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Arrêtons d’assister les patrons !

par Frédéric Lordon

Publie le mardi 8 avril 2014 par Frédéric Lordon - Open-Publishing
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Arrêtons d’assister les patrons !

L’assistanat permanent auquel le patronat et le MEDEF se réfèrent comme un dû sous le prétexte de la création d’emploi, constitue en réalité une forme de chantage particulièrement odieux mais aussi terriblement inefficace pour la nation. Face à l’échec de cette politique d’assistanat, particulièrement criant en terme d’emplois, il est temps d’arrêter de jeter l’argent des contribuables par la fenêtre en subventionnant le patronat !

Et voilà énoncée la logique des actes. Pauvre logique qui transpire les stratégies du désespoir et de la renonciation. Car les tendances longues de la trahison idéologique se mêlent ici aux calculs égarés de la panique quand, ayant abandonné toute idée de réorienter les désastreuses politiques européennes, ayant même fait le choix de les durcir un peu plus avec le TSCG, et par conséquent privé de toute possibilité de relance, il ne reste plus pour se sauver du naufrage complet que le radeau de la Méduse : « l’entreprise » comme ultime providence, c’est-à-dire… le MEDEF comme planche de salut. Formidable effort de la vie sauve et géniale trouvaille au bord de l’engloutissement : « La seule chose qu’on n’a pas essayé, c’est de faire confiance aux entreprises » [7]. Ah ! la riche idée : faire confiance aux entreprises… Faire confiance au preneur d’otages en se jetant dans ses bras, persuadé sans doute que l’amour appelle invinciblement l’amour — et désarme les demandes de rançon.

La prise d’otages du capital

Contrairement à ce qu’exclamerait dans un unisson d’horloges synchronisées la cohorte éditorialiste, scandalisée qu’on puisse parler de « prise d’otages », il n’y a pas une once d’outrance dans le mot, dont il faut même soutenir qu’il est analytiquement dosé au plus juste. Il est vrai que l’altération perceptive qui fait voir les droites sous l’espèce de la courbure est en accord avec cette autre distorsion qui conduit à voir des « prises d’otages » partout — chez les cheminots, les postiers, les éboueurs, et plus généralement tous ceux qui se défendent comme ils peuvent des agressions répétées dont ils sont l’objet —, sauf où il y en a vraiment. Il est vrai également que le capital a pour lui tous les privilèges de la lettre volée d’Edgar Poe [8], et que sa prise d’otages, évidente, énorme, est devenue invisible à force d’évidence et d’énormité. Mais par un effet de cécité qui en dit long sur le pouvoir des idées dominantes, pouvoir de faire voir le monde à leur manière, en imposant leur forme au réel, et en rendant invisible tout ce qui pourrait les contredire, par cet effet de cécité, donc, la plus massive des prises d’otages est devenue la moins remarquée, la plus entrée dans les mœurs.

Or, comme Marx l’avait remarqué, le capitalisme, c’est-à-dire le salariat, est une prise d’otage de la vie même ! Dans une économie monétaire à travail divisé, nulle autre possibilité de reproduire la vie matérielle que d’en passer par l’argent du salaire… c’est-à-dire l’obéissance à l’employeur. Et s’il n’y avait eu la conquête de haute lutte des institutions de la protection sociale, on ne voit pas bien ce qui séparerait la logique profonde de la mise au travail capitaliste d’un pur et simple « marche ou crève ».

Le capital ne prend pas en otage que la vie des individus séparément, mais également — en fait d’un seul et même tenant — leur vie collective, celle-là même dont la politique est l’expression, et qui donne normalement à la politique son objet. Mais voilà, l’objet de la politique est dans les pattes d’un autre : le capital. Cette captation a pour principe majeur que toute la reproduction matérielle, individuelle et collective, est désormais entrée sous la logique de l’accumulation du capital : la production des biens et des services qui reproduisent la vie matérielle n’est plus effectuée que par des entités économiques déclarées capitalistes et bien décidées à n’opérer que sous la logique de la marchandisation profitable. Et pour principe mineur la capacité d’initiative dont jouit le capital : le capital financier a l’initiative des avances monétaires qui financent les initiatives de dépenses du capital industriel — dépenses d’investissement ou dépenses de recrutement. Aussi les décisions globales du capital déterminent-elles le niveau général de la conjoncture, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles les individus trouvent les moyens — salariaux — de leur reproduction. C’est ce pouvoir de l’initiative, pouvoir d’impulsion du cycle de la production, qui confère au capital une place stratégique dans la structure sociale d’ensemble — la place du preneur d’otages, puisque tout le reste de la société n’en finit pas d’être suspendu aux décrets du capital et à son bon vouloir.
Sous la menace de la grève de l’investissement

Sans doute l’intensité de la prise d’otages se trouve-t-elle modulée par la configuration historique concrète du capitalisme au moment considéré. Le rapport de force entre le capital et le travail, on pourrait même dire entre le capital et tout le reste de la société, n’est pas le même lorsque le commerce international, les investissements directs et les mouvements de capitaux sont très régulés, et lorsqu’ils ne le sont pas. C’est d’ailleurs le propre du néolibéralisme que d’avoir accru quasiment sans limite les possibilités stratégiques du capital, en abattant systématiquement les barrières qui jusqu’ici retenaient ses calculs.

Il fallait donc avoir l’humanisme chrétien, ou la bêtise crasse, chevillée au corps pour s’imaginer que le capital pourrait, comme toute puissance en marche, ne pas pousser son avantage jusqu’à sa dernière extrémité, et pour croire qu’il trouverait de lui-même les voies de la décence ou de l’autorégulation. Or cette « dernière extrémité », très exactement appuyée à la capacité d’initiative qu’on vient de décrire, consiste en ce que le capital est en mesure d’exiger de la société qu’il soit fait droit à toutes ses demandes pour que l’initiative soit effectivement lancée. Faute de quoi il pratiquera la grève de l’investissement — « grève », n’est-ce pas là le mot qui, dans la boîte à deux neurones de l’éditorialiste quelconque, déclenche habituellement l’association avec « prise d’otages » ?

Bien sûr pour qu’il y ait arc électrique dans cette boîte-là, il faudrait que cette grève, d’un genre spécial, se donne à voir sous des formes plus standard. Or ni piquet, ni banderole, ni brasero dans les grèves du capital, mais plutôt une retenue silencieuse — de l’investissement —, accompagnée d’un lamento bruyant, lamento de la création empêchée, à base d’énergies qui voudraient tant être libérées (et qui sont tant bridées), d’étouffement règlementaire et de strangulations fiscales, ou plus subtilement d’attractivité du territoire (médiocre) et par conséquent de fuite des talents, bref le discours du positif contrarié — pour ainsi dire le discours des forces de la vie, que seule une perversité mortifère peut avoir l’idée de retenir.

Evidemment le discours du positif a le gros bâton du négatif sous la main. Car si la société n’exécute pas les quatre volontés du capital, le capital a les moyens de le faire sentir à la société — et ceci du fait même qu’il a capté la maîtrise entière de sa reproduction matérielle. Il faut alors prendre un peu de recul pour mieux mesurer l’ampleur de la prise d’otages, et l’efficacité du rançonnement, depuis la suppression de l’autorisation administrative de licenciement au milieu des années 80 jusqu’aux dispositions scélérates de l’ANI, en passant par la baisse de l’impôt sur les sociétés, la défiscalisation des stock-options, les atteintes multiples au CDI, le travail du dimanche, etc., liste interminable de butins de guerre, dont il faut comprendre qu’elle est vouée à s’allonger indéfiniment tant qu’il ne se trouvera pas en face de la puissance du capital une puissance de même échelle mais de sens opposé pour le ramener autoritairement à la modération, car, la liste précédente l’atteste suffisamment, le capital n’a aucun sens de l’abus.
Le capital-enfant

Intensifiée comme jamais par la configuration institutionnelle du néolibéralisme, la capture — la prise d’otages — constitutionnelle au capitalisme a porté le rançonnement de la société entière à des degrés inouïs, mesurables par l’impudence déboutonnée de ses ultimatums. Le capital ne négocie plus avec la société : il extorque. Pourquoi se gênerait-il ? Sous le nom de « mondialisation », la situation structurelle a été aménagée pour maximiser son pouvoir matériel et symbolique, et il est dans la (tauto)logique des choses qu’une puissance à laquelle a été ôtée toute limite ne connaisse plus de limite. C’est pourquoi le capital désormais dicte ses demandes — on prétend que le pacte de responsabilité a été livré à Hollande clé en mains par Gattaz qui s’en défend à peine —, à défaut de quoi, il bloquera tout.

La compréhension de ce blocage demande alors de sortir de l’abstraction macroscopique du « capital » pour se transporter dans les psychés patronales ordinaires, et y observer in situ moins le cynisme ouvert de l’institution MEDEF que le sentiment du « bon droit » des patrons individuels, sentiment d’une évidente légitimité, ou bien celui d’une véritable offense au moindre refus, et la réaction totalement infantile du « si c’est comme ça… » qui s’en suit invariablement — « si c’est comme ça, je m’en vais », « si c’est comme ça la France n’aura plus mon talent », « si c’est comme ça, je paye mes impôts ailleurs », « si c’est comme ça, mon énergie n’est plus du tout libérée », « si c’est comme ça, je ne peux pas innover », « si c’est comme ça, je n’embaucherai pas ».

L’hypothèse infantile est décidément la bonne puisque la perte des limites fait invariablement remonter la part de l’enfant-tyran. A l’image de la psychologisation générale de la société, une des tendances les plus profondes du néolibéralisme, le débat politique se trouve donc entraîné dans une effarante régression où ne comptent plus que les conditions du confort psychique de l’enfant-patron. Pierre Gattaz réclame qu’on lui évite toute disposition « stressante ». Mais c’est sans doute Fleur Pellerin qui va le plus loin dans la grammaire du dorlotement en reconnaissant bien volontiers que « le milieu entrepreneurial a encore besoin de preuves d’amour » [9]. Voilà donc où nous en sommes : pour obtenir des patrons qu’ils daignent faire leur travail, la société doit leur témoigner de « l’amour », et surtout veiller à leur éviter toute contrariété. Stade ultime de la prise d’otages, où le preneur d’otages, en plus de la rançon, réclame d’être aimé, l’extorsion matérielle cherchant à se prolonger sous une forme délirante en extorsion affective.

Et c’est avec ce genre de complexion que la Droite Complexée du président Hollande imagine passer un pacte de responsabilité ! idée folle conduisant inévitablement à se demander lequel des deux « contractants » est le plus irresponsable, le capital-enfant qui ne connaît plus aucun frein et violentera jusqu’au bout la société otage, ou le gouvernement qui persiste, contre toute évidence, à en faire un partenaire « responsable ». Il faut en tout cas avoir au choix la franche bêtise ou, plus probablement, le cynisme retourneur de veste de M. Montebourg pour oser dire que le pacte consiste en « une réconciliation de la nation autour de l’entreprise », en contrepartie de laquelle il est attendu que « l’entreprise secoure la nation » [10].
La curieuse science expérimentale
des baisses de cotisations

Supposé qu’il passe parfois dans quelque esprit gouvernemental l’ombre d’un doute, le capital, lui, ne se pose pas ce genre de question. Tout à sa poursuite des coudées larges et de la suppression fiscale, il demande, menace… et obtient. Bref il commande. De toutes ses revendications, la plus constamment réaffirmée a pour objet les cotisations sociales — les « charges » — et le voilà de nouveau satisfait. Mais d’une satisfaction qui va s’usant — avec la force de l’habitude — et réclame sans cesse des montants plus importants pour se soutenir. C’est pourquoi — assez d’être timoré ! — Pierre Gattaz se propose toutes les audaces de l’arrondi supérieur : 100 milliards de réduc’, c’est beau, c’est net, pas compliqué à retenir, maintenant, donc, il nous faut 100 milliards. Double effet caractéristique de l’addiction et de l’accoutumance, le capital déclare qu’il ne peut plus vivre, et donc qu’on ne pourra pas compter sur lui, s’il n’a pas sa dose. Le fait est que depuis presque trois décennies de pratique intensive des baisses de cotisations sociales, sans compter les aides variées à l’emploi et les allègements de toutes sortes — Gérard Filoche en estime le total à 65 milliards d’euros [11], soit 3 bons points de PIB tout de même —, le capital n’a même plus à chercher la seringue : il a le cathéter branché à demeure.

Mais le vrai mystère dans toute cette affaire réside bien dans le fait même de politiques entretenues depuis si longtemps alors que leur inefficacité est si continûment avérée — elle, pour des raisons qui n’ont rien de mystérieux : parce que le coût salarial complet n’est qu’une fraction relativement modeste du coût total (25 %) [12] et que même les 100 milliards de Gattaz n’aboutiraient qu’à une baisse du coût de production de 3,5 % [13], une misère à la merci du moindre renchérissement de matière première, pour ne rien dire d’un mouvement de change d’un compétiteur extra-européen. A ce propos, et dans le registre du passeur de plats, signalons le commentaire tout de bienveillance de Daniel Cohen pour qui il ne faut voir dans le pacte de responsabilité « aucune conversion idéologique » [14] mais une simple « option pratique », le pacte consistant, « privé de l’arme monétaire, (…) à gagner en compétitivité (…) par une dévaluation fiscale ». Ceci, d’ailleurs, avant de suggérer « d’indexer [les prestations] des systèmes sociaux sur la croissance », soit la proposition même du MEDEF, et cette remarquable convergence du patronat, de la Droite Complexée et de ses économistes de service ne peut en effet être mise au compte d’aucune « conversion idéologique » — à l’évidence, l’unanimité spontanée des raisonnables.

Mais que dire également de l’imitation de tous les pays européens dans la course à la baisse du coût du travail, sinon qu’elle n’a pas d’autre effet que l’attrition générale des standards sociaux sans le moindre gain de compétitivité puisque celle-ci n’est jamais qu’un avantage différentiel, comme tel annulé par son adoption généralisée. Ou encore de la théorie dite du wage-gap, soutenant que le chômage est un effet de déséquilibre de l’offre et de la demande sur le marché du travail dû à un excès du prix du travail, sinon qu’elle est fausse et archi-fausse [15].

Mais aucune de ces évidences n’a la moindre prise, ni sur le patronat évidemment — il ne faut pas trop demander —, ni sur le commentariat qui jacasse la baisse des charges à l’unisson du MEDEF, ni surtout sur le gouvernement socialiste à qui pourtant ces conneries coûtent les yeux de la tête ! Le voilà alors le vrai pouvoir des idées dominantes : le pouvoir de se maintenir envers et contre tout, contre toutes les objections de l’analyse et contre toutes les infirmations du réel — et il n’en a pas manqué depuis plus de vingt ans de baisses continues de tout et de stagnation prolongée dans le chômage de masse. Le pouvoir des idées dominantes, c’est ce privilège des épistémologies asymétriques, c’est-à-dire d’un rapport totalement distordu à l’expérience : on poursuivra pendant des décennies, et jusqu’au bout, la mise en œuvre du faux que l’on continuera, contre toute évidence, de déclarer le vrai, là où on ne laisserait pas six mois à une tentative authentiquement alternative.

Car il faut s’efforcer d’imaginer un programme de rupture avec le néolibéralisme et surtout se figurer ce que serait la réaction du commentariat aux turbulences qui suivraient nécessairement d’une refonte de l’ordre institutionnel du capitalisme (encore ne parle-t-on même pas ici de sortie du capitalisme…) : glapissements et hauts cris, rappels à l’ordre de la « raison économique », avertissements que ça ne marche pas et que ça ne marchera jamais, injonction à faire une démonstration immédiate d’efficacité, quand le néolibéralisme ne cesse, lui, de nous appeler à la sagesse du long terme (où « s’obtiennent vraiment ses effets »), et de nous renvoyer à la patience, patience des efforts de compétitivité qui « finiront par payer », patience de l’Europe qui sera bientôt sociale, enfin plus tard… — il faudra, donc, se souvenir de cette asymétrie des exigences temporelles, qui somme les uns au court terme et accorde aux autres le long, le très long terme, pour ne pas oublier, si jamais vient un jour le moment de la transformation sociale, de préciser que nous demanderons nous aussi vingt ans et pas une journée de moins.
Les entreprises ne créent pas l’emploi

Mais le pire dans toute cette affaire c’est peut-être l’irrémédiable inanité de la stratégie Hollande et de ses conseillers, esprits entièrement colonisés par la vue MEDEF du monde et qui n’ont d’autre point de départ de toutes leurs réflexions que la prémisse, l’énoncé princeps du néolibéralisme, il est vrai répété partout, entré dans toutes les têtes sur le mode de l’évidence au-delà de toute question : « ce sont les entreprises qui créent l’emploi ». Cet énoncé, le point névralgique du néolibéralisme, c’est la chose dont la destruction nous fait faire un premier pas vers la sortie de la prise d’otages du capital.

En tout cas, derrière « les entreprises ne créent pas d’emploi » il ne faut certainement pas voir un énoncé à caractère empirique — que les vingt dernières années confirmeraient pourtant haut la main en tant que tel… Il s’agit d’un énoncé conceptuel dont la lecture correcte n’est d’ailleurs pas « les entreprises ne créent pas d’emploi » mais « les entreprises ne créent pas l’emploi ». Les entreprises n’ont aucun moyen de créer par elles-mêmes les emplois qu’elles offrent : ces emplois ne résultent que de l’observation du mouvement de leurs commandes dont, évidemment, elles ne sauraient décider elles-mêmes, puisqu’elles leur viennent du dehors — du dehors, c’est-à-dire du bon-vouloir dépensier de leurs clients, ménages ou autres entreprises.

Dans un éclair de vérité fulgurant autant qu’inintentionnel, c’est Jean-François Roubaud, président de la CGPME et Saint Jean Bouche d’or, qui a vendu la mèche, à un moment, il est vrai, voué à être puissamment révélateur : le moment de la discussion des « contreparties ». Comme on sait à l’instant T moins epsilon qui précède la conclusion du « pacte », le patronat jure sur la tête du marché qu’il s’en suivra des créations d’emplois par centaines de mille et, comme de juste, à l’instant T plus epsilon on n’est tout d’un coup plus sûr de rien, il faudra voir de près, ne nous emballons pas, en tout cas il faut nous faire confiance.

Et voilà ce gros nigaud de Roubaud qui déballe tout sans malice ni crier gare : « encore faut-il que les carnets de commandes se remplissent… » [16] répond-il en toute candeur à la question de savoir si « les entreprises sont prêtes à embaucher en échange » [17]. C’est pas faux Roubaud ! Or si les entreprises « produisaient » elles-mêmes leurs propres carnets de commandes, la chose se saurait depuis un moment et le jeu du capitalisme serait d’une déconcertante simplicité. Mais non : les entreprises enregistrent des flux de commandes sur lesquels elles n’ont que des possibilités d’induction marginale (et à l’échelle agrégée de la macroéconomie aucune possibilité du tout [18]) puisque ces commandes ne dépendent que de la capacité de dépense de leurs clients, laquelle capacité ne dépend elle-même que de leurs carnets de commande à eux [19], et ainsi de suite jusqu’à se perdre dans la grande interdépendance qui fait le charme du circuit économique.

A quelques variations près, réglées par la concurrence inter-firmes, la formation des carnets de commandes, dont Roubaud nous rappelle — pertinemment — qu’elle décide de tout, ne dépend donc pas des entreprises individuellement, mais du processus macroéconomique général. En situation de passivité face à cette formation de commandes, qu’elles ne font qu’enregistrer, les entreprises ne créent donc aucun emploi, mais ne font que convertir en emplois les demandes de biens et services qui leurs sont adressées. Là où l’idéologie patronale nous invite à voir un acte démiurgique devant tout à la puissance souveraine (et bénéfique) de l’entrepreneur, il y a donc lieu de voir, à moins grand spectacle, la mécanique totalement hétéronome de l’offre répondant simplement à la demande externe.

On dira cependant que les entreprises se différencient, que certaines réduisent mieux leurs prix que d’autres, innovent plus que d’autres, etc. Ce qui est vrai. Mais n’a in fine d’effet que sur la répartition entre elles toutes de la demande globale… laquelle demeure irrémédiablement bornée par le revenu disponible macroéconomique. Ne peut-on pas aller chercher au dehors un surplus de demande au-delà de la limite du revenu interne ? Oui, on le peut. Mais le cœur de l’argument n’en est pas altéré pour autant : les entreprises enregistrent, à l’export comme à domicile, des demandes que, par construction, elles ne peuvent pas, individuellement, contribuer à former, et elles se borneront (éventuellement) à convertir ces commandes en emplois. En d’autres termes, les emplois ne sont que le reflet de demandes passivement perçues. Aucun geste « créateur » du type de celui que revendique l’idéologie patronale là-dedans. Les entrepreneurs et les entreprises ne créent rien (en tout cas en matière d’emploi) — ce qui ne veut pas dire qu’elles ne font rien : elles se font concurrence pour capter comme elles peuvent des flux de revenu-demande, et font leur boulot avec ça.

Messages

  • Les patrons c’est comme dieu ou les actionnaires il faut s’en débarrasser et ne commencez pas à dire qu’il en existe de meilleurs que d’autres il faut s’en débarrasser point barre.

    • S’en débarrasser mais énergiquement. Alain 04

    • Energiquement certes mais surtout définitivement qu’ils soient privés ou publics.Nous prolos de la "france d’en bas" (raffarin au tapin) sommes tout à fait capables de réorienter leurs choix pour satisfaire le bien commun.

    • Tout d’abord le mouvement syndical doit rompre toute relation avec le MEDEF qui ne représente qu’une petite partie du patronat de droit divin sinon on fait croire aux travailleurs que les patrons sont prêts au compromis social alors qu’ils ne cherchent que la rentabilité actionnariale . Le salariat est à abolir au profit de l’argent des besoins humains payé par la collectivité qu’est l’entreprise citoyenne débarassée de toute emprise de propriètaire actionnaire . L’entreprise doit être animée et gérée par les travailleurs eux-même qui fabriquent les produits et services en fonction des besoins des clients- citoyens . La réorganisation de la société peut être rapide aujourd’hui si le mouvement ouvrier et les cadres-ingénieurs-techniciens décident de vraiment se prendre en charge dans tous les domaines de l’activité humaine . L’utopie communiste peut devenir concrète par l’appropriation collective des moyens de production et d’échanges aux antipodes des multinationales capitalistes actuelles . Le débat entre les exploités consentants et non consentants devient crucial aujourd’hui avec cette crise du capitalisme dramatique . C’est l’enjeu de ce siècle ...

      Bernard SARTON ,section d’Aubagne

    • Il faut les pendre haut et court à la lanterne sans oublier leurs perroquets, et ne pas oublier Pujadas !
      Oui mais si on fait ça, que dira Le Paon ?!

  • Et une première annonce du Premier ministre Manuel Valls !

    Au niveau du SMIC, les cotisations patronales à l’Urssaf seront supprimées à partir du 1er janvier 2015.

    • En 1945 les patrons qui avaient majoritairement collaborés n’avaient pas le choix. Ou ils étaient pendus ou ils acceptaient de négocier. Les patrons ne sont pas des gens de conviction, mais d’argent. Ils ont donc négocié. La France a obtenu la sécurité sociale, une augmentation des salaires et toutes sortes de mesures favorables aux plus humbles. Aujourd’hui les patrons collaborent encore. A l’impérialisme occidental qui fait une guerre aux pauvres et planifie de nouvelles conquêtes. Aujourd’hui, alors que la situation de la totalité des pays d’Europe est moins préoccupante qu’à la sortie de la guerre et qu’il y a des enrichissements phénoménaux et des disparités comme on en a jamais vu dans l’histoire de l’humanité, le pouvoir n’a de cesse de rogner sur tous les acquis sociaux auxquels avaient cédés les patrons collaborateurs au nazisme. Aujourd’hui il y a des camps de rétentions pour les nouveaux juifs. Il n’y a pas le choix les bourgeois, les patrons il faut leur faire peur pour obtenir des améliorations sociales. Seulement le problème c’est que ce sont eux, avec les gouvernements, qui propagent la terreur. Dans le seul but d’obtenir toujours plus. Les patrons ne sont pas des gens de conviction, ils n’aiment que l’argent et ils ne l’aiment qu’à la condition de mépriser souverainement les autres.

  • Arrêtons d’assister les patrons !

    Ces bougres s’accrochent à leurs acquis.

    Ils doivent comprendre qu’avec la mondialisation, la crise, la concurrence, ils va leur être nécessaire de baisser leur taux de profit.

    De même ils doivent comprendre que, dans une économie moderne et mondialisée, des réformes nécessaires sont inévitables (et réciproquement), comme le partage du pouvoir de décision avec les salariés.

    Ils doivent aussi comprendre que l’Etat ne peut pas tout : il va bien falloir mettre fin à cette gabegie d’argent public et cesser toutes ces subventions et aides diverses versées à ces parasites de patrons et d’actionnaires.

    • Le dépérissement du patronat (des TPE, PME et FMN) comme le dépérissement de l’Etat doit être pensé et mis en oeuvre sinon il va s’agit plus d’une religion sociale que d’une perspective politique.

      Comme perspective politique, ayant pour nom "socialisme" je préfère penser que le patronat et l’Etat existe encore mais avec une montée de l’appropriation publique (Etat) liée à une montée de l’appropriation sociale (socialisation des personnels des entreprises publiques) qui débouche sur un recul du capitalisme dominant au point que la République sociale (Etat social fort sous un capitalisme dominant) puisse laisser la place à une République socialiste, avec une large place faite à l’économie non marchande de valeur d’usage (services publics) et une place minoritaire au capitalisme.

    • Ce texte est une apologie du réformisme,un plaidoyer pour une croissance sans rupture forte des logiques "socialistes" ,en quelque sorte le capital va se faire manger petit à petit par les "montées d’appropriations sociale"
      C’est n’avoir pas compris la nature profonde du K et des ses lois générales.
      Rien dans ce texte n’insiste sur la rupture totale que constituera l’expropriation des possédants et qui plongera la sociéte dans une lutte violente y compris physique .
      Violence déclenchée par les tenants des capitaux qui ne vont pas attendre qu’une quelconque montée d’appropriation sociale les prive de leurs richesses

      Un état social fort sous un capitalisme dominant ,je ne connais pas,même en 68 avec des acquis assez nombreux,la classe ouvriére fut a deux doigt d’une revolution ,signe puissant que cet état social fort n’était pas tellement apprécié.
      Et que les salariés voulaient s’ en défaire.(même avec les limites qu’on peut imaginer)
      il ne peut exister un quelconque partage du pouvoir,dés l ’instant où la classe ouvriére s ’érige en classe dominante et "prend" la pouvoir ,son rôle,son devoir,sa fonction c ’est la destruction du K et en même temps une destruction des pouvoirs d ’état.

      Cette perspective politique ayant pour nom "socialisme" que défend cet article,cela fait penser à la fameuse phrase d’ Althusser :
      "le socialisme c ’est de la merde"
      Ne perdons pas de temps,ne nous trompons ni de mots ,ni d’objectif,ce que nous devons avoir comme perspective politique c ’est "le communisme"