solidaires qui demandent la relaxe des "Quatre du Havre".

    "Les réquisitions du Procureur de la République du Tribunal correctionnel du Havre, dont 6 mois de prison ferme, sont inacceptables. Les organisations syndicales CGT, FO, FSU et Solidaires dénoncent cet acharnement judiciaire envers les militants syndicaux qui sont trainés devant la justice pour avoir défendu les droits des salariés dans des actions collectives.

    Nous ne pouvons accepter que l’institution judicaire s’acharne contre les militants syndicaux alors qu’elle est plus réservée lorsqu’il s’agit d’actions du patronat et de ses représentants. Nous avons besoin de justice pour lutter contre les fraudes et les licenciements.

    Nous avons besoin de justice pour les salariés et leurs représentants, face
    aux attaques patronales. Nous exigeons que le gouvernement vote rapidement une loi d’amnistie sociale portant des droits nouveaux, protégeant les militants syndicaux qui agissent dans le cadre de leur mandat, dans les actions collectives.

    Refuser cette loi d’amnistie pour les syndicalistes serait, de la part du gouvernement, un message d’encouragement au patronat pour poursuivre sa politique antisociale dans notre pays et traquer celles et ceux qui s’y opposent."