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CGT : Lepaon poussé vers la sortie

par Catherine Gasté

Publie le mardi 6 janvier 2015 par Catherine Gasté - Open-Publishing

Louis Viannet, l’ancien secrétaire général de la centrale, a réclamé la démission de Thierry Lepaon. Un coup dur pour le leader du syndicat, d’autant qu’un rapport interne — dont nous dévoilons la teneur — fait polémique.

Le glas a-t-il sonné pour Thierry Lepaon ? A la veille de la réunion de la commission exécutive (le gouvernement de la CGT) prévue aujourd’hui et demain avec à l’ordre du jour le sort du secrétaire général, un véritable tremblement de terre a secoué la centrale de Montreuil.

Louis Viannet, 81 ans, numéro un de la centrale de 1992 à 1999, celui qui a oeuvré pour couper le cordon entre la CGT et le PCF, a décidé de porter le fer contre Thierry Lepaon. Il demande, dans une interview au « Monde », à l’actuel secrétaire général (sur la sellette depuis les révélations sur l’onéreuse rénovation de son appartement de fonction, de son bureau et sur ses indemnités perçues de la CGT Basse-Normandie), de rendre son mandat au plus vite. Il s’en « grandirait ». Car, aux yeux de Louis Viannet, la crédibilité du secrétaire général est « perdue à l’intérieur comme à l’extérieur » du syndicat. Jamais, dans l’histoire du syndicalisme, un ancien leader ne s’était permis une telle charge.

Si les appels à la démission se multiplient depuis des semaines, celui lancé hier par l’une des figures emblématiques de la CGT a fait l’effet du coup de grâce. « En clamant sa volonté de rester coûte que coûte dans sa responsabilité, Thierry Lepaon tend à confondre détermination et entêtement », dénonce-t-il. Des mots cinglants que les militants se repassaient en boucle hier. Et surtout les déclarations au vitriol démontant les arguments développés par Thierry Lepaon et ses proches pour assurer sa défense : « Certes les fuites ont bel et bien existé, la pression médiatique également. Mais si aucune faute n’avait été commise, il n’y aurait aujourd’hui ni fuite ni campagne des médias », tacle ainsi Viannet.

Une réunion discrète avant le réveillon

Le soldat Lepaon, qui espérait mettre à profit la trêve des confiseurs pour sauver sa tête, en est pour ses frais. Pendant les vacances, une dizaine d’émissaires de son premier cercle ont pourtant été chargés de dégonfler les rangs de ceux qui réclament sa démission. A coup d’appels téléphoniques, de déplacements, de réunions... Objectif : rassembler autour du secrétaire général au nom de l’intérêt de la centrale et discréditer au passage les frondeurs et la presse. Un collectif parti de l’union locale de Caen (Calvados), les terres de Lepaon, a même tenté de lancer une pétition de soutien. En vain.

A quelques jours du réveillon du Nouvel An, lui est ses proches se sont réunis discrètement à quelques pas de la centrale de Montreuil pour peaufiner les différents scénarios : son maintien au poste de secrétaire général ou sa démission, à condition de rester au sein d’une direction collégiale composée de plusieurs têtes. Ce week-end encore, selon nos informations, Thierry Lepaon réaffirmait vouloir tenter le tout pour le tout pour rester à son poste. Du moins jusqu’au 13 janvier, date à laquelle le CCN (le parlement de la centrale) — qui a tout pouvoir pour le destituer — se réunit.

A Montreuil, au siège de la centrale, comme dans tout le reste de l’organisation, la voix de Louis Viannet risque de faire peser le balancier du côté des anti-Lepaon. « Ceux qui doutaient encore ne peuvent plus se retrancher derrière le silence et continuer à le soutenir », lance ce responsable. Après avoir bataillé tout le mois de décembre, Thierry Lepaon avait fini par assurer qu’il se donnait jusqu’au 6 janvier pour réfléchir à une éventuelle démission. Le fera-t-il désormais ?

Des approximations pointées du doigt

D’âpres discussions se poursuivaient hier soir afin de tenter de mettre un point final au fameux rapport interne censé faire toute la lumière sur les affaires Lepaon. Rédigé par les sept membres de la commission financière de contrôle (CFC) — mandatés pour enquêter à la suite des révélations, le 29 octobre dernier, sur l’appartement de fonction de Thierry Lepaon —, ce texte devrait être dévoilé aujourd’hui devant les membres de la commission exécutive. Ses conclusions sont d’autant plus attendues par les militants que ces derniers sont nombreux à dénoncer le manque d’informations émanant du secrétaire général depuis près de deux mois dès lors qu’il est question de son train de vie. Un précédent rapport d’étape, rédigé début décembre, avait pointé des montants « manifestement trop élevés » sur les travaux ainsi que « des factures exagérées »..., d’autres investigations devant se poursuivre d’ici janvier, avait indiqué la CFC. Hier encore, plusieurs contrôles ont eu lieu.

Son salaire.Depuis des semaines, Lepaon l’affirme sur tous les fronts : « J’ai demandé à faire baisser mon salaire dès mon arrivée. » En clair, des 5 200 € net de salaire par mois sur treize mois, proposés à son arrivée (soit 8 632 €, toutes cotisations sociales confondues), il n’aurait perçu que 4 000 € net depuis avril 2013. La commission de contrôle a vérifié, pièces comptables à l’appui. Or, selon nos informations, si Thierry Lepaon a bien baissé son salaire, ce n’est pas depuis 2013. Les bulletins de paye parlent d’eux-mêmes : la modification n’a été effectuée que sur le salaire de... décembre 2014.

Sa prime.Concernant la prime accordée en mars 2013 à Thierry Lepaon pour son départ du comité régional de Normandie, et le remboursement de cinq mois de salaires par la confédération, la commission a bien trouvé trace dans la comptabilité d’une somme de 100 830 € : soit 35 000 € pour les primes, salaires et cotisations sociales versés sur 2012 et 2013 ; et 60 830 € au titre des indemnités de rupture (cotisations comprises) et 5 000 € pour remboursement de frais de représentation.

Son appartement.L’addition salée des travaux et de l’aménagement de l’appartement de fonction niché à la lisière du bois de Vincennes, facturée au total 139 000 € (105 000 € de rénovation + 34 000 € pour l’ameublement, l’électroménager et la décoration), cache-t-elle une surfacturation ? Même si des doutes subsistent, la commission ne dispose pas en l’état d’éléments le démontrant. Parmi les explications retenues pour justifier le montant élevé de la rénovation : la rapidité des travaux à exécuter dans l’appartement et la qualité des matériaux exigés par... Thierry Lepaon. Car, contrairement à ses affirmations, ce n’est pas « dans la presse » que le secrétaire général aurait découvert le montant de la facture. Des éléments indiquent au contraire qu’il a reçu au fur et à mesure de l’avancement des travaux des informations sur le chantier en cours. Restent des zones d’ombre sur le mobilier, car lors de la visite effectuée par les membres de la commission au lendemain des révélations dans la presse, une partie des meubles et autres équipements facturés n’auraient pas été vus dans l’appartement.

Son bureau.Concernant les travaux dispendieux de son bureau du 8e étage, Thierry Lepaon l’a encore répété le 19 décembre dernier dans nos colonnes : « Cela a coûté 65 000 € parce qu’il fallait refaire le chauffage et la climatisation. » Problème : le chauffage est collectif et l’essentiel de la facturation est en réalité dû au mobilier sur mesure, réalisé à la demande de Thierry Lepaon, qui affirme pourtant là encore n’avoir été au courant de rien.

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