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MINEURS ISOLES ETRANGERS : LES APPARENCES POUR PREUVE

par La LDH, le Gisti et Syndicat de la Magistrature

Publie le mercredi 20 mai 2015 par La LDH, le Gisti et Syndicat de la Magistrature - Open-Publishing
4 commentaires

À un adolescent malien seul en France, porteur d’un acte de naissance et d’une carte d’identité établissant sa minorité, la cour d’appel de Paris rétorque que « son allure et son attitude ne corroborent pas sa minorité » (décision ci-jointe). Une affirmation lourde de conséquence puisque la cour laisse ce jeune à la rue en refusant sa prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Pour rendre cette invraisemblable décision, la cour n’a pas seulement renié toute humanité, elle a dû, aussi, tordre le droit. C’est l’article 47 du Code civil qui a fait les frais de l’opération.

L’article prévoit que tout acte d’état civil étranger fait foi sauf si d’autres éléments établissent qu’il est irrégulier ou falsifié. En l’espèce, aucune preuve ni aucun indice d’irrégularité ou de falsification des actes d’état civil du mineur n’étaient joints au dossier : au contraire, le service chargé de traquer la fraude documentaire les avait jugés authentiques ! Peu importe : le récit qu’il a fait de sa vie leur ayant semblé peu cohérent, les magistrats ont imaginé de soumettre cet enfant à une expertise osseuse.

Non contents de lui infliger cette épreuve injustifiée, ils ont prévu qu’il devrait être assisté de son avocat ou « d’un professionnel » d’une association d’aide aux mineurs. Peu importe, encore, que l’ADJIE (Accompagnement et défense des jeunes étrangers isolés qui est en fait un collectif d’associations) ait toujours refusé de cautionner ces examens osseux dont la fiabilité est déniée par les plus hautes autorités médicales. L’enfant s’étant rendu chez le médecin muni d’un courrier de l’ADJIE disant ne pouvoir être présente, les examens n’ont pas été réalisés. Les juges en ont pris prétexte pour le rendre responsable du « défaut d’exécution » de l’expertise.

Le raisonnement est doublement fallacieux. D’abord parce qu’il impose à un jeune en détresse, qui ne parle ni ne lit le français, de coopérer à la démonstration d’une minorité que les juges devait tenir pour acquise. Ensuite parce qu’il le rend comptable du refus légitime d’un collectif associations de s’associer à cet acharnement dans la suspicion. Et ce, pour conclure sans trembler que, quoi qu’en disent ses actes d’état civil, ce jeune aura l’âge qu’il a l’air d’avoir.

« La chronique quotidienne de l’enfance malheureuse rappelle aux pouvoirs publics l’urgente nécessité de renforcer la protection civile des mineurs » affirme le préambule de l’ordonnance de 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger. Aujourd’hui, parce qu’ils sont étrangers, certains enfants sont à ce point indésirables que la justice en vient, pour leur refuser cette protection, à dénier leur minorité en utilisant les expédients de pseudo-expertises ou en tenant les apparences pour preuve.

Alors que la communauté scientifique s’accorde pour dénier toute force probante aux tests osseux et dentaires, que les documents d’identité font foi, l’administration et la justice persistent à recourir à cette technique inepte. Il est plus que temps d’y renoncer.

Messages

  • Hop ! Au point Godwin d’emblée :

    Autres temps, mêmes moeurs. Mêmes opérateurs. On leur donne du « Monsieur » ou du « Madame », mais...

    C’est quoi déjà, la « devise nationale » sur le fronton de leurs offices ?

  • De plus en plus la justice comme l’aide sociale à l’enfance se défaussent de leurs responsabilités. La justice car elle a sans doute des ordres de plus haut de réduire la prise en charge des mineurs étrangers isolés et les départements qui deviennent de plus en plus exigeants pour permettre à ces jeunes d’être pris en charge. Justice comme ASE se réfugient derrière des tests osseux alors que ceux-ci n’ont aucune assise scientifique. Encore là nous sommes devant un problème d’argent. L’argent tue toute humanité. C’est une honte pour la France qui prône des valeurs de fraternité, mon œil ! Ceux et celles qui refusent la prise en charge de ces jeunes dorment tranquilles tous les soirs, ont de quoi manger etc… et leurs enfants n’ont rien à craindre ! J’ai dû intervenir un mois de février alors qu’il faisait grand froid dans un département pourtant dit de gauche qui avait donné ordre à un établissement de ne pas garder un MIE( l’établissement ne percevant plus de cette façon son prix de journée s’il le gardait) au nom de ce fameux test osseux ! L’intervention a réussi mais combien sont sans logis, livrés à eux-mêmes et après on les traite de délinquants parce qu’ils ont chapardés pour seulement manger ! Ils sont une chance pour la France contrairement à tout ce qui peut se dire et notamment de cette extrême droite qui base son projet sur la peur et le repli sur soi-même. J’ai connu plusieurs de ces MIE qui contrairement aux idées reçues sont volontaires pour apprendre, réussir et travailler là où les enfants de ceux et celles qui font ces lois iniques ne voudraient pas que leur chéris soient maçons, plombiers etc ce ne sont pas des métiers nobles ! Arrêtons de penser que nous ne pouvons traiter toute la misère du monde. Facile comme argument Mais tous ces politiques savent profiter de tous ces pays africains pour les piller de leurs richesses et savent trouver l’argent pour faire la guerre mais quelle guerre ? Tous ces africains, ces syriens, ces lybiens etc ce n’est pas de gaité de cœur qu’ils quittent leur pays, leur famille et risquent leur vie pour uniquement survivre.

    • tout à fait d’accord avec cette analyse. J’ai souvenir d’un fait relayé par les médias mainstream qui traitait de ce scandale, mais à ma puissance mille. Il s’agissait de faire passer un test osseux à un jeune migrant africain qui était "scolarisé" en collège, en France. L’adminsitration avait des doutes sur le fait qu’il soit mineur, donc qu’il n’aurait pas le droit d’être scolairisé et par là, de se former, de se cultiver, d’apprendre. Avec comme conséquence de casser la motivation de ce jeune homme d’aller à l’école pluôt que trainer, errer oisivement sans but. Quel gachis ! Quand on apprend cela, on ressent une honte d’être français, d’être né dans un pays si riche et à la fois si bête, si inhumain.

      L’argent tue toute humanité.

      Non ce n’est pas l’argent qui tue, c’est la cupidité, l’accaparation, l’avarice, l’accumulation. La France est un pays riche, même très riche. Mais elle est habitée par des autochtones qui ont une manière de penser qui se limite à compter leurs biens et à rechercher comment en avoir encore plus.
      Nous coulons. Oui, exactement comme ces bateaux de pauvre gens surchargés par des passeurs sans scrupules.

    • Victor Hugo, reviens pour Cosette !
      22 MAI 2015 | PAR RESF
      Cette histoire se passe à Beauvais. Le mercredi 13 mai à 10h30, Cosette, une demandeuse d’asile congolaise (RDC), vivant avec son fils Samuel, 9ans et demi, est convoquée par la direction du foyer ADOMA (association chargée de l’accueil des demandeurs d’asile). Elle a depuis peu reçu le rejet de son recours par la Commission Nationale du Droit d’Asile, et doit ce jour-là remettre les clés de la chambre qu’elle occupe avec son fils. Ce qui importe pour ADOMA, c’est le respect des procédures. Le contrat de prise en charge stipule que la famille doit quitter les lieux dans un délai d’un mois après que le refus d’asile ait été signifié. Un mois de délai s’est écoulé, donc Cosette et Samuel doivent partir. Peu importe que les démarches entreprises avec les structures susceptibles de l’aider à trouver un hébergement – le SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation), le SAMU social, le DALO (dispositif du Droit au Logement auquel les déboutés n’ont pas droit dans l’Oise), le 115 - n’aient pas abouti. Peu importe que la maman réclame un mois de délai supplémentaire pour se démener en pensant d’abord à son fils, en CM1 à l’école Jean Moulin où il est scolarisé depuis le CE1 (trois ans !).
      Cosette ne veut pas rendre les clés. Elle ne se rend pas à la convocation de 10h30. L’ADOMA constate son absence puis, pour respecter ses procédures, l’ADOMA fait alors justice elle-même. Une personne de la direction avec deux employés qui ont pour mission de débarrasser la chambre de Cosette, y pénètrent, retirent ses effets en effectuant un inventaire avant de les placer dans une cave (!!!...) puis procèdent à un changement de serrure. Un comportement inacceptable d’un logeur dont la devise est, croyez-moi, c’est inscrit sur leur papier en-tête : "ADOMA, insertion par le logement". Un comportement novateur d’ailleurs dans ce foyer. Si ce problème de fin de prise en charge de séjour n’est pas nouveau, c’est la première fois que l’on revient à des pratiques d’un autre âge. La dernière fois encore, un huissier était venu constater que la famille n’avait pas quitté les lieux et une procédure avait été engagée devant les tribunaux. Le Tribunal Administratif d’Amiens avait alors confirmé qu’une expulsion forcée pouvait être engagée. Procédure qui n’a pas été mise en application car pendant ce temps, la famille poursuivie avait trouvé une solution pour se loger.
      Cosette et son fils ont téléphoné au 115, qui leur a indiqué l’endroit où ils pourraient rencontrer le SAMU Social en soirée. Ils y sont allés. On leur a dit qu’il n’y avait pas de place d’hébergement ils ont été invités à rappeler le 115 le lendemain... Bref, c’était la rue pour cette Maman et cet enfant !
      Une fois encore, c’est la solidarité militante qui a évité à Cosette et son fils de dormir dans la rue. Cette même solidarité qui se mobilise depuis des années en refusant que des familles entières, avec leurs enfants, n’aient pas d’autre abri que les ponts, le hall de la gare routière, ou les parcs. Exclus de l’hébergement d’urgence, « réservé aux publics en réinsertion ». Cosette et son fils scolarisé depuis trois ans, ne sont-ils pas « insérés » ?
      http://www.leparisien.fr/beauvais-60000/beauvais-mobilisation-autour-d-une-mere-de-famille-expulsee-13-05-2015-4768603.php
      Enfants, il nous arrivait de verser des larmes à la lecture des Misérables. La malheureuse Fantine, à bout de forces, finissait par mourir, après avoir livré Cosette au sinistre couple Thénardier.
      Les Thénardier modernes sont ceux qui condamnent Cosette et son fils à la rue, ils appliquent la loi, le règlement, ne veulent pas savoir où celle-ci dormira... Mais doit-on laisser Emmanuel Berthier, préfet de l’Oise, Edouard Courtial, nouveau président UMP du Conseil Départemental en charge de l’Aide Sociale à l’Enfance, Caroline Cayeux, sénatrice-maire UMP de Beauvais... dormir tranquilles ? Nous ne le pensons pas !
      Une semaine après cette expulsion, Samuel continue d’aller à l’école. Ils téléphonent tous les jours au 115 en l’attente d’un abri et rendent visite tous les jours à la maraude du SAMU Social. Ils sont aidés par l’association et leurs proches. Un rendez-vous a été pris avec un avocat amiénois pour contester l’OQTF qui vient de lui être remise lundi 18 mai et la " procédure sauvage" d’expulsion.
      Pendant ce temps, les sénateurs surenchérissent et durcissent la loi sur l’asile, aux visées sécuritaires et démagogues. Les Thénardier ont de beaux jours devant eux.
      Francis Descroizette, Rose-Marie Monteil,
      Militant du collectif RESF-60 Présidente Solidarite Migrants Oise

      Voilà ce que je viens de lire sans commentaire