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Corruption

par Marie-Anne

Publie le lundi 14 avril 2014 par Marie-Anne - Open-Publishing

On dénonce partout la corruption. Elle semble s’être universellement répandue. On en fait quasiment l’explication de tous les dysfonctionnements du monde. On peut se demander, si pour la corruption comme pour beaucoup d’autres choses, on ne confond pas l’effet et la cause.
La corruption n’est pas un phénomène superficiel, une plaie sans rapport avec l’ensemble du fonctionnement du monde. Comment ne pas mettre en rapport la corruption avec l’immense mouvement de marchandisation du monde, de promotion de l’égoïsme qui est à la base de l’idéologie bourgeoise depuis plusieurs siècles ? Car qu’est-ce-que le capitalisme, sinon la promotion de l’égoïsme et l’instrumentalisation de l’autre ?

Tout s’achète et tout se vend. La légalité, en principe, pose la frontière entre le licite et l’illicite ; mais cette frontière est très ténue. Qui a les moyens se paie les avocats qu’il faut et tente de contourner la loi à son profit. Les interdits posés par la loi, semble en fait réservée aux pauvres, cette fois-ci comme une barrière ferme pour les maintenir dans une condition d’infériorité, de sous-citoyenneté de fait, non proclamée mais bien réelle, qui se dessine sous les dehors d’une égalité toute théorique, sans cesse démentie par les faits. La loi pour les pauvres, le contournement et l’impunité pour les riches.

Tout se passe comme si le processus de délitement du lien social était voué à aller jusqu’à son terme. Les phénomènes de corruption qui agitent la sphère médiatique, au fond, témoignent essentiellement de la corruption du lien social. Tout se passe comme si le mouvement de promotion exclusif de l’intérêt privé, suivant jusqu’au bout sa logique et sa tendance, ne laissait plus aucune place aux valeurs qui le dépassent. Ce n’est pas une simple question culturelle, d’air du temps, mais une question de droit : la concurrence libre et non faussée, entendre le règne de la lutte de tous contre tous et la loi de l’exploitation maximale, est au sommet de nos normes juridiques et entraîne des effets bien concrets, contraignants pour les individus et les peuples.

Or une société ne peut se passer de l’intériorisation par tous de valeurs respectant et promouvant l’intérêt général, le souci de l’autre, de la collectivité et de ses membres les plus faibles. Pour qu’une société vive, il faut des institutions qui fonctionnent, et pour que ces institutions fonctionnent, il faut que des individus les incarnent et en portent le message. Il faut qu’un ensemble de mécanismes sociaux portent les individus incarnant ces institutions à faire leur le discours et les pratiques de justice, de diffusion pour tous du savoir, et des moyens de vivre de manière décente, de contribuer et de s’intégrer dans la collectivité... que chacune de ces institutions est censée garantir.

Il faut que des individus se fassent effectivement acteurs de la pièce déjà écrite dans les dispositifs pré-existant des institutions, mais comme des acteurs au sens de la comédia d’ell arte, qu’ils la rejouent en s’y investissant, en y impliquant leur identité, en y jouant leur partie, en la reprenant à leur compte, qu’ils donnent vie au message porté par ces institutions, message qui est, en quelque sorte, un fragment du discours sur le lien social, ou une déclinaison particulière du discours sur le lien social. Aucune société ne peut vivre sans institutions qui porte le sens du collectif, de la communauté humaine. Les institutions peuvent être injustes, et elles l’ont toujours été, plus ou moins. Elles peuvent porter des idéologies que l’on peut juger néfastes, dépassées ou dangereuses, comme par exemple les rêves de grandeur. Mais ces institutions portent autre chose que l’égoïsme. Elles peuvent porter un rêve dévoyé, mais leur efficacité renvoie toujours à un idéal commun.

Mais dans notre monde actuel, du fait de l’emprise capitaliste sur le monde, la cohérence de nos institutions se sont détraquées, se sont corrompues. Les valeurs d’égoïsmes se sont imposées au sommet de l’échelle des valeurs, entraînant la disparition de tous les rêves. Il n’y a plus d’idéal, sinon celui de la réussite individuelle, et les réussites collectives -celles de la région, de l’entreprise...- ne renvoie qu’à l’enrichissement. La rétribution par le statut ne porte plus de rétributions morales, symboliques, suffisantes, parce qu’on incarne la république, le savoir, le progrès, le service public ou autres. D’un champ institutionnel à l’autre, on ne se renvoie que la dé-liaison des institutions avec ce sens du collectif, de la communauté humaine. Pourtant, individualisme et compétition requièrent, au-dessus des jeux qu’ils inspirent, une régulation qui les dépasse, qui les transcende, en bref qui relève de quelque chose qui ne s’achète pas. Or nos institutions, et en particulier les institutions de régulation, subissent cette emprise où tout s’achète et tout se vend, elles sont prises dans cette spirale où les valeurs ne se réfèrent plus qu’à cet intérêt borné, qu’au renfermement sur soi et sur sa caste.

Entre l’exploitation légale du travail des autres, qui se libère de plus en plus des entraves que le mouvement ouvrier avait mis plus d’un siècle à construire, et le franchissement de la loi, il n’y a plus pour les membres de la classe dominante de réelle différence, juste l’épaisseur d’un fil, celui d’un texte de loi aisément considéré comme lettre morte. Délinquance financière et corruption sont les produits directs de l’ordre capitaliste.


Le libéralisme est un totalitarisme

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