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Manuel Valls, nouveau capitaine de l’austérité

par Thierry Brun

Publie le jeudi 10 avril 2014 par Thierry Brun - Open-Publishing

Le discours de politique générale du Premier ministre mise sur un pacte de responsabilité, renforcé pour les entreprises, et un super plan d’austérité pour rétablir la croissance.

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre Manuel Valls a sans doute voulu jouer les équilibristes pour diminuer les effets d’une politique marquée par un durcissement de l’austérité budgétaire. Les mesures présentées ne renoncent en rien au cap fixé par François Hollande d’atteindre les objectifs du traité budgétaire européen avec le « pacte de responsabilité et de solidarité » et les mesures budgétaires du programme de stabilité. Celui-ci devait être transmis le 15 avril à la Commission européenne, mais a été retardé d’une petite semaine pour cause de calendrier chargé.

« Faire reculer le chômage de masse, c’est le but du pacte de responsabilité proposé par le président de la République », a défendu le nouveau chef de gouvernement qui a assené pour rassurer les marchés financiers ce qu’ont répétés les précédents gouvernements :

« Sans une croissance plus forte, nous ne ferons rien. La croissance ne se décrète pas, elle se stimule avec pragmatisme et avec volontarisme. »

Le Premier ministre a repris à son compte, sans le nommer, le « choc de compétitivité », présenté par François Hollande lors de la conférence de presse du 14 janvier, en privilégiant une politique de l’offre tout en maintenant fermement la barre de l’austérité. Pour « donner corps à ce pacte », Manuel Valls a donc indiqué que fin avril, l’Assemblée nationale sera saisie du programme de stabilité et qu’un projet de loi de finances rectificative est d’ores et déjà programmé au début de l’été, qui contiendra de nouvelles économies budgétaires, sans qu’on sache l’ampleur des mesures.
Une politique souhaitée par le Medef, et promise par Sarkozy

La politique qu’entend mener le Premier ministre s’inscrit dans une stricte soumission aux engagements du traité budgétaire européen. Manuel Valls donne des gages en s’inscrivant dans la conduite d’une politique économique libérale : le « coût du travail doit baisser », c’est « un des leviers de la compétitivité ». Le principal étant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) destiné aux entreprises, qui doit atteindre 12 milliards d’euros de cadeaux fiscaux cette année et 20 milliards en 2015 : « Nous porteront les allègements du coût du travail à 30 milliards d’ici 2016 ». Ainsi, au niveau du smic, les cotisations patronales « seront entièrement supprimées au 1er janvier 2015. Zéro charge pour l’employeur d’un salarié payé au smic », une « vraie révolution » souhaitée de longue date par le Medef, et promise dans le passé par Nicolas Sarkozy.

Autre mesure, « le barème des allègements existants entre le smic et 1,6 fois le smic sera modifié en conséquence. Nous y consacrerons 4,5 milliards d’euros. Pour les salaires jusqu’à trois fois et demi le smic, c’est-à-dire plus de 90 % des salariés, les cotisations familles seront abaissées de 1,8 point au 1er janvier 2016. Cela représente un allègement supplémentaire de près de 4,5 milliards d’euros. Cela ne pénalisera en rien le financement de la politique familiale qui se verra affectée d’autres recettes pérennes ». Les travailleurs indépendants et artisans ne sont pas oubliés, qui bénéficieront « d’une baisse de plus de 3 points de leurs cotisations familiales dès 2015, soit un milliard d’euros ».

Pour « relever l’investissement », le gouvernement agira aussi sur la fiscalité des entreprises, « d’abord en réduisant les impôts de production comme la contribution sociale de solidarité des sociétés payée par 300 000 entreprises. Elle sera supprimée en trois ans », ce qui représente un cadeau d’environ 6 milliards d’euros supplémentaires dont un milliard dès 2015. « Concernant l’impôt sur le résultat des sociétés, la surtaxe instaurée sous la mandature précédente, sera supprimée en 2016, le taux normal de cet impôt sera abaissé à 28 % en 2020 avec une première étape intermédiaire en 2016. Plusieurs dizaines de petites taxes complexes et de faible rendement seront supprimées ».

Le Premier ministre n’a pas eu un mot sur les nombreuses mesures fiscales dérogatoires dont bénéficient les entreprises, les plus grandes utilisant une optimisation fiscale dans les paradis fiscaux très coûteuse pour le budget de l’État. Rien n’est dit sur la structure très déséquilibrée du système fiscal qui pèse trop lourdement sur les classes modestes et moyennes, ainsi que sur les PME.
Les ménages vont payer la crise

En abordant le volet « solidarité » du pacte, Manuel Valls a sans doute voulu faire passer la pilule des nombreux cadeaux fiscaux qu’il faudra bien financer par des économies dans les compte sociaux. Le tour de passe-passe consiste à affirmer que le pacte « doit améliorer le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes. Le meilleur moyen est d’agir sur les cotisations salariales pour augmenter le salaire net », promet le chef de gouvernement.

Ainsi, en guise de mesures sociales, « dès le 1er janvier 2015, [ces cotisations] seront diminuées pour les salaires au niveau du smic pour procurer 500 euros par an de salaire net supplémentaire. C’est presque la moitié d’un 13e mois pour un salarié payé au smic. Ce gain sera dégressif entre le smic et 1,3 fois le smic ». Et le gouvernement proposera d’alléger la fiscalité sur les ménages modestes, « en particulier ceux qui sont entrés dans le champ de l’impôt sur le revenu ces dernières années alors même que leur situation ne s’était pas améliorée ». Avec l’allégement de la fiscalité pesant sur les ménages modestes, « l’ensemble de ces mesures en faveur des ménages modestes représentera 5 milliards d’euros à l’horizon 2017 ».

Mais où seront prélevées ces ressources dégagées pour les bas salaires et les ménages modestes ? Manuel Valls en a donné un aperçu dans la répartition des économies réalisées dans le cadre du plan d’austérité de 50 milliards d’euros sur trois ans, de 2015 à 2017. L’État et ses agences « devront économiser 19 milliards d’euros, 10 milliards proviendront de l’assurance maladie et 10 des collectivités locales », soit 39 milliards sur les 50 annoncés, qui ne permettront pas de maintenir l’engagement du retour du déficit public sous les 3 % en 2015. Ces économies en cachent d’autres, que Manuel Valls s’est bien gardé de détailler dans son discours de politique générale. Le cap de l’austérité est plus que jamais l’horizon à risque du nouveau gouvernement. A coup sûr, il pèsera lourdement sur les classes modestes et moyennes.

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