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GUINGOUIN : UN CHEF DU MAQUIS

par Ernest London

Publie le lundi 26 octobre 2015 par Ernest London - Open-Publishing
3 commentaires

Il y a tout juste dix ans, mourrait Georges Guingouin. Après les dernières biographies et le roman paru l’an dernier, la publication de cet album destiné au jeune public (mais parfaitement accessible aux adultes) est une preuve supplémentaire de son retour dans le récit national, après une longue période de purgatoire. Georges Guingouin aurait d’ailleurs également pu entrer lui aussi au Panthéon au printemps dernier, si le gouvernement avait voulu adjoindre un résistant communiste à Germaine Tillion, Jean Zay, Geneviève de Gaulle et Pierre Brossolette.

Né en 1913, Georges Guingouin est instituteur, militant communiste et secrétaire de mairie lorsque Pétain signe la reddition des troupes françaises. Immédiatement et sans hésiter, il organise les activités de propagande autour des sections locales du parti communiste interdit et rédige dès août 1940 un « Appel à la lutte ». Dénoncé, il rejoint la clandestinité et organise la résistance. Son maquis sabotera les convois du S.T.O., les usines stratégiques et les réquisitions de récolte pour ravitailler l’armée allemande, punira les collaborateurs et les profiteurs de guerre. Après le débarquement allié en Normandie, il organisera l’enlèvement du Strumbannführer de la division Das Reich (responsable des massacres de Tulle, d’Argenton-sur-Creuse, d’Oradour-sur-Glane…) et, à la tête de 6 000 hommes, livrera une bataille rangée contre la brigade Von Jesser venu réduire la Résistance. Il désobéira aux ordres de libérer Limoges, craignant un nouveau massacre. Élu maire de Limoges à la fin de la guerre, il sera exclu du parti communiste. Alors qu’il reprend son métier d’instituteur, une violente campagne de presse sera déclenchée contre lui et ses compagnons. Arrêté, passé à tabac en prison il obtiendra, au terme d’un procès équitable, un non lieu.

Georges Guingouin est de ces hommes intègres qu’aucune circonstance n’ébranlera jamais dans leurs fondements moraux, ni leurs convictions.
Ce moment d’histoire est développé dans la partie documentaire en fin d’album abondamment enrichie de documents d’époque. La partie fiction, elle, s’appuie sur une quinzaine de récits, imaginés, de témoins, compagnons, voisins, anonymes, rapportant chacun un épisode de la vie de Georges Guingouin pendant la guerre. Cette polyphonie donne une vision sensible des enjeux, du climat. Une gravure pleine page, inspirée de l’iconographie de propagande de l’époque répond à chacun de ces textes. Yann Fastier, auteur-illustrateur inclassable, iconoclaste et talentueux, habité par son sujet, a réussi un travail admirable, s’adressant autant à l’intelligence de ses lecteurs qu’à leur sensibilité.

L’édition jeunesse se risque peu, habituellement à explorer aussi loin des sentiers archi-battus. Il faut saluer cette publication remarquable. N’est-il pas en effet quelque peu paradoxal de proposer aujourd’hui encore, des monographies de Napoléon, de César, de Louis XIV ou de Jeanne d’Arc en lecture aux jeunes générations. La vie de Guingouin, en phase avec des problématiques très actuelles, sera certainement plus prompte à éveiller les consciences.
À lire, à conseiller, à offrir.

Ernest London.

GUINGOUIN : UN CHEF DU MAQUIS
Yann Fastier
44 pages – 16 euros.
Éditions de l’Atelier du poisson soluble – Le Puy-en-Velay – septembre 2015
www.poissonsoluble.com

Cet article est initialement paru sur le blog de la Bibliothèque Fahrenheit 451 :
http://bibliothequefahrenheit.blogspot.fr/2015/10/guingouin-un-chef-du-maquis.html

Parce qu’il faut d’abord comprendre le monde pour pouvoir le changer,
Parce qu’il faut tirer les leçons des luttes passées pour s’en inspirer, pour n’en pas renouveler les erreurs, pour prendre le meilleur dans tout,
Parce qu’il faut sans cesse se battre contre la bêtise, la haine, l’injustice, la barbarie,
Parce qu’il faut des armes pour se battre,
Parce qu’on a déjà perdu, si on renonce,
Voici, en permanente construction, une bibliothèque de références pour ceux qui souhaitent nourrir leur culture politique, analyses et comptes rendus de lectures utiles.
Les livres sont des armes !
Ernest London,
le bibliothécaire-armurier.
http://bibliothequefahrenheit.blogspot.fr/

Portfolio

Messages

  • Passé à tabac en prison. Par qui ?
    Maire de Limoges il sera battu par Jean Le Bail universitaire, membre de la SFIO le PS de l’époque qui était resté dans ses pantoufles pendant toute l’occupation ...

    • Les élections municipales de 47 se déroulent dans une situation de division de la gauche consécutive à l’exclusion des communistes du gouvernement. Le PCF perdra beaucoup de municipalités au profit du PS suite à entente anti-communiste droite-PS

  • Bonjour Ernest,

    Merci de signaler à notre attention un livre sur ce glorieux résistant communiste.
    Deux petites précisions cependant au sujet de ta chronique.
    1- L’officier nazi Kämpfe a été capturé fortuitement (il s’est arrêté sur le bord de la route pour aller pisser) par les maquisards de Guingoin le 9 juin, la veille du massacre d’Oradour-sur-Glane (le 9 juin, un détachement de la division Das Reich commet le massacre de Tulle).
    2- Guingouin, inculpé par un juge du tribunal de Tulle, n’a pas obtenu un non-lieux à la suite d’un "procès équitable" (?), procès qui n’a jamais eu lieu, mais par décision de la chambre de mise en accusation de Lyon. C’est pire encore parce que c’est l’aveu qu’il n’y avait aucune charge réelle contre lui.

    Il a été arrêté fin1953 et jeté en prison à Tulle où il failli être lynché à mort plusieurs fois. En 1953, c’est l’année où se tient à Bordeaux le procès de 21 des assassins d’Oradour (aucun officier supérieur). La sentence est rendue à ce procès le 12 février. Sept jours plus tard, SEPT JOURS PLUS TARD, le parlement vote une loi d’amnistie concernant 13 des condamnés !!! (seuls les communistes voteront contre cette loi).
    Quelques années plus tard, en 1959, quand le héro de la résistance Gunguoin est enfin blanchi, il n’en restait plus un seul en prison !!!
    Quant aux officiers responsable, dont le général Lammerding, commandant de la division Das Reich et condamné à mort par contumace pour les massacres de Tulle et d’Oradour, ils couleront des jours heureux en Allemagne jusqu’à la fin de leur vie.
    En 1953, le tribunal militaire de Bordeaux, le même qui a jugé les assassins d’Oradour, convoque d’autres FTP corréziens dans le cadre de "l’assassinat" par la résistance (avant juin 1944) du maire de Bort-les-Orgues, collaborateur revendiqué puisque chef local de la milice.
    Ainsi va la France de la 4e république, qui fera trainer jusqu’au bout de son existence (1958) les ennuis judiciaire de Guingouin.
    La 5e ne fera pas mieux, qui a amnistié et libéré les assassins de l’OAS (10 000 attentats et des milliers de morts - principalement des civils - en 15 mois d’existence) après tout au plus 5 ans de prison. Amnistiés par de Gaulle, par Giscard. Pour clore le tout, en 1982, une ultime loi d’amnistie est votée qui rétablit les généraux dans leurs carrières, retraite et décorations... Ultime loi d’amnistie voulue par Mitterrand. Mitterrand qui fut ministre de la 4e de 1947 à 1957.