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Google, Amazon : les nouvelles stratégies d’hégémonie commerciale

par Michel Leroy

Publie le vendredi 6 juin 2014 par Michel Leroy - Open-Publishing

Google. Amazon. Deux entreprises ambitieuses nées sur internet. Deux géants en quête d’hégémonie. Mais en cultivant leur volonté de conquête, ces deux entreprises ne sont-elles pas en train d’assécher leur propre filon ?

Google et Amazon ont beaucoup de choses en commun. Enfants de la seconde vague internet, ces entreprises ont connu une croissance fulgurante, dépassant de loin les précurseurs du web tels que Yahoo, pour poursuivre aujourd’hui une stratégie d’hégémonie. Hégémonie dans la distribution de services pour Google, et de biens –matériels et dématérialisés, comme la musique et les livres - pour Amazon. Toutefois, les ambitions de ces deux entreprises ne sont pas sans poser problèmes à leurs parties prenantes, à commencer par les consommateurs.

Google ou les revers de la diversification tous azimuts

Condamnée plusieurs fois, la firme est une habituée de ce type de contentieux commercial. En France par exemple, le moteur de recherche avait déjà été sanctionné pour abus de position dominante en 2012 par le tribunal de commerce de Paris suite à une plainte déposé par l’entreprise Bottin Cartographes. Le tribunal a en effet reconnu que Google faussait les règle de la concurrence en proposant gratuitement une service que les spécialistes du marché ne peuvent produire sans assumer certains coûts. Google a depuis essuyé de nombreuses autres plaintes, avant d’être à nouveau assigné en France.

Début mai 2014, l’Open Internet Project déposait une plainte contre Google. Cette organisation qui réunit pas moins de 400 acteurs du business en ligne a signé un geste fort en accusant la firme de Mountain View d’abus de position dominante. L’OIP ne ménage d’ailleurs pas ses propos. Ses membres affirment en effet que Google « manipule les résultats de recherche afin de promouvoir ses propres services et dégrader ceux de ses concurrents ». Dans un contexte ou neuf recherches internet sur dix sont effectuées via Google, le mécontentement des membres de l’OIP est compréhensible. De fait, Google dispose aujourd’hui d’un pouvoir de marché tel qu’il peut largement contribuer à rendre invisible l’offre de certaines entreprises, concurrentes ou non sur internet.

Quand on connait l’importance que prend le web aujourd’hui comme outil d’information et de prospection, on envisage aisément le pouvoir d’influence que Google peut avoir sur la structuration de l’offre et de la demande. En outre, cette entreprise déploie une stratégie de diversification sur un grand nombre de services numériques. On ne peut qu’anticiper une augmentation des contentieux motivés par l’abus de position dominante. D’autant que les tribunaux de France et de Navarre semblent s’accorder à dire que Google est avant tout un moyen de communication, et pas seulement une entreprise parmi d’autres dans le secteur de la publicité, de la cartographie, de la vidéo... Mais la firme de Moutain View n’est pas la seule à déranger par son agressivité.

Quand Amazon prend la création en otage

Amazon, principal revendeur de livres sur internet s’est également illustré par des pratiques abusives. Dernièrement, Amazon s’est rendu coupable, aux yeux de l’opinion, d’exercer une pression commerciale sur Hachette et ses filiales américaines. D’après le New York Times, le distributeur a en effet délibérément choisi d’aposer des délais de livraison anormalement longs (jusqu’à 5 semaines contre quelques jours habituellement) pour les livres édités par les sociétés du groupe Hachette. L’enjeu de la manœuvre : négocier le prix d’achat des livres à la baisse. D’après le New York Times, Amazon aurait déjà utilisé cette stratégie contre l’éditeur IPG quelques années plus tôt.

Problème : ce type de pratique « a des conséquences douloureuses pour certains auteurs dont les ventes ont plongé », commente en effet le journal Les Echos. « Quand le problème a commencé, mon livre était classé dans les 300 premiers sur Amazon. Depuis, il a chuté dans le Top 3 000 », déplore Marla Heller, auteure d’un livre édité par le groupe Hachette, dans les colonnes du Monde. En quelques jours, le prix de son ouvrage est passé de 8 à 20,69 dollars. En réalité, le distributeur étant soumis à une forte pression actionnariale, continuera probablement d’exercer de telles pressions pour accroître ses marges.

Tout comme Google, Amazon bénéficie d’un pouvoir de marché important qui lui permet d’exercer une pression insoutenable pour ses parties prenantes. Amazon n’a, certes, pas encore fait l’objet de poursuites pour « abus de position dominante » comme le revendique Aurélie Filippetti. Il est vrai que ses parts de marché dans le secteur du livre sont sans commune mesure avec celles de Google sur son secteur d’activité. Mais cela suffit néanmoins pour placer l’ensemble des acteurs de la filière du livre dans l’incertitude. En ce sens, ces deux entreprises se ressemblent donc beaucoup, tant dans leur vélléités hégémoniques que dans leur façon de les poursuivre. Quitte à mettre en péril les secteurs d’activités dont elles dépendent, évidemment, pour exister.